mercredi 5 juillet 2017

À l’ombre du Baron, de Fabienne Josaphat


Roman lu en juillet 2017: À l’ombre du Baron, de Fabienne Josaphat, éd. Calman Lévy (Traduit de l’anglais par Marie-France de Paloméra) Deux frères. Raymond est chauffeur de Taxi dans les rues de Port-au-Prince, il tire le diable par la queue pour nourrir sa famille, et son frère brillant juriste enseignant à l’université mange du homard dans sa belle résidence. Tout pourrait les opposer mais voilà. Nous sommes en Haïti en 1965, Papa Doc et ses tontons macoutes font régner la terreur sur la population et une parole, une pensée de travers et c’est la fin de l’histoire. Soudain, tout s'emballe, chacun essaie de survivre à sa façon, et qui sait ce qui va advenir au bout de l’horreur. Excellent roman sur la dictature de Duvalier père, avec ceci dit en passant un rappel du lâche assassinat de Jacques S. Alexis dont les coupables n’ont toujours pas été punis. Oui, un roman sur la dictature comme en ont si bien écrit Gabriel García Márquez, Mario Vargas Llosa, Miguel Ángel  Asturias ou Edwidge Danticat. C’est poignant, terriblement humain, triste à en pleurer. Un bien beau roman.


jeudi 29 juin 2017

Un sale hiver, de Sam Millar

Lu en juin 2017: Un sale hiver, de Sam Millar, éd. Point Seuil Policier. Traduction de Patrick Raynal, oui, le grand Patrick Raynal! Plutôt étrange de découvrir une main coupée sur votre palier en ce matin d’hiver. Du genre à vous coller des frissons sous votre petit peignoir rose bonbon. Karl Kane, détective privé tendre et honnête qui a survécu à deux autres romans où il a été bien malmené, merci, va chercher à recoller les morceaux (de l’histoire) en essayant, en vain, d’éviter les coups . Après une petite balade en enfer dans la charmante petite ville de Ballymena où même le diable ne se risque plus, vu qu’on lui a tiré dans le dos, le citoyen Kane fourre son nez dans des abattoirs un peu trop sanglants à son goût. Les femmes aux noms variables s’en tirent assez mal, il faut le dire, et on perd toute confiance en la police quand la seule justice est la vengeance. Un magnifique roman noir, violent, désespéré, solaire. Inutile de préciser que j’ai encore adoré.



jeudi 22 juin 2017

Nunavik, de Michel Hellman


Lu en juin 2017: Nunavik, de Michel Hellman, éd. Pow Pow. Michel en panne d’inspiration décide de visiter le Nunavik (grand nord québécois, à ne pas confondre avec le Nunavut, territoire canadien). Au cours de son périple, il rencontre des touristes, des Inuits, des documentaristes impatients, des moustiques en masse (le moustique est l’oiseau national du Nunavik…), des ours désoeuvrés, des caribous indécis, un territoire fascinant. Cette BD se situe entre le récit de voyage, la nouvelle, l’anthropologie, le carnet de route et le guide du routard. C’est passionnant. Ça se lit tout seul. Le personnage erre sans complaisance pour le bonheur du lecteur, le trait est clair, informatif, onirique, touchant. J’ai adoré!!! Je commence à me demander s’il n’y aurait pas un style québécois en BD. Le style Michel Rabagliati, Zviane, Jean-Paul Eid. Je salue bien bas l’artiste, Michel Hellman. Qu’on se le lise.




Salon du livre de Montréal 2018




vendredi 16 juin 2017

Tijuana mon amour, de James Ellroy


Lu en juin 2017: Tijuana mon amour, de James Ellroy (éd. Rivages/Noir) Nous voici en 1955, et les scandales vont bon train. On s’étripe joyeusement, on se trompe, de jumelle aussi, on négocie de la fourrure-bouclier, on ment, on triche, on trompe, on prend des substances, on filme en douce des ébats de groupe, on soudoie, on fait chanter, oh oui, tous les maîtres chanteurs sont à la botte du beau Frank Sinatra, ça canarde pour un oui pour un non, et si on veut se racheter une virginité en passant par Tijuana la douce, c’est peau de balles! L’apocalypse, c’est même pas la fin du monde. Parce que dans ce délire maccarthesque, l’auteur se laisse aller à toutes les conclusions bizarres dans une langue à mourir de rire. Une petite centaine de pages, comme un trip psychédélique avant l’heure. Ben l’fun! Ben ben l’fun!


Photo prise dans le métro de Montréal ce 16 juin 2017 vers 7h12

jeudi 8 juin 2017

Mood Indigo, de Mamadou Mahmoud N’Dongo


Livre lu le 7 juin 2017: Mood Indigo, de Mamadou Mahmoud N’Dongo, nouvelles, éd. Gallimard, collection Continents Noirs. Excellentes nouvelles! J’ai ouvert le livre et quand je l’ai refermé, j’avais tout lu. C’est bon signe. Où il est question entre autres de cinéma d’avant garde mexicain seulement compréhensible en traduction, du destin tragique des marionnettes (qui est de loin ma nouvelle préférée, ça ferait un film extraordinaire!!!), de stratégie guerrière d’évitement, et à la fin, un petit hommage à Kafka, Maupassant et Poe sans y toucher. Un humour que j’ai adoré. Pour conclure page 197: «Toute ma jeunesse, j’ai rêvé d’un manteau de fourrure. Maintenant que je peux m’en payer un, j’ai le sentiment que, finalement, j’aurai vécu pour quelque chose.» Elle est pas belle, la vie?


Devant la galerie BAM à Montréal

lundi 5 juin 2017

Je n’ai qu’une langue, et ce n’est pas la mienne, de Kaoutar Harchi

Livre lu le 4 juin 2017 : Je n’ai qu’une langue, et ce n’est pas la mienne. Des écrivains à l’épreuve, de Kaoutar Harchi, préface de Jean-Louis Fabiani, éd. Pauvert. Je lis des articles mais peu d’essais, et c’est un tort car celui-ci m’a littéralement enthousiasmé, je n’ai pas pu le lâcher de la journée. Il est passionnant. Tout d’abord, il explique de manière très claire comment l’institution littéraire (parisienne) octroie ou non le statut d’écrivain, de quelle manière elle décide qui est écrivain et, par exclusion, qui ne l’est pas. À ce petit jeu, les écrivains non français de langue française comme Kateb Yacine avec sa non-consécration par la Comédie française, Assia Djebar et le chahut provoqué par son discours d’entrée à l’Académie française, Rachid Boudjedra qui, déçu, finira par abandonner l’écriture de romans en français, Kamel Daoud et Boualem Sansal dont les médias commentent avant tout l’aspect politique des romans et les détournent de leur ambition première qui est la littérature, oui, à ce petit jeu, ces écrivains sont vraiment à l’épreuve. L’auteure narre leur enfance, leur trajectoire professionnelle, leur carrière littéraire en quelques lignes. C’est clair, instructif, fascinant. Elle montre pour chacun d’eux les difficultés auxquelles ils doivent faire face une fois qu’ils ont réussi à faire publier un roman en France. Et là, la réception de l’oeuvre est désarmante car elle est avant tout commentée comme étant politique, porteuse d’une idéologie à discuter, voire carrément désapprouvée. De plus, l’écrivain algérien qui publie en France dans la langue de l’ex-colonisateur devient aussitôt suspect en Algérie. Comment obtenir alors la reconnaissance du statut d’écrivain? Comment dépasser les enjeux politiques, idéologiques ?  Parce que ces écrivains sont des écrivains, et des grands! Impossible. Chaque cas est étudié avec précision, chaque stratégie, de défense je dirais, adoptée par ces écrivains est expliquée, éclairée. Cet essai est lumineux! Je citerai le début de l’épilogue page 279 pour conclure: “Nous aurions pu, à travers ces pages, décrire l’expérience des écrivains ivoiriens, marocains, libanais, mais aussi canadiens, suisses, belges et montrer selon quels procédés l’institution littéraire française leur a rappelé que la littérature était une expression nationale. Et que n’appartenant pas à la nation française, ils ne pouvaient appartenir à sa littérature.” Heureusement, si je puis dire, il y a le lecteur et lui, n’appartenant généralement à aucune institution littéraire sait reconnaître les grands écrivains. Merci, madame Harchi, pour ce très bel essai.




Assia Djebar, à Poitiers, vers 1990


 Kamel Daoud, à Montréal, vers 2015

samedi 3 juin 2017

Gabacho, de Aura Xilonen


Livre lu en juin 2017: Gabacho, de Aura Xilonen, éd. Liana Levi, traduit de l’espagnol (Mexique) par Julia Chardavoine. Titre original: Campeón gabacho. Le personnage principal est un jeune clandestin qui vivote dans une ville du sud des États-Unis. Il travaille comme homme à tout faire dans une librairie tout en évitant de se faire coincer par la migra, forcément. De bastons en fuites éperdues, il termine dans un foyer pour enfant des rues. Si le personnage principal est bien Liborio, poids plume doué pour la castagne, amoureux fou de la gisquette, l’autre personnage principal est la langue de l’auteure, sa liberté de ton, ses inventions, son percutant lyrisme, sa syntaxe nouvelle, son humour caustique (saluons au passage le travail colossal de la traductrice, chapeau, madame!). Ce livre est un perpétuel tourbillon, une fuite éperdue dans des rues sombres, une fête des morts, Babylone éclatée! J’ai adoré! Quel livre!