mardi 23 janvier 2018

Caryl Férey, Haka


En Nouvelle-Zélande, terre maorie, Jack Fitzgerald est devenu policier après la mystérieuse
disparition de sa jeune épouse et de leur fille. Rien à faire, vingt-cinq ans qu’il les
cherche, à ça le rend fou. Les femmes mortes et mutilées que l’on retrouve le
rendent de plus en plus malade. En parallèle, John, un peintre très discret est
lui aussi malade. Lorsque la crise monte, mieux vaut ne pas se trouver près de lui.
La hiérarchie a collé Ann Waitura, psychopathologue experte en criminologie dans
les pattes de Jack le solitaire pour lui éclairer sa lanterne dans cette histoire de fous.
Le décors est planté, l’enfer va pouvoir étendre son emprise sur tout ce qui respire.
Plus l’on meurt et plus le corps de Jack se détériore, son esprit à la traîne. Le
lecteur suit ce dur à cuire en se sentant de plus en plus mal à l’aise. Qui massacre
les femmes? Qui sème la tempête dans le dos de Jack? Qui sont ces Maoris qui
veulent lui faire la peau? Et pourquoi? Qui, en fait, est le réel coupable, hein?

J’ai dévoré ce thriller. La fin est hallucinante!!! Sur ce, je ne suis pas certain
de vouloir passer mes prochaines vacances sur les plages de Nouvelle-Zélande.
Pas sûr du tout.


samedi 13 janvier 2018

Caryl Férey: La jambe gauche de Joe Strummer

Caryl Férey, La jambe gauche de Joe Strummer, éd. Folio policier

Mc Cash est irlandais, ancien de l’IRA, reconverti flic en France. Après avoir soigneusement
saboté sa carrière, certains gravissent les échelons, lui les a descendus, il décide de
démissionner avant l’heure afin d’aller crever en paix dans un trou à rat de Bretagne.
Pourquoi à Montfort-sur-Meu? Parce qu’avant sa mort, on meurt beaucoup dans ce
livre, son ancienne lui a fait un pays des merveilles dans le dos, Alice. Se retrouver
père dans la cinquantaine juste avant de devenir aveugle… ah, oui, Mc Cash est borgne
et son trou s’est infecté, il suinte, lui provoque des douleurs insoutenables, et bien sûr
l’infection gagne l’autre oeil, oui, bref, avant de devenir aveugle, ce n’est pas idéal pour
jouer au paternel. Pas sûr du tout de vouloir de cette responsabilité. Le bellâtre espionne sa
fille à la sortie de l’école, histoire de voir, ou de demi-voir à quoi elle ressemble. Contrairement
à lui, elle semble normale. Mais ce qui suit ne l’est pas du tout, normal. Lors d’une
bucolique promenade au bord de l’eau, il repêche le cadavre d’une petite fille. Lorsqu’il
prévient le chef de la gendarmerie locale, un certain Glandu, non, Ledu, cocu notoire,
on le soupçonne tout de suite. Forcément, vu sa dégaine. Mc Cash va donc mener son
enquête en solitaire et comme il n’a rien à perdre dans la vie, il n’hésite pas à flinguer
tout ce qui respire de travers devant lui. C’est un festival de massacres en veux-tu en
voilà. Le roman commence par la présentation de l’enfer personnel de Mc Cash et
se poursuit par l’extension du domaine de l’enfer. Un vrai régal de noir où coupables
et innocents meurent à tire-larigot.

En plus des joyeuses scènes sanguinolentes, ce polar est un petit bijou de style. Du bon
vieil humour grinçant à s’en décrocher les mâchoires. Le genre que j’adore. Si son
Zulu (mythique pour moi) est digne d’une tragédie grecque, La jambe gauche de
Joe Strummer rappelle les Thermopyles: Mc Cash, une armée à lui tout seul contre
le monde entier. Bon, maintenant, faut que je lise Plutôt crever.


mercredi 10 janvier 2018

Lettres du père Crespel et son naufrage à Anticosti en 1736

Lettres du père Crespel et son naufrage à Anticosti en 1736
Presses de L’Université du Québec UQÀM Imaginaire Nord - Jardin de givre, 2007

Le  récollet Emmanuel Crespel raconte en 1746 à son frère, en six lettres, son naufrage
à l’île Anticosti en 1736. Tout d’abord, il lui parle brièvement de ses différentes
affectations en Nouvelle-France. Il arrive en 1724 à Québec, puis est nommé à Sorel,
il part avec une expédition militaire au Wisconsin, il apprend les langues iroquoiennes
vers les Grands Lacs (Niagara, Detroit) et il est rappelé en France en 1736. Chemin
rentrant, en novembre, son navire La Renommée s’échoue au large d’Anticosti.
Sur 54 passagers, seuls 6 réussiront à passer l’hiver sur l’île puis à regagner le
continent au printemps 1737 avec l’aide des “Sauvages”. Ce récit est la narration
de l’horreur vécue dans une nature inhospitalière par des hommes qui vont mourir,
quand ils ne se noient pas, de scorbut, de gangrène, de froid, de maladie,
de faim et d’épuisement. Récit tragique qui fait froid dans le dos.

Ce livre est composé d’une longue et instructive introduction de Pierre Rouxel
qui aborde aussi bien le contexte historique que les procédés narratifs employés
par le prêtre. Les six lettres sont conformes à l’édition originale 1742. L’ouvrage
se termine par diverses chronologies et bibliographies.

Comme j’adore les relations de voyages des XVII et XVIIIe siècles, j’ai savouré
chaque ligne de cette correspondance miraculeuse car normalement, après
un tel naufrage, on ne survit pas. J’ai découvert aussi un ouvrage intéressant
sur l’histoire du Québec, et sur la terrible légende de l’île des naufrages, Anticosti.   





samedi 6 janvier 2018

Philip McLaren: Tueur d’aborigènes

Philip McLaren: Tueur d’aborigènes, éd. Folio policier

Comme le titre le raconte, un homme tue des aborigènes.
Il les viole et les tue, souvent en même temps. C’est son côté étrange.
Mais comme il n’est pas très discret, on imagine très vite qu’il va se faire coincer,
mais non. Comme ce jour n’arrive pas, il tue allègrement, parfois par accident,
des jeunes femmes, mais pas seulement. Avec les assassins, on ne sait jamais.
En face de lui, deux membres d’une nouvelle brigade de police mènent l’enquête,
envers et contre tous: Gary, et Lisa. Ils sont policiers, mais aussi aborigènes et
c’est là leur problème. Ils font face au racisme de la société en général,
et de leurs collègues en particulier. Alors, on découvre à travers leur histoire les
difficultés auxquelles les aborigènes sont confrontés quotidiennement.
Les filles ont été retirées de leur foyer pour être élevées et maltraitées en pensionnats,
et tout le monde subit la discrimination au niveau de l’école, du travail, du sport,
de l’accès aux soins de santé, entre autres.

Ce bon roman policier est donc intéressant au niveau de l’intrigue mais
aussi du fait social. Il nous rappelle une douloureuse réalité canadienne.
Les pensionnats  autochtones de sinistre mémoire, la disparition
des femmes autochtones et les conditions de vie difficile dans
les réserves au Canada. À découvrir d’urgence!



Je voudrais souligner que sur un réseau social assez connu, l'auteur Philip McLaren
a eu la gentillesse de m'écrire ceci après avoir lu cette critique le 6 janvier 2018:
" Philip McLaren Merci Alain pour ta gentille critique et la promotion de mon livre. Quand nous écrivons des livres, nous ne savons pas où ils finiront par être lus dans le monde, ni dans quelle langue. Ce livre traduit en français est de loin mon best-seller dans toutes les langues, y compris en anglais. Les éditeurs ont désespérément besoin d'avoir mon troisième livre traduit en français (UTOPIA) et l'ont publié avant ma version anglaise."

C'est la beauté des réseaux sociaux. Vous pouvez parler directement à un auteur que vous venez de découvrir! 

lundi 1 janvier 2018

Gaël Octavia: La fin de Mame Baby

Gaël Octavia, La fin de Mame Baby, éd. Gallimard, collection CONTINENTS NOIRS.


Mame Baby, c’est une légende du Quartier. On aimerait bien lui ressembler mais
c’est impossible. Une légende. Ici, les femmes racontent leur vie, leurs rêves,
leurs souffrances, leurs illusions. Page 150 : “Elles ont pris soin l’une de l’autre
dans la mesure de leur forces respectives, comme deux infirmes claudiquant
de manière symétrique, se soutenant pour avancer.” Les femmes prennent donc
soin des femmes dans le Quartier. Si on le quitte, on y revient toujours. Mame Baby
en fait n’a pas de fin. Elle vit dans la mémoire des femmes, de Mariette surtout autour
de qui tourne et s’enroule le roman. On évoque des hommes, la violence des hommes,
leur rage, leur fulgurance, leur abandon. Tout (le roman) tient dans cette relation,
rompue, ébranlée, éternelle, aimantée, maternelle, impossible et pourtant indéracinable  
qui unit les femmes entre elles.
Ce roman est une histoire tentaculaire sans cesse réinventée par les femmes qui la
vivent, la regrettent, la ressassent, la réécrivent, l’évitent. J’ai aimé ce livre pour
sa polyphonie, pour sa délicatesse, sa profondeur, sa douleur, et  le style
qui vous prend en douceur, sans crier gare, jusqu’à la fin, comme en suspension,
ce style est une voix claire, généreuse, qui vous souffle à l’oreille pourquoi ce
Quartier est finalement le vôtre.

Très beau premier roman d’une auteure que je découvre.



http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Continents-Noirs/La-fin-de-Mame-Baby