mercredi 9 janvier 2013

Des autochtones

Publié ce mercredi 9 janvier 2013 dans le courrier des lecteurs de Métro (journal gratuit que je lis dans le métro). J'ai écrit ce courrier hier

http://journalmetro.com/opinions/courrier-des-lecteurs/218600/courrier-des-lecteurs-du-9-janvier/

Des autochtones

Lorsque je suis arrivé au Canada dans les années 1990, j’ai découvert avec stupeur et incompréhension qu’il existait deux catégories de Canadiens : celle des autochtones (les personnes d’origine amérindienne, les Métis et les Inuits) et les non-autochtones, aussi nommés les Blancs! Ces deux groupes ont un pays en commun, mais pas toujours le même territoire, et pas toujours les mêmes droits. J’ai tout de suite vu qu’une forme de racisme (scandaleux, bien sûr) s’exerçait parfois contre ces autochtones. J’ai découvert l’extrême pauvreté de certaines réserves, accompagnée des problèmes sociaux qui en découlent, ce qui m’a choqué, bien évidemment. Lorsque j’ai étudié l’histoire de la colonisation de la Nouvelle-France, j’ai appris que les grands perdants étaient les ancêtres de ces mêmes autochtones.
J’ai appris que les gouvernements des différentes provinces avaient entrepris d’éradiquer la culture de ces mêmes personnes au moyen de la scolarisation forcée en français ou en anglais, cela mené tambour battant par l’église chrétienne. Sans parler des déplacements forcés de villages entiers. Perte du territoire ancestral, perte de la langue, perte de la culture, perte de la spiritualité d’origine. Voilà le résultat. Malgré cet acharnement institutionnel, les autochtones ont su préserver un peu de leur âme. À la fin du siècle passé, le gouvernement fédéral tenta de faire son mea culpa et accorda des droits aux autochtones.
Bon. Ceci est la situation que je pense comprendre. Et je reste stupéfait par la présence de deux catégories de personnes dans un même pays. Diviser les citoyens, c’est créer des conditions favorables à l’éclosion de la jalousie, du racisme. L’égalité ne serait-elle pas une valeur canadienne? En France, où j’ai brièvement étudié le droit, j’ai appris un principe : la loi a une valeur universelle.
Cela signifie qu’elle s’applique à tous (à l’intérieur d’un même pays). Eh bien, pas ici. Je pense que les autochtones, si le gouvernement fédéral ne cesse pas de les traiter comme une sous-catégorie de la population, seront toujours les perdants. J’ignore si le fait de supprimer les réserves (j’imagine que cette idée serait loin de faire l’unanimité) et de n’appliquer qu’une seule et même loi à toutes et à tous au Canada, en respectant les deux paliers de gouvernement, serait une solution. Tout en préservant bec et ongles ce qui subsiste des cultures autochtones, car elles font partie de la richesse de l’humanité. Lorsqu’une langue meurt, le monde entier devient muet.

Alain Raimbault, Longueuil