mardi 26 septembre 2017

“Les doutes d’Avraham”, de Dror Mishani


Lu fin septembre 2017: “Les doutes d’Avraham”, de Dror Mishani, éditions Seuil
Policiers. Notre bon Avi de Tel-Aviv, assavoir le chef nouvellement promu de la section des homicides Avraham Avraham doit mener seul et pour la première fois son équipe d’enquêteurs sur les traces de l’assassin de Lea Jäguer qui a été étranglée. Après s’être débattue (p.34), une femme qui également a été violée quelques années auparavant. Comme le violeur est encore en prison, ce n’est pas lui l’assassin. Qui, alors? En parallèle, le lecteur découvre la vie de famille d’un certain Koby, un être vraiment étrange. Il faut se méfier des êtres étranges parce qu’il arrive que parfois, ils soient innocents. Il y a aussi le fils de Lea Jäguer, une véritable armoire à glace, qui ne semblait pas en bons termes avec sa mère ces derniers temps et qui ment lors d’un interrogatoire. Et puis, il y tous les habitants du quartier. Pas facile, cette enquête, non.
Comme d’habitude avec les romans de Dror Mishani, le quotidien des gens devient passionnant. Aussi, ce brave Avi doute sans arrêt. Il se sent coupable pour un rien, ce qui ne l’aide aucunement à avoir des idées claires. Il contacte son ancienne supérieure en arrêt pour longue maladie mais elle ne lui apporte que doutes et reproches. Son supérieur hiérarchique essaie de lui inventer un coupable afin de clore l’affaire au plus vite (et s’il avait raison?), et à la fin, on ne sait toujours pas avec certitude pourquoi le meurtre a été commis. Ce qui énerve le lecteur que je suis.
J’ai beaucoup aimé cette troisième enquête et je me demandais aussi, en lisant ce livre, quels étaient les mobiles du meurtre, et j’ai imaginé une réponse insatisfaisante, peu avant que Avi ne la formule. Ce livre est diabolique. La phrase du roman, désespérée (p.91) :" Elle n'arrivait plus à se reconnaître, comme au moment où elle s'était vue dans le miroir de l'ascenseur, ne comprenait pas qui était cette femme incapable de refouler ses larmes ni de surmonter des crises d'angoisse qui l'assaillaient aux moments les plus inattendus.. De là, le thème de la parole des femmes violées est abordé en toute intelligence et délicatesse. Il est enfin question d’émigration et les débats que ce sujet soulève sont très pertinents, c’est l’immigré que je suis qui vous l’affirme. Pourquoi immigrer? Comment réussir son intégration dans le nouveau pays? Que faire face à l’échec? Rentrer au pays? Pourquoi rester? Comment se positionne la famille qui elle est restée au pays et qui voit son enfant s’éloigner d’elle? Que dire à nos parents, là-bas? Comment vivre dans une autre langue? Qui est-on lorsqu’on communique dans une autre langue? La visite des parents de Marianka, sa dulcinée, est un moment épique et tellement rempli de vérité! Une fois de plus, j’ai dévoré ce roman.
Et maintenant, pour conclure en beauté, je signale que Dror Mishani m’a appris avant hier par courriel  (il est vraiment formidable, cet auteur!) que son premier roman traduit en français “Une disparition inquiétante” va sortir en film en janvier 2018 sous le titre: “Fleuve Noir”. Avec des acteurs magnifiques:  Vincent Cassel, Romain Duris, Sandrine Kiberlain, Élodie Bouchez, Charles Berling. Que du beau monde!!! Voir l’entrevue inquiétante de Romain Duris sur le site de ALLOCINE.
Elle est pas belle, la vie?

http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=244715.html 


mercredi 20 septembre 2017

La violence en embuscade, de Dror Mishani

Lu en septembre 2017: La violence en embuscade, de Dror Mishani, éd. Points Seuil policier.
Notre brave commandant Avraham Avraham a passé trois mois de vacances en Belgique auprès de sa nouvelle dulcinée. Lorsqu’il rentre à Tel-Aviv, une nouvelle enquête l’attend. Quelqu’un a déposé une fausse valise piégée devant une garderie. La menace est évidente. Il faut retrouver au plus vite le coupable, un homme qui boîterait, avant qu’on ne dépose une vraie bombe. Rapidement, le policier se rend compte que l’horrible propriétaire de cette garderie en aurait froissé plus d’un. Un parent vraiment bizarre, Haïm Sara, justement, pas sûr de lui du tout a été humilié par cette dame. Une vengeance? Chemin faisant, on apprend que ce monsieur Sara a deux enfants et qu’il passe son temps à leur faire croire que leur mère, partie à jamais, va revenir. Vraiment étrange, le monsieur. Pourquoi ne pas avouer qu’elle ne reviendra pas?

Cette deuxième enquête est excellente car elle est le prolongement de la première où le commandant a vraiment perdu du temps et commis quelques erreurs. Il est traumatisé par le fait qu’un adolescent a été tué, qu’on n’a jamais retrouvé le corps et que la vérité n’a certainement pas triomphé. Ses décisions, ses jugements sont influencés par l’enquête précédente. Et cette fois, ce n’est pas une mais deux enquêtes qu’il mène de front. Il avoue à la fin: “J’étais sûr que là, j’y étais arrivé, mais non, là non plus, je n’ai réussi à sauver personne.” (p.376) Monsieur Sara se plaint plusieurs fois de ne pas avoir de chance dans la vie. Le commandant non plus. Il doit travailler fort pour en arriver toujours à des solutions incomplètes. Le lecteur ne connaît jamais les mobiles des crimes. Pourquoi on tue dans les romans de Dror Mishani? Mystère. Un jour, j’avais rencontré Thierry Jonquet qui expliquait lors d’une rencontre avec des élèves au Lycée Professionnel Réaumur, à Poitiers,  que la question qui le turlupinait avant d’écrire un livre était la suivante: Pourquoi tuer? Je pense que Dror Mishani se pose la même question et n’apporte aucune réponse précise, pour mon plus grand bonheur.

lundi 18 septembre 2017

Une disparition inquiétante, de Dror Mishani

Lu en septembre 2017: Une disparition inquiétante, de Dror Mishani (ed. Points Seuil policier)

Ofer Sharabi est un adolescent taciturne, secret. Un jour, sa mère vient déclarer sa disparition au commandant Avraham Avraham dans un poste de police perdu dans un quartier quelconque de Tel-Aviv. Sur le coup, le policier pense à une banale fugue. Cependant, comme Ofer ne revient pas, une enquête est ouverte. Mais voilà: la mère reste évasive, le père, marin au long cours tarde à rentrer en Israël et aucune information pertinente n’atterrit sur le bureau du pauvre commandant, de plus en plus désemparé au fil des jours. Entretemps, un voisin plutôt singulier qui a donné des cours d’anglais à Ofer essaie de faire avancer l’enquête à sa façon car lui, il connaît bien Ofer. Il sait quoi faire!
Plus l’enquête stagne, et c’est là le génie du roman, plus elle est passionnante. Mon personnage préféré, bien sûr, est Zeev, l’enseignant d’anglais qui suit des ateliers d’écriture dans un but franchement original. Si vous ne savez pas pourquoi écrire, demandez à ce personnage. Sa réponse va vous époustoufler. Comme l’enquêteur est d’une banalité attachante, forcément, on s’attache à lui, à ses doutes, à ses errements, on veut absolument savoir ce qu’il va devenir dans sa prochaine enquête. Selon moi, l’intérêt tient davantage dans la perception que le lecteur a des personnages plutôt que dans l’enquête elle-même. Finalement, ce roman est autant policier que peuvent l’être L’Étranger, de Camus, ou Les Misérables, de Hugo. Une phrase que j’adore et qui résume de nombreux polars: “Sa perception de la réalité était quelque peu tordue.” (p.304) Et quand la réalité chez Dror Mishani n’est pas tordue, elle est torturée.

Je vais de ce pas me précipiter sur la deuxième enquête du pauvre Avraham Avraham pas rapide rapide pour trouver les coupables coupables.





mardi 5 septembre 2017

Au scalpel, de Sam Millar

Livre lu en septembre 2017: Au scalpel, de Sam Millar (éd. du Seuil, collection Cadre noir) Après un sale hiver auquel notre détective privé favori Karl Kane a survécu plutôt mal que bien, voilà que les problèmes lui tombent à nouveau sur le dos dans une Irlande du Nord de plus en plus humide. Un fantôme du passé vient jouer les troubles fête dans la vie plutôt cauchemardesque de Karl Kane. Un monstre enlève des petites filles et laisse des cadavres mutilés derrière lui. Ce même monstre qui avait assassiné sa mère et qui l’avait laissé pour mort dans la maison familiale. Difficile de faire face à ce cauchemar. Bien sûr, les événements sont encore plus horribles que dans l’imagination. Au scalpel, et je suis d’accord avec les lecteurs qui en arrivent à cette conclusion, est le meilleur roman de la série des Karl Kane. Nous sommes au coeur des cauchemars de notre détective vraiment solitaire. L’action est noire. Les douleurs sont infinies. La mort triomphe. Et il pleut sans arrêt. Ambiance réussie. Le plus grand livre de la série. Un petit chef d’oeuvre! J’ai encore adoré!

Je pense que Sam Millar qui a connu les prisons anglaises dans sa jeunesse exprime dans ce livre une vérité sur la douleur de l’enfermement, de la mutilation, de l’injustice. Le polar raconte aux adultes des histoires de monstres, comme les contes racontent aux enfants des histoires d’ogres. Au scalpel devient métaphysique car il s’agit aussi de notre propre mort, la première étape étant la présence insupportable, injuste, absurde de la souffrance et non la vieillesse ou la maladie. Un livre très fort.