vendredi 15 août 2014

Poème

Parole en archipel

Plus de consistance
ne mentionner ni le fardeau
ni les ribambelles nasillardes
des lièvres ulcérés
Embrasser l’ample
Engloutir la fabuleuse présence
des conteurs bègues
Radicaliser les secondes de gloire
où le nom apparaît
Je sais par la pratique et les non-dits
des langues à tombe
La mémoire des tons étincelles
de l’inexorable odyssée du fou
Trajectoire en métadonnées d’un peuple
fliqué-tracé-courbé-semi-conduit
statistiquement parlant
Je colle à la fonction de
la grande uchronie
où chaque phonème réinvente un pont
Pow wow d’un solstice haïtien
d’un spiralisme acéré qui fignole
des fest-noz lubriques
Des loas vengeurs rasent les murs
arrachent les mapous en partance
Plus d’assistance, non
Les lièvres langagiers replient leurs doléances
sur leurs lézardes putrescentes
agrippés au cycle du carbone
par on ne sait quel mirage
Alain Raimbault

mercredi 13 août 2014

Un monde mort comme la lune, de Michel Jean

Michel Jean

Jean-Nicholas Legendre, un journaliste québécois part en Haïti afin de réaliser un reportage sur le trafic de drogue. Il a la ferme intention d’illustrer par des images et quelques entrevues les liens étroits entre les producteurs colombiens, la pègre haïtienne à la solde du président Jean-Bertrand Aristide et le Canada. En passant par Haïti, la drogue colombienne évite ainsi les contrôles policiers exercés aux frontières des États-Unis.
Le reportage se déroule comme une enquête policière menée dans le pire des bidonvilles, c’est-à-dire à Cité-Soleil où règne un chef de bande particulièrement violent : Sammy. À trop se rapprocher du monde du crime, forcément, le journaliste va finir par se brûler.  La suite du roman déroule les conséquences plutôt logiques, bien qu’extraordinaires, de la diffusion du reportage pour le moins explosif. Haïti est bien une plaque tournante du trafic de drogue et l’identité de quelques responsables (Sammy, le président Aristide, le pilote québécois de l’avion de transport) est révélée. Jean-Nicholas Legendre en a-t-il trop dit? A-t-il trop montré? Son statut de journaliste le protègera-t-il?
C’est un roman noir, qui, partant d’une situation dangereuse, tourne au cauchemar. Le langage précis décrit une réalité plausible. Le lecteur croit aux événements car les éléments de réels ne laissent planer aucune ambiguïté.  L’auteur sait écrire et mener une intrigue tambour battant.
L’image d’Haïti est noire mais comment procéder différemment, n’est-ce pas? Drogue, violence, assassinat, corruption, enlèvement, disparition, exil forcé, prostitution, pauvreté, saleté et misère dressent un paysage dans lequel les personnages ont peu d’espoir de rédemption. Et pourtant. Le vaudou dans tout ça? Un mystère total à peine esquissé.
Si ce tableau sans espoir n’est hélas en rien original, l’évolution du journaliste, elle, est singulière. Le roman met en relief les dangers d’un métier, aussi bien sur le plan professionnel que psychologique. Jusqu’où, semble crier Jean-Nicholas, ne pas aller trop loin? Journaliste semble ici une activité qui tutoie les limites. Qui fréquente des frontières minées. Comment ne pas sombrer quand on cherche dans les bas-fonds de la société la vérité? Celle qui dérange.
L’auteur est journaliste et comme tout policier qui se respecte, il sait mener l’enquête. Son livre est un véritable polar dans une langue ma foi un tantinet trop… policée mais percutante à souhait.
Alain Raimbault
Michel Jean Un monde mort comme la lune, roman éd. 10sur10, 2014

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