dimanche 16 juillet 2017

Et tu n’es pas revenu, de Marceline Loridan-Ivens

Livre lu en juillet 2017: Et tu n’es pas revenu, de Marceline Loridan-Ivens, éd. Grasset, récit écrit avec Judith Perrignon. En ce 75e triste anniversaire de la rafle du Vél d’Hiv, ce témoignage bouleversant d’une rescapée juive de l’horreur. Prisonnière à Birkenau, la jeune Marceline Rosenberg survit par miracle, comme le lui avait prophétisé (prophétie, c’est le terme employé) son père, qui, lui, enfermé à Auschwitz, ne reviendra pas. Et l’absence du père (absence même du corps, de sa dépouille), trahi par la France où il croyait vivre en sécurité, ce père qui n’est pas revenu va marquer toute la famille. Le père aimé, celui qu’on attendait à la gare, ne reviendra jamais. Marceline, elle, est là, avec le poids de ce passé dont personne ne veut entendre parler, que personne ne veut écouter car on ne comprend pas. Son retour est dramatique, dans une famille qui a perdu ses repères, elle tente de trouver sa place. En vain. Comme si elle l’avait à jamais perdue, volée par la guerre. Sa vie, parce qu’il faut bien vivre, se déroule on dira artistiquement, et sans enfant. Très beau témoignage, très bien écrit, bouleversant.

Quatrième de couverture: « J’ai vécu puisque tu voulais que je vive. Mais vécu comme je l’ai appris là-bas, en prenant les jours les uns après les autres. Il y en eut de beaux tout de même. T’écrire m’a fait du bien. En te parlant, je ne me console pas. Je détends juste ce qui m’enserre le cœur. Je voudrais fuir l’histoire du monde, du siècle, revenir à la mienne, celle de Shloïme et sa chère petite fille. »


mercredi 12 juillet 2017

Malabourg, de Perrine Leblanc

Livre lu en juillet 2017: Malabourg, de Perrine Leblanc, éd. Gallimard. Quelque part au fin fond de la Gaspésie, c’est un trou de verdure où coule une rivière aux saumons, près d’un bois, d’un lac, de la mer et de la réserve Mowebaktabaak.  Dans le paisible village de Malabourg constitué de rares commerces, un jeune fille, Geneviève,  disparaît. Les rumeurs vont bon train parmi les villageois. Alexis et ses plantes, Mima et ses pierres fines, Liliane et ses livres et tous les habitants qui fréquentent le bar tenu par Ka ne découvriront la vérité qu’après d’autres malheurs. Ce n’est pas un roman policier, c’est un conte cruel. Tout le plaisir de la lecture tient dans la plume de l’auteure, dans ses descriptions… parfumées, dans ses personnages à la psychologie… tragique, dans l’évocation d’une ruralité frappée par un déterminisme à la… Zola, dans les rumeurs d’une ville où l’on se sent bien seul, où la beauté surgit des non-dits. Écriture subtile, fortement évocatrice, troublante, Perrine Leblanc a encore écrit un très beau roman que j’aurais dû lire depuis longtemps. J’avais adoré L’homme blanc. Rebelote! L’auteure me fait penser à une autre auteure québécoise qui m’enchante littéralement: Dominique Fortier. J’attends avec une grande impatience son troisième roman.





mercredi 5 juillet 2017

À l’ombre du Baron, de Fabienne Josaphat


Roman lu en juillet 2017: À l’ombre du Baron, de Fabienne Josaphat, éd. Calman Lévy (Traduit de l’anglais par Marie-France de Paloméra) Deux frères. Raymond est chauffeur de Taxi dans les rues de Port-au-Prince, il tire le diable par la queue pour nourrir sa famille, et son frère brillant juriste enseignant à l’université mange du homard dans sa belle résidence. Tout pourrait les opposer mais voilà. Nous sommes en Haïti en 1965, Papa Doc et ses tontons macoutes font régner la terreur sur la population et une parole, une pensée de travers et c’est la fin de l’histoire. Soudain, tout s'emballe, chacun essaie de survivre à sa façon, et qui sait ce qui va advenir au bout de l’horreur. Excellent roman sur la dictature de Duvalier père, avec ceci dit en passant un rappel du lâche assassinat de Jacques S. Alexis dont les coupables n’ont toujours pas été punis. Oui, un roman sur la dictature comme en ont si bien écrit Gabriel García Márquez, Mario Vargas Llosa, Miguel Ángel  Asturias ou Edwidge Danticat. C’est poignant, terriblement humain, triste à en pleurer. Un bien beau roman.


jeudi 29 juin 2017

Un sale hiver, de Sam Millar

Lu en juin 2017: Un sale hiver, de Sam Millar, éd. Point Seuil Policier. Traduction de Patrick Raynal, oui, le grand Patrick Raynal! Plutôt étrange de découvrir une main coupée sur votre palier en ce matin d’hiver. Du genre à vous coller des frissons sous votre petit peignoir rose bonbon. Karl Kane, détective privé tendre et honnête qui a survécu à deux autres romans où il a été bien malmené, merci, va chercher à recoller les morceaux (de l’histoire) en essayant, en vain, d’éviter les coups . Après une petite balade en enfer dans la charmante petite ville de Ballymena où même le diable ne se risque plus, vu qu’on lui a tiré dans le dos, le citoyen Kane fourre son nez dans des abattoirs un peu trop sanglants à son goût. Les femmes aux noms variables s’en tirent assez mal, il faut le dire, et on perd toute confiance en la police quand la seule justice est la vengeance. Un magnifique roman noir, violent, désespéré, solaire. Inutile de préciser que j’ai encore adoré.



jeudi 22 juin 2017

Nunavik, de Michel Hellman


Lu en juin 2017: Nunavik, de Michel Hellman, éd. Pow Pow. Michel en panne d’inspiration décide de visiter le Nunavik (grand nord québécois, à ne pas confondre avec le Nunavut, territoire canadien). Au cours de son périple, il rencontre des touristes, des Inuits, des documentaristes impatients, des moustiques en masse (le moustique est l’oiseau national du Nunavik…), des ours désoeuvrés, des caribous indécis, un territoire fascinant. Cette BD se situe entre le récit de voyage, la nouvelle, l’anthropologie, le carnet de route et le guide du routard. C’est passionnant. Ça se lit tout seul. Le personnage erre sans complaisance pour le bonheur du lecteur, le trait est clair, informatif, onirique, touchant. J’ai adoré!!! Je commence à me demander s’il n’y aurait pas un style québécois en BD. Le style Michel Rabagliati, Zviane, Jean-Paul Eid. Je salue bien bas l’artiste, Michel Hellman. Qu’on se le lise.




Salon du livre de Montréal 2018




vendredi 16 juin 2017

Tijuana mon amour, de James Ellroy


Lu en juin 2017: Tijuana mon amour, de James Ellroy (éd. Rivages/Noir) Nous voici en 1955, et les scandales vont bon train. On s’étripe joyeusement, on se trompe, de jumelle aussi, on négocie de la fourrure-bouclier, on ment, on triche, on trompe, on prend des substances, on filme en douce des ébats de groupe, on soudoie, on fait chanter, oh oui, tous les maîtres chanteurs sont à la botte du beau Frank Sinatra, ça canarde pour un oui pour un non, et si on veut se racheter une virginité en passant par Tijuana la douce, c’est peau de balles! L’apocalypse, c’est même pas la fin du monde. Parce que dans ce délire maccarthesque, l’auteur se laisse aller à toutes les conclusions bizarres dans une langue à mourir de rire. Une petite centaine de pages, comme un trip psychédélique avant l’heure. Ben l’fun! Ben ben l’fun!


Photo prise dans le métro de Montréal ce 16 juin 2017 vers 7h12

jeudi 8 juin 2017

Mood Indigo, de Mamadou Mahmoud N’Dongo


Livre lu le 7 juin 2017: Mood Indigo, de Mamadou Mahmoud N’Dongo, nouvelles, éd. Gallimard, collection Continents Noirs. Excellentes nouvelles! J’ai ouvert le livre et quand je l’ai refermé, j’avais tout lu. C’est bon signe. Où il est question entre autres de cinéma d’avant garde mexicain seulement compréhensible en traduction, du destin tragique des marionnettes (qui est de loin ma nouvelle préférée, ça ferait un film extraordinaire!!!), de stratégie guerrière d’évitement, et à la fin, un petit hommage à Kafka, Maupassant et Poe sans y toucher. Un humour que j’ai adoré. Pour conclure page 197: «Toute ma jeunesse, j’ai rêvé d’un manteau de fourrure. Maintenant que je peux m’en payer un, j’ai le sentiment que, finalement, j’aurai vécu pour quelque chose.» Elle est pas belle, la vie?


Devant la galerie BAM à Montréal