samedi 17 mars 2018

Eddy Weetaltuk, E9-422, Un Inuit, de la toundra à la guerre de Corée

Eddy Weetaltuk, E9-422, Un Inuit, de la toundra à la guerre de Corée, éd. carnets nord, 2009.
Co-écrit avec Thibault Martin, et traduit de l’anglais par Marie-Claude Perreault.

Edward Weetaltuk est un Inuit qui est né en 1932 au milieu de la Baie James, sur une île,
à Strutton Islands. Ses parents sont inuit et vivent comme ils peuvent de la pêche et de la
chasse. Ils sont très pauvres, ont souvent faim et ils cherchent avant tout à survivre. Eddy
va quitter le foyer de Vieux Comptoir pour recevoir une éducation religieuse en pensionnat
à Fort George, chez les oblats et les Soeurs Grises. Il ne parle que l'inuktitut mais il va
très vite apprendre le français, l’anglais et le Cri avec ses amis. La vie est très difficile en
pensionnat pour lui qui avait l’habitude des grands espaces et de son milieu familial mais
il va s’adapter. Le temps passe, il finit par partir dans le Sud. Il désire s’engager dans
l’armée mais il pense, non sans raison, que le gouvernement fédéral interdit aux Inuit
de rentrer dans l’armée, et tout simplement de quitter l’Arctique. Il va donc s’inventer
une nouvelle identité, Eddy Vital, francophone, né de père Blanc et de mère Inuit. Et ça
marche. Il parvient à entrer dans l’armée du Canada et se retrouve comme opérateur
de mortier, en 1953, en pleine guerre de Corée. Son récit de la guerre est forcément
saisissant. Quelques camarades meurent, lui, il survit. Il rentre ensuite au Canada après
des escales au Japon. Il effectuera ensuite deux séjours en Allemagne après avoir
été muté en Colombie Britannique, puis il abandonnera la vie militaire pour retourner
vivre à Grande Baleine, en Arctique.   
Ce récit d’une vie est exceptionnel car nous avons le point de vue d’un inuk qui a refusé
de se plier aux lois racistes du gouvernement fédéral afin de vivre sa vie à lui, loin
de se communauté, envers et contre tous. Eddy raconte en toute franchise sa vie au
pensionnat, sa famille qui lui manque, sa vie routinière de militaire, l’entraînement,
la formation, les séjours humiliants en prison, la bière, la visite des bordels, les escales
au Japon occupé par les vainqueurs de la seconde guerre mondiale, les combats en
Corée, ses deux périodes en Allemagne. Dans l’armée, il est traité d’égal à égal,
mais dans la vie civile, il ressent durement de racisme. Il jette un regard lucide
sur la situation des Inuit qui encore dans les années soixante vivent dans une
grande misère alors que le Canada est devenu un pays riche. Lui qui vient
d’une tradition orale, il a tenu à laisser un témoignage écrit d’espoir aux jeunes
générations.
Mais ce n’est pas tout.
À la fin de l’ouvrage, Thibault Martin raconte les conditions d’écriture
de cet ouvrage et l’histoire du manuscrit. Cet auteur, d’une manière limpide,
raconte également... <<le contexte de la participation des Autochtones
aux guerres canadiennes>>, et explique comment les membres des différentes
nations sont passés d’alliés de la Couronne britannique à membre de minorités
du gouvernement fédéral avec tout ce que cela comprend de spoliation,
d’acculturation, de traitement injuste, de vol, d’injustice et de racisme.
Un très beau livre!



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