samedi 22 décembre 2018

Récidive, de Sonja Delzongle

Méfiez-vous des pères! Ils vous veulent du mal! Dans Récidive, le roman vivifiant de Sonja Delzongle (Folio policier), les pères, c’est vraiment pas ça. On commence par couler par dizaines au large de Saint-Malo, puis on refroidit un assassin de la pire espèce, ensuite on découvre que le charmant papa breton de la profileuse new-yorkaise Hanah Baxter (au profil bien bas), vient de terminer sa peine de prison. Ce doux papa avait tordu le cou à son épouse, la maman d’Hanah. Comme il est libre à présent et qu’à Saint-Malo en hiver, on meurt d’ennui, il reprendre goût à ses démons de jeunesse. Hanah sait que son père veut lui faire la peau puisque c’est elle qui l’a dénoncé à la police quand elle était petite. C’est à cause d’elle s’il vient de tirer 25 ans au trou. Elle va le payer! Hanah le sait. Elle imagine des choses terribles, qui se révèleront cauchemardesques. Son paternel va-t-il la trucider dans une ruelle sombre? Est-ce bien lui le monstre de Saint-Malo? Et si Hanah rencontrait un autre os sur son chemin?

J’ai beaucoup aimé la première histoire du roman, à New York, dans laquelle s’enfonce la pauvre Hanah pendant qu’à Saint-Malo, l’affreux papa rentre dans ses sanglantes pénates et perd la boule. Ce roman limpide, ultra-marin, tempétueux, est construit tout en finesse et efficacité. Le compte à rebours est lancé dès les premières pages. On tremble. On sait que ça va mal se passer. Et c’est pire, en somme. Les histoires de morts finissent mal, en général.

(Bon sang, c’est dimanche. Fait que je lise d’urgence Boréal!!! Je suis accro!!!)  



Quand la neige danse, de Sonja Delzongle

Rousseau s’est fourré le doigt dans l’oeil jusqu’à l’os: l’être humain est foncièrement mauvais, et la société le transforme en monstre! La preuve, cet excellent roman hivernal décidément frigorifiant de Sonja Delzongle intitulé: Quand la neige danse (Folio policier). Ça commence mal, bien sûr. La fille toute jeune du brave médecin Joe Lasko est enlevée. Pas de chance. Dans un trou perdu de l’Illinois, normalement, il ne devrait rien se passer, sauf qu’en plus des enlèvements de petites filles (ah, oui, Joe n’est plus seul dans le malheur) des cadavres remplis d’os apparaissent en veux-tu en voilà. C’est l’hiver, les personnages ont souvent un passé horrible, et le présent neigeux ressemble à un sac de noeuds. Al, le policier mitomane à ses heures (il voit des mites partout) rame dans la semoule. Il va faire appel à notre profileuse préférée Hanah Baxter pour allumer ses lanternes. Hanah, pas folle, va chercher des indices grâce à son Invictus préféré (un pendule hyper efficace) et puis de meurtres horrifiants en horrifiques assassinats, on est sûrs que pour les pauvres petites enlevées au début du roman, ça s’est mal passé. Joe, Gabe (son grand frère assassin libéré de prison), Hanah, Éva, Al et son équipe vont-ils réussir à retrouver les petites? Et si c’était Gabe, le coupable? Ou Joe?

Puisqu’il s’agit d’enlèvements d’enfants au début, forcément, le lecteur que je suis se sent mal à l’aise. C’est l’horreur absolue. Je lis pour savoir. Je vis la progression de l’enquête comme si elle était réelle (imaginez, une petite a été enlevée le jour de mon anniversaire, le 28 janvier! Je me sens concerné, pardi.) Je tremble, je suis horrifié, atterré, j’ai froid (en plus, décembre à Montréal où je lis, ça caille en tabarnak) aux pieds, je veux savoir! Non, la musique country n’adoucit pas les morts. Un vrai roman de tarés, comme je les aime. Quand les poupées font NON non non-non-non NOOON!



mardi 11 décembre 2018

Dust, de Sonja Delzongle

Si vous voulez changer votre manière de voir les supraconducteurs, voici un polar
glaçant pour vous: Dust, de Sonja Delzongle (Folio policier), qui se déroule à  
cent miles à l’heure sous l’écrasant soleil du Kenya. Hanah Baxter est une
charmante profileuse qui traque les tueurs en série grâce notamment à un
objet… vibratoire. Elle vit à New York mais soudain, un vieux pote du CID,
qui a du coeur, (Le CID est la police criminelle du Kenya) l’appelle pour lui
dire: Baxter, we have a problem. Ni une ni deux, elle ramasse ses clics et
son Glock et fonce au doux soleil nairobien. Il se trouve que là-bas, un tueur
original à ses heures te réduit en poussière en deux temps trois mouvements
pour te faire gagner du temps sur la mort, toujours trop lente à venir, on le sait.
Pas très gentil de sa part. Il te laisse en souvenir une belle flaque de sang
délicieusement décorée d’une croix. De fil en aiguille, on en arrive au massacre
des Albinos, aux trafics en tous genres pour terminer en une fin apocalyptique!

Ce roman est passionnant par l’intrigue qui ne te laisse pas une seconde de répit.
Il est passionnant par sa couleur noire car tout va de mal en pis et quand on
aime les histoires sombres, on est délicieusement servi. L’héroïne Hanah Baxter
tient son rang dans un monde de machos finis, les méchants sont pires que
l’enfer, et tout le monde perd sans arrêt. Une véritable tragédie abismale.


J’ai beaucoup aimé. Il m’a un peu fait pensé à Zulu, de C. Férey
(grand compliment!!!) Le genre est noir alors si on cherche une
Afrique triomphante, faut lire autre chose. C’est à désespérer du genre
humain, comme un conte où le méchant ogre boulotte tout cru des
enfants hurlant de douleur. Un régal!


lundi 10 décembre 2018

Effacé, d'Alain Raimbault, critique de Dominique Mavilla

Il m'aura fallu deux mois avant de pouvoir parler de ce livre tant il m'a fracassé le cœur. Je n'ai guère d'appétence pour ce genre de sujet,qui me met mal à l'aise, mais quand un livre est aussi intelligemment et bien écrit, les appétences on s'en balance !
Histoire banale d'une fille de vingt ans qui passe une nuit d'amour avec un inconnu et découvre ensuite qu'elle est enceinte. Bannissement des parents. On croirait l'histoire de Fantine dans "les Misérables" sauf qu'on est dans la Creuse en 1965.
Petits boulots à Paris dans des milieux glauques...
Le bébé naît et va grandir dans une violence inouïe: les coups, les manques de soins et d'amour sont son pain quotidien et à six ans il n'a qu'un but : mourir.
On ne l'appelle jamais par son prénom: on l'ignore sauf pour le frapper. Faut bien que quelqu'un paye la "faute" de la mère... Pas un jouet à la maison. Si sa mère remarque qu'il aime bien un verre à moutarde décoré utilisé lors des repas, elle le jette. Faire mal, tout le temps, par tous les moyens : terrible récit.
Mais l'enfant est intelligent.Très. Il observe ce monde de folie pour comprendre le fonctionnement de sa tortionnaire et anticiper d'éventuels coups. Et c'est pathétique à lire. De voir comment ce petit bonhomme, si tôt, si vite, étudie les caractères, et trouve des parades de fortune.
Et puis un jour, il découvre sa planche de salut : l'Ecriture ! Sa liberté est dans l'écriture. Il va noircir des pages et des pages, être heureux et grandir. Et atteindre l'âge de se rebeller.
Quand j'ai réalisé à la fin de cette narration hallucinante que cet enfant ,devenu homme, était mon copain, mon pote et mon ami Alain Raimbault et que ce récit était celui de son enfance....
Je ne dis plus rien sinon : Lisez absolument ce livre où le narrateur s'adresse à l'enfant qu'il a été sans jamais tomber dans le piège du voyeurisme.C'est au contraire un exemple de pudeur et de très belle littérature.
Livre édité aux éditions " L'instant même" ( éditeur québécois) facilement trouvable chez n'importe quel bon libraire ainsi que sur Amazon. Et pour les amis belges et suisses : en librairie également.


samedi 10 novembre 2018

Camille Gaudin



Cher grand-grand-papi Camille,


Tu es mort à 26 ans lors de la grande boucherie de la Somme, le 4 septembre 1916. Tu es tellement mort qu’on n’a même pas retrouvé ton corps. Une vie, une mort, brèves. C’était la guerre et tu avais l’âge. Comme hélas des millions de jeunes gens. Aujourd’hui on célèbre, on commémore l’armistice de 1918 que tu n’as pas connu. Ta guerre ne s’est jamais terminée, elle te fut éternelle. Du reste, penser à toi, c’est penser à la guerre. Tu es la Grande Guerre, sa victime. Tu étais agriculteur. La terre, ça te connaît. La voir labourée par des bombes, ça a dû te chambouler une escousse, dis-moi. On dit reposer en paix, mais toi, tu cauchemardes en guerre. En tenue de soldat. Tant et tant de morts. Si souvent. C’est quoi, ce monde, hein? Un siècle aujourd’hui que cette guerre est terminée. 11 novembre 2018. Des survivants, il y en eut, comme Charles Raimbault, mon autre grand-grand-papi. Comme lui, ils sont rentrés dans leurs pénates et ont poursuivi leur vie, ont fait des ribambelles d’enfants, sont morts vieux dans leur lit, pour les pas trop amochés s’entend. Ta fille, ma grand-mère, disait toujours qu’elle ne t’avait pas connu, que tu étais un bel officier et qu’elle était pupille de la Nation. Elle est née en 15, tu es mort en 16. Tu n’as pas dû rentrer souvent à la ferme. Ton seul bébé. Et tu es mort, comme tout le monde ou presque. Ta fille a eu des enfants, elles est restée dans le coin, vers Braye-sous-Faye, dans l’Indre-et-Loire. Sa grande guerre à elle fut la seconde, l’Occupation allemande. Puis ce fut l’Algérie dont sont revenus vivants ses fils qui ont tué des gens, des Algériens. Mais ça, ils ne le disent pas. C’était la guerre et ils avaient l’âge. Quand j’ai eu l’âge, moi, il n’y avait plus de guerre. Malgré celle d’Irak où je ne suis pas allé faute de conscription. Sinon, j’étais apte. Je suis de la première génération à ne pas avoir eu à me battre pour la Patrie. J’ai pile le double de ton âge, 52 balais, je connais une vie ordinaire, celle que tu n’as pas eue, avec des enfants, une carrière, des voyages. Grand-grand-papi Camille, la vie est courte, mais les guerres sont hélas éternelles.






Sergent Camille Gaudin, 6e régiment d'infanterie coloniale, tué à l’ennemi,


mort pour la France entre Barleux et Belloy-en-Santerre, 


Bataille de la Somme, le 4 septembre 1916.




Je signale que cette page ci-dessus a été oubliée lors de la numérisation de ce journal du régiment sur le site : Mémoire des hommes.  J'ai écrit aux archives de l'armée française qui me l'ont photocopiée et envoyée. En ce 3 mai 2019, ils n'ont toujours pas rectifié, cette page manque, et c'est bien dommage car le 4 septembre 1916, il y a eu vraiment beaucoup de morts. Cette page concerne directement de nombreuses familles.  
C'est situé entre la page 115 et 116 du document pdf, et 227 et 230 de la pagination du document original. 
6e régiment d'infanterie coloniale. J.M.O.26 N 864/6  









Mémoire des hommes:


Sergent Yves Hascoet, tué le 5 septembre 1916 


dimanche 30 septembre 2018

Giant 1 et 2, de Mikaël, éditions Dargaud, bande super bien dessinée

J'ai lu et adoré cette BD en deux tomes.


1: New York, époque de la grande dépression, début des années 30. Des ouvriers irlandais construisent le Rockefeller Center. Giant est un ouvrier à la carrure de géant, silencieux de torturé, qui écrit mystérieusement des lettres à une femme en Irlande. Un lourd secret pèse sur lui. Il vit misérablement au milieu des autres ouvriers qui comme lui risquent leur vie sur les poutrelles d'acier. La vie quotidienne est dure et simple pour ces hommes seuls qui ont tout quitté pour envoyer de l'argent au pays. 

2: New York, la mystérieuse femme arrive avec ses enfants et rencontre Giant... La vérité sera-t-elle trop difficile à dire? La construction de l'intrigue suit la progression vers les sommets du Rockefeller Center. 



L'histoire est magnifiquement racontée en variant les points de vue et les silences illustrés. C'est beau, fort, très émouvant, surtout à la fin quand on découvre la photographie finale! Les esquisses en bonus sont splendides! Les tons sépias, une réussite! Bravo à Mikaël! Il me tarde de lire ses autres œuvres d'art. 

J'ai eu le plaisir de rencontrer Mikaël au salon du livre de Montréal en novembre 2017. Je ne le connaissais pas du tout mais ses images étaient si belles que je suis resté devant lui, à le regarder dessiner, fasciné. 



Je sais que son diptyque rencontre un  succès  mérité. 

On trouvera quelques planches ici:


et ici:




Faire la couverture d'une revue prestigieuse comme dBD, c'est signe que le travail est admiré de beaucoup.

Enfin, je suis allé faire un tour au Rockefeller Center et Plaza. Voici mes images de mars 2016:




















































samedi 29 septembre 2018

Karine Legault-Leblond écrit d'Effacé:

Karine Legault-Leblond écrit le 27 septembre 2018 à propos d'Effacé:

Je viens de lire le mot final de ton roman, Alain Raimbault... Il va me hanter longtemps, c'est clair. Vraie ou pas, cette histoire met en lumière l'expérience d'une conscience qui survit à son enfance en prenant refuge, entre autres, dans le monde scolaire et l'écriture. Je ne peux qu'être sensible à ton œuvre, d'une puissance presque violente et d'une beauté crue. Un hymne moderne à la résilience, réaliste et intemporel, qui ne tombe jamais dans la facilité dramatique. Un véritable tour de force.

Voici la photo qu'elle a prise: 






vendredi 28 septembre 2018

Lancement d'Effacé le 27 septembre 2018

Lancement d'Effacé le 27 septembre 2018 à la librairie Le port de tête à Montréal



Je fais mon discours et une petite lecture

Lecture de la page 38 et 39, la douce naissance du narrateur

Con Andy y una amiga


Avec mes collègues Kathleen, Madame Dietz, Sylvie et Néémie. Manon est venue et partie avant la photo.

En famille, entre ami(e)s

Mi bonita

Avec Phil Comeau, le plus grand cinéaste acadien

Mes adorables éditeurs, Geneviève et Jean-Marie

En vitrine

Très agréable lancement, comme on peut le voir. 

Mon discours;


Chères collègues,


Je vais improviser un discours. Voilà. 


Merci d’être venues pour célébrer un usage de la langue qui n’est plus ici scolaire mais artistique. J’ai essayé de créer une oeuvre littéraire remplie de bien mauvais sentiments car, comme Gide l’a affirmé, on ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments. 


Tout d’abord, le poète que je suis a constaté son échec en poésie. Personne n’en lit, personne ne me lit. Alors, essayons au moins d’être écouté:


Fatigue Crasse


Où se poser


quel délit opposer à ma


fatigue crasse


je n’en sais pas plus sur les


apparitions intégrales des


douleurs du passant


du vaste compagnonnage


Je dérive à la dure écrasant


les frontières exhibées d’un catalogue d’hiver


seul l’espoir polémique


Il advient des enfances des


recompositions vieillies collées aux basques comme


des fictions appauvries


Les rues nouvelles me


paraphrasent


Au coin, que rien n’habite,


des échos débattent


suite d’oublis en confrérie


Mes absences font hiérarchie


Ressurgit


un prétexte à la mer le


grand large qui soudain


m’efface




Alors, j’ai changé de stratégie après des décennies de poèmes sublimes et ignorés. J’ai même inventé un genre littéraire révolutionnaire: la poésie sous-réaliste. Pour le surréalisme, on m’avait grillé la politesse. Donc, je continue d’écrire de la poésie, mais je trompe mon monde en affirmant que c’est du roman. En fait, ce roman est un collage de poèmes. Je l’ai écrit 20 minutes de temps en temps pendant trois ans. En imaginant des transitions rock-and roll, le texte se tient. L’avantage de la création artistique, c’est que personne ne m’oblige à écrire, je le fais au hasard de l’inspiration comme certains regardent Netflix ou se font du jambalaya au chorizo. Pareil. L’autre avantage est la liberté totale du propos. J’ai ainsi écrit sans retenue aucune ce que me dictait mon inconscient débridé, j’ai tout dit, chose qui dans la vraie vie ne se fait pas. Quand vous aurez lu ça, j’ai l’impression que vous allez me regarder bizarrement ensuite. Il n’a pas écrit ça, lui! Eh bien oui. J’ai abusé de ma liberté de scribouillard. C’est ça, l’art. C’est implanifiable. Ça vous tombe dessus un mardi. On n’y peut rien, c’est là! 


Merci au passage à mon éditeur qui, sur l’écran noir de ses nuits blanches, a vu des images publiables. Grand bien nous fasse. 



Ensuite, d’où vient l’inspiration? Réponse: de déviances textuelles. Quand un prédateur textuel a longtemps prédater, néologisme à saisir dans le sens de piller, faut bien rendre un jour ou l’autre sa copie. On lit, on lit, on lit encore, on écoute, et puis un jour on se dit qu’il faudrait bien écrire car nous aussi nous avons des idées, souvent tordues, voire inqualifiables. Certes, on n’écrit pas de livre avec des idées mais avec des mots. Les idées, c’est un début. Vous allez ainsi lire ce que j’ai longuement pensé. Hors, une fois imprimée, l’idée est éternelle. Elle voyage dans les imaginations. Les écrivains, passés et présents, sont toujours de ce monde. La preuve, il y a les librairies, les bibliothèques, publiques ou intimes! Ces salons de murmures. J’ai murmuré à ma façon. Un exercice de survie. 


Enfin, j’ai choisi un joli passage que toutes les mamans du monde vont adorer. La naissance du narrateur. Si vous croyez que tout commence au commencement, détrompez-vous. Les débuts sont toujours antérieurs. Quand un truc commence, c’est qu’il est trop tard. Voici un doux extrait (page 38).