samedi 10 novembre 2018

Camille Gaudin



Cher grand-grand-papi Camille,


Tu es mort à 26 ans lors de la grande boucherie de la Somme, le 4 septembre 1916. Tu es tellement mort qu’on n’a même pas retrouvé ton corps. Une vie, une mort, brèves. C’était la guerre et tu avais l’âge. Comme hélas des millions de jeunes gens. Aujourd’hui on célèbre, on commémore l’armistice de 1918 que tu n’as pas connu. Ta guerre ne s’est jamais terminée, elle te fut éternelle. Du reste, penser à toi, c’est penser à la guerre. Tu es la Grande Guerre, sa victime. Tu étais agriculteur. La terre, ça te connaît. La voir labourée par des bombes, ça a dû te chambouler une escousse, dis-moi. On dit reposer en paix, mais toi, tu cauchemardes en guerre. En tenue de soldat. Tant et tant de morts. Si souvent. C’est quoi, ce monde, hein? Un siècle aujourd’hui que cette guerre est terminée. 11 novembre 2018. Des survivants, il y en eut, comme Charles Raimbault, mon autre grand-grand-papi. Comme lui, ils sont rentrés dans leurs pénates et ont poursuivi leur vie, ont fait des ribambelles d’enfants, sont morts vieux dans leur lit, pour les pas trop amochés s’entend. Ta fille, ma grand-mère, disait toujours qu’elle ne t’avait pas connu, que tu étais un bel officier et qu’elle était pupille de la Nation. Elle est née en 15, tu es mort en 16. Tu n’as pas dû rentrer souvent à la ferme. Ton seul bébé. Et tu es mort, comme tout le monde ou presque. Ta fille a eu des enfants, elles est restée dans le coin, vers Braye-sous-Faye, dans l’Indre-et-Loire. Sa grande guerre à elle fut la seconde, l’Occupation allemande. Puis ce fut l’Algérie dont sont revenus vivants ses fils qui ont tué des gens, des Algériens. Mais ça, ils ne le disent pas. C’était la guerre et ils avaient l’âge. Quand j’ai eu l’âge, moi, il n’y avait plus de guerre. Malgré celle d’Irak où je ne suis pas allé faute de conscription. Sinon, j’étais apte. Je suis de la première génération à ne pas avoir eu à me battre pour la Patrie. J’ai pile le double de ton âge, 52 balais, je connais une vie ordinaire, celle que tu n’as pas eue, avec des enfants, une carrière, des voyages. Grand-grand-papi Camille, la vie est courte, mais les guerres sont hélas éternelles.






Sergent Camille Gaudin, 6e régiment d'infanterie coloniale, tué à l’ennemi,


mort pour la France entre Barleux et Belloy-en-Santerre, 


Bataille de la Somme, le 4 septembre 1916.




Je signale que cette page ci-dessus a été oubliée lors de la numérisation de ce journal du régiment sur le site : Mémoire des hommes.  J'ai écrit aux archives de l'armée française qui me l'ont photocopiée et envoyée. En ce 3 mai 2019, ils n'ont toujours pas rectifié, cette page manque, et c'est bien dommage car le 4 septembre 1916, il y a eu vraiment beaucoup de morts. Cette page concerne directement de nombreuses familles.  
C'est situé entre la page 115 et 116 du document pdf, et 227 et 230 de la pagination du document original. 
6e régiment d'infanterie coloniale. J.M.O.26 N 864/6  









Mémoire des hommes:


Sergent Yves Hascoet, tué le 5 septembre 1916 


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