lundi 20 août 2018

14 mai 2018 Incendie au Devoir

PHOTO COURTOISIE, ALAIN RAIMBAULT
Un mégot de cigarette serait à l’origine de l’incendie qui s’est déclaré sur le toit de l’immeuble abritant la rédaction du quotidien Le Devoir.























 Vague de soutien
Ce dernier s’est d’ailleurs dit « extrêmement touché » par la vague de soutien exprimée au Devoir après l’incendie. Politiciens, personnalités publiques et lecteurs ont envoyé de nombreux messages d’encouragements.
« La manifestation de sympathie fait beaucoup de bien. Ça nous pousse à continuer », a-t-il avoué.
L’édition papier du quotidien a pu être imprimée sans problème, puisqu’elle l’est à Imprimerie Mirabel, appartenant à Québecor.


dimanche 29 juillet 2018

James Lee Burke: La pluie de néon


Livre lu en juillet 2018: James Lee Burke, La pluie de néon, éd. Rivages/Noir (The Neon Rain,
en anglais, traduit en français par Freddy Michalski)


Lors d’une visite de courtoisie à un condamné à mort au pénitencier Angola, le lieutenant
de police Dave Robicheaux, vrai cajun de La Nouvelle-Orléans apprend qu’on voudrait le
dessouder. Il en ignore la raison et mène sa petite enquête car même si cette information paraît
peu crédible, on ne sait jamais. Personne n’aime vraiment recevoir des menaces de mort.
Cependant, pas besoin de chercher midi à quatorze, il imagine rapidement que les questions
qu’il pose sur la jeune fille qu’il a trouvée noyée sur Bayou Lafourche dérangent. Selon lui,
contrairement au shérif local, elle a été assassinée. En cherchant à connaître la vérité,
le lieutenant Dave Robicheaux va y laisser des plumes, c’est le moins qu’on puisse dire.
De plus, son coéquipier Cletus Purcel, sa hiérarchie immédiate, les fédéraux et autres
corps de police ne vont pas vraiment l’aider. Seul face à tous, à ses collègues, à la mafia,
aux trafiquants d’armes latinos et aux huiles du coin, il ne pèse pas lourd. Comment va-t-il
s’en sortir? Dave est un dur à cuire. Il suit son instinct tout en étant traumatisé
par ses souvenirs cauchemardesques du Vietnam qu’il noie dans l’alcool. Face à la corruption,
à la violence des truands, à l’injustice crasse qui s’exerce à son endroit ou contre des innocents,
il oppose une philosophie pragmatique, une morale plus ou moins policière, où la vengeance
pour le bien commun reste une possibilité.

Ce roman noir est une plongée dans un monde de violence (maladies, assassinats, tortures,
exécutions, guerres…) tempérée par des moments de poésie lors de la description des paysages
aqueux du Golfe du Mexique. Dave, qui vit sur une péniche, c’est à dire flottant entre deux eaux,
est aussi bon vivant. Il boit local et déguste les meilleurs mets du coin assavoir beignets, pralines,
gumbos aux crevettes, étouffée d’écrevisses, huîtres, torpilles et j’en passe.


L’été caniculaire est la parfaite saison pour lire ce polar transpirant. C’est le premier d’une série
de 20 Dave Robicheaux publiée entre 1987 et 2013. Maintenant, je vais me précipiter sur le
deuxième. Je me demande quand même, vu les ennuis colossaux auxquels survit notre
lieutenant en un seul livre, comment va-t-il tenir 19 romans supplémentaires? Il est increvable!
Formidable James Lee Burke!







mercredi 25 juillet 2018

Conseil des organismes du patrimoine d'Ottawa

https://www.choocopo.ca/virtual-exhibits/photottawa150/culture/

CHOO COPO

"Tout au long de l’année 2017, le Conseil des organismes du patrimoine d’Ottawa a invité les gens à participer à Ottawa 150-Capsule témoin de la capitale, une initiative photographique spéciale qui visait à capturer la vie pendant l’année du Sesquicentenaire du Canada. Les photos sélectionnées demeureront dans la collection permanente des Archives de la Ville d’Ottawa.
De nombreux photographes, citoyens et visiteurs ont voulu laisser leur héritage, avec 500 photos soumises sur notre communauté Facebook. Ces photos illustrent les gens et les lieux dynamiques et diversifiés qui composent la région de la Capitale du Canada.
Qu’il s’agisse d’événements urbains, de festivals culturels, de rassemblements de quartier ou de photos de paysages, nous sommes ravis de voir Ottawa à travers les yeux de sa communauté, capturée pour les générations futures à découvrir."

Donc, j'ai une photo qui demeurera dans la collection permanente des Archives de la Ville d’Ottawa!!!


L’image contient peut-être : ciel et plein air




mardi 24 juillet 2018

Luke McCallin : L'homme de Berlin

Lu en juillet 2018: Luke McCallin : L'homme de Berlin, éd. Folio policier

En mai 1943, Sarajevo est occupée par les Allemands depuis deux ans. La situation politique est un vrai sac de noeuds car en plus des rivalités habituelles entres Serbes, Croates, chrétiens orthodoxes et musulmans, la guerre est arrivée, comportant son lot supplémentaire d'atrocités. En Croatie, avec la bénédiction des Allemands, les oustachis fascistes massacrent Serbes,  Juifs et Tziganes sans retenue. Une autre force politique est celle des tchetniks, formée par des nationalistes Serbes, mais qui manque d’unité. Certains membres combattront contre les Allemands et les Italiens leurs alliés, d’autres aideront les nazis. Tout en commettant également des atrocités contre des Croates et des musulmans. Ce n’est pas tout. Souvenons nous de Tito. La dernières force politique, et non des moindres est celle des Partisans, multiethnique, d’obédience communiste, LA résistance contre l’occupation allemande et italienne. Au milieu de cette situation complexe excellemment rendue par l’auteur, un meurtre est commis. Disons, deux. Au même endroit. Pourquoi enquêter pour deux morts supplémentaires en pleine saisons de massacres? Parce que l’un est officier de renseignement militaire (de l’Abwehr), le lieutenant Hendel. L’autre est la célèbre journaliste oustachi Marija Vukic. Gregor Reinhardt, un ancien de la Kripo (police de Berlin) revenu sous les drapeaux dans le renseignement lui aussi afin d’éviter de travailler directement pour les nazis mène l’enquête. Mais là aussi sa position est très délicate car il ne doit pas gêner la Wehrmacht (armée) en pleine préparation d’une opération contre les Partisans. En effet, comme il a découvert les attirances sexuelles de Marija Vukic pour les hauts gradés, il soupçonne l’un d’eux d’avoir commis ces deux meurtres. Afin d'étouffer l’affaire, sa hiérarchie lui cache des informations et la police militaire ( la Feldgendarmerie) lui met des bâtons dans les roues. De plus, la police civile de Sarajevo désire inventer un coupable parfait, partisan communiste par exemple, pour expédier l’enquête sur la mort de la journaliste. Mais Reinhart ne va pas se laisser faire. Que nenni! Lui, l’ancien de 14-18, l’ex-policier de la Kripo a des principes: la vérité doit éclater. Quitte à y laisser des plumes.
Ce roman limpide, intelligent, didactique est une plongée dans un autre monde. Un dépaysement total dû à la complexité de la situation dans des Balkans désespérément en guerre. Gregor Reinhardt tente de rester le plus professionnel possible, sans montrer d’émotion, en s’en tenant à la logique, aux observations, à l’intuition, mais cela ne suffit pas. L’ex-policier ne doit pas renier ses propres convictions. Il est, en fin de compte, à la recherche de lui-même, de sa propre vérité.

Forcément, en lisant ce formidable roman, j’ai souvent pensé à la guerre en ex-Yougoslavie des années 90 où d’anciennes divisions ethniques menèrent au siège de Sarajevo et à un génocide. Je regardais impuissant ces événements à la télévision, quand j’habitais en France, et je ne comprenais pas pourquoi de tels événements se produisaient, et pourquoi personne (l’ONU, l’OTAN ou une alliance de pays européens par exemple) n’y mettait fin au plus vite. Ce roman m’aide un peu à comprendre que les événements des années 90 ont leurs racines dans les années 30 et 40.

Enfin, sur une note plus légère, j’ai lu ce livre qui se situe en Croatie en pleine Coupe du Monde de Football que la France a gagné contre… une formidable équipe de Croatie qui m’a ébloui depuis son premier match.



(J'ai envoyé cette critique à l'auteur et en juillet ou août 2018, il m'a répondu:


Cher Alain. Merci pour cette critique détaillée et généreuse. J’espère que vous trouverez autant de plaisir a continuer à côté de Reinhardt dans les romans qui suivent. Tenez moi au courant de vos voyages dans le temps! Très amicalement. Luke McCallin


N'est-il pas formidable, cet auteur?!

samedi 7 juillet 2018

Dan Fante: Régime sec

Livre lu en juillet 2018: Dan Fante, Régime sec, Mésaventures d’un taxi dans les rues
de L.A.  Recueil de nouvelles (13e note éditions et aussi Points Seuil, et intitulé
Short Dog en anglais)

Le problème quand tu conduis un taxi à L.A., ce sont les clients bien souvent
étranges et dangereux, les portiers des hôtels qui te refilent des courses contre
un pourcentage sur ce que tu vas gagner, c’est de bonne guerre, et gare si
tu oublies de passer à la caisse, l’alcool qui va t’aider à oublier tes problèmes,
les collègues tarés, tes insomnies et l’état du véhicule pourri pris dans le trafic
sans climatisation sous un soleil de plomb. Tout cela mis ensemble et tu vas
passer une journée formidable, comme d’habitude. En résumé, Bob le macho,
il se fait bien avoir à la fin. Donc, faut se méfier des chiens hargneux, de Leslie
l’employée amoureuse, des possesseurs d’un python récidiviste (ma nouvelle
préférée, celle-là, intitulée “Princesse”... La dernière est pas mal non plus.),
et de l’amour en général.

Lorsqu’on lit son incroyable biographie, on comprend mieux où Dan va
chercher des histoires pareilles. Quelques personnages extrêmes, un narrateur,
Bruno Dante, pas du tout en forme, alcoolique et suicidaire, un soleil de plomb
et tout dérape dans une ville plus construite en rues qu’en maisons.
La nouvelle licence: (vers le début) “Faire le taxi à L.A. ne sert qu’à
déposer des rebuts humains un peu plus loin, à transporter des épaves,
d’une zone de fast-food à une autre zone de fast-food.” Le malaise ne
quitte pas le lecteur. Tout se déroule au grand soleil dans une ambiance
de roman noir.

Ce style de fiction est classée sous le terme anglais de “dirty realism” ou
“réalisme sale” en français. C’est une expression choquante car il n’y a
rien de sale, de négatif dans cette littérature, au contraire. L’expression
d’une réalité brute sans effet de style forcé, en phrases simples et
descriptives est une grande réussite littéraire. Oui, c’est du réalisme,
peut-être pourrait-on décrire plus justement ce mouvement littéraire
par réalisme urbain (urban realism), ou par réalisme désespéré
(hopeless realism).

Alain Raimbault, le 7 juillet 2018 à Greenfield Park, au Québec





vendredi 6 juillet 2018

Dan Fante: Dommages collatéraux

Livre lu en juillet 2018: Dan Fante, Dommages collatéraux, l’héritage de John Fante,
13e note éditions (Traduction d’Annie-France Mistral du livre intitulé en anglais
: A Family Legacy of Writing, Drinking and Surviving)

Quand ton père est un alcoolique colérique, scénariste contre nature et génial
écrivain, ça peut pas bien se passer, ton enfance. Nul à l’école, Dan, cancre
de première ne s’y éternise pas et commence alors une vie délirante de boulots
plus ou moins petits, légaux et dangereux. Il est bonimenteur, “aboyeurs”
chez les forains du Pacific Ocean Park, représentant de commerce, chauffeur
de taxis et de limousines à L.A. et à New York City, camelot, vendeur de
drogue, commis pour la mafia, télévendeur, j’en passe et des meilleures.
Incapable de garder un emploi ou une petite amie à cause de ses problèmes
d’alcoolisme et de drogue, il tente en alternance de se désintoxiquer et de
se suicider tout en écrivant des poèmes. Échec sur toute la ligne. Son vrai
problème, jamais diagnostiqué ni soigné, est psychologique. Alors
qu’un Dan raisonnable essaie de construire une vie raisonnable, l’autre
Dan complètement taré s’ingénie à saborder son existence. Cette
percutante autobiographie est le récit picaresque d’une lutte de titans.
Qui va gagner? Cela dépend des chapitres. Dan, contre toute attente, survit
assez pour commencer à écrire des romans, pour établir quelques relations
plus ou moins calmes avec son père qui se meurt du diabète et pour trouver
un semblant de paix vers la cinquantaine.

Un livre vraiment percutant, oui. D’une sincérité désarmante. Le
lecteur découvre une vie entière complètement décousue, qui ne fait
que rebondir  d’événements en événements souvent violents. J’ai terminé
la lecture essoufflé. Quel livre! Quelle puissance d’évocation! J’ai été
secoué dans tous les sens. C’est également le portrait intime de la famille
Fante, de John le père qui aurait aimé écrire davantage de romans et
recevoir une reconnaissance littéraire à sa juste mesure. Cette gloire finira
par arriver, mais bien trop tard. On découvre Nick, le frère alcoolique qui
mourra d’alcoolisme à 54 ans. Enfin Joyce, sa mère, qui a supporté comme
elle le pouvait son mari explosif, et qui a écrit sous la dictée le dernier roman
de John rendu aveugle par le diabète. John Fante est sur son lit de mort,
dans le coma, ses reins ont cessé de fonctionner, il n’y a plus rien à faire.
L’infirmière attend l’autorisation d’un membre de la famille pour le
débrancher. Dan est là parce que ses proches qui ont veillé sont épuisés
et se reposent. Dan donne son accord. Son père meurt. Quel livre!!!
J’espère qu’il sera réédité en français car il est introuvable en librairie
depuis la triste disparition de 13e note éditions.

Alain Raimbault, 5 juillet 2018, Greenfield Park, au Québec.






samedi 2 juin 2018

Salter par Salter

Livre lu en mai 2018: Salter par Salter, éd. de l’Olivier. Traduction de l’anglais par
Marc Amfreville et Philippe Garnier.

Recueil d’entretiens et de conférences donnés par James Salter entre 1993 et
2004.
Il évoque brièvement sa vie comme pilote de chasse, qui l’a amenée à faire
la guerre de Corée. Sa démission de l’armée de l’air américaine pour se
consacrer à l’écriture, et surtout ses rencontres littéraires. Amoureux de la
France, il évoque  Colette, Léautaud, Cocteau, Jouhandeau, Flaubert,
Duras, Balzac, Hugo. Il travaille comme scénariste, il vend des calendriers,
il est employé de librairie.

Sa relation avec les écrivains américains est passionnante. Il va à Paris
réaliser une entrevue avec Nabokov, qui n’en accorde d’habitude pas.
Il correspond avec Graham Greene qu’il admire tant. Il évoque aussi Faulkner,
pilote à ses heures, qui aurait dit p. 159: «... tous (les plus grands écrivains
américains) avaient raté leur carrière, mais … l’oeuvre de Thomas Wolfe
était le plus réussi des échecs et ... celle de William Faulkner la suivait
de près.» Saul Bellow le conseille dans ses débuts d’écrivain. Aussi, il est
allé à l’école à New York avec… Jack Kerouac!

Il explique enfin en détail l’écriture de sa propre oeuvre littéraire, où l’on
comprend qu’il se sente beaucoup plus proche de Balzac avec son soin
du détail que des poètes. Du reste, il parle très peu de poésie.

Quelques citations

p. 104: «Le style correspond à un choix, alors qu’une voix est presque
génétique, quelque chose d’absolument personnel. Aucun autre auteur n’écrit
comme Isak Dinesen. Ni comme Raymond Carver ou Faulkner. Ils récrivent
constamment: Babel, Flaubert, Virginia Woolf. Être écrivain, c’est se condamner
à toujours corriger.»

p. 151: «Les choses qu’on consigne par écrit ne vieillissent pas avec vous…
rien ne peut paraître présent quand le temps est passé.»

p.117: «Au début, on peut écrire n’importe où, mais il faut utiliser le temps
dont vous disposez pour écrire, consacrer à la rédaction le temps de la vraie
vie.» Cette réflexion est pour moi la plus forte de ce livre, la plus angoissante,
la plus métaphysique. Elle soulève en moi une vague de malaise car je me
dis toujours: si je n’écris pas, je perds mon temps. La vraie vie, c’est écrire.
Alors, qu’est-ce que la vie sans écrire? Est-ce la fausse vie? La mort
prolongée? Je pensais que la vraie vie, c’était justement le contraire,
les enfants, le travail, le mouvement, mais Salter arrive est en toute simplicité,
et remet les pendules à l’heure. Ce livre, c’est un coup de massue!!!


Et pour conclure, cette pensée, reprise en quatrième de couverture:
«Tout ce qui n’est pas écrit, couché sur le papier, disparaît.»