mercredi 24 mars 2021

“Underground railroad”, de Colson Whitehead



Lu: “Underground railroad”, de Colson Whitehead, (Traduction de Serge Chauvin) éd. Le livre de poche.


Début du XIXe siècle, la jeune Cora est esclave dans une plantation de coton du sud des États-Unis. Sa mère, esclave elle aussi, s’est enfuie. Âgée de dix ou onze ans, personne ne sait, Cora est seule. Seule face à sa condition d’esclave qui peut être revendue selon la volonté capricieuse des maîtres, seule face à la violence quotidienne, seule face à un avenir qui n’est que viols, travail éreintant, torture, marquage au fer, comme on marque le bétail, flagellations et qui se termine par pendaison, lynchage, ou épuisement avant quarante ans. Mais Cora a du caractère. Si elle en veut terriblement à sa mère de l’avoir abandonnée, elle suivra ses pas. Elle s’enfuira en suivant le chemin de fer souterrain, qui ici n’est plus une métaphore. Mais…


Ce roman te prend aux tripes dès les premières pages. En suivant le terrible destin de Cora, l’auteur dresse un portrait glaçant des États du sud des États-Unis en cette première moitié du XIXe siècle. Chaque État a ses lois qui, quelles qu’elles soient, sont défavorables aux Noirs. Aussi, il présente les différents courants de pensée des abolitionnistes qui cherchaient un moyen politique pour faire accepter à la majorité blanche terriblement raciste l’idée de l’abolition de cette abomination. 


Quand on lit un tel roman, on comprend mieux d’où viennent les racines du racisme aux États-Unis, et la conclusion toute personnelle que je tire est la suivante: une telle violence a existé durant tant de siècles contre la population noire qu’il va falloir beaucoup de dirigeants politiques courageux pour percer l’abcès et aboutir à une réconciliation. Ce roman qui a gagné des prix prestigieux, je comprends pourquoi, il est dans la veine de ceux de Toni Morisson, est un monument littéraire. 



vendredi 19 mars 2021

“Dans le ventre du Congo”, de Blaise Ndala,

“Dans le ventre du Congo”, de Blaise Ndala, éd. Mémoire d’encrier

Troisième roman d’un auteur à découvrir toutes affaires cessantes. Blaise Ndala convoque ici les fantômes de la colonisation belge du Congo, il brasse la cage renfermant les acteurs (victimes, bourreaux, cadavres, ossements) d’un passé pas si passé que cela. Non seulement il dénonce les horreurs commises lors de l’époque coloniale, mais il donne à voir, à vivre, à ressentir le poids de l'héritage, conscient et inconscient, que nous ont légué nos parents. La première partie dresse la tragédie de la princesse Tshala Nyota Moelo. Prisonnière de son sang, de son époque, sa transgression des projets paternels laisse pressentir le pire. La deuxième partie est haletante. Je veux découvrir comment la nièce de Tshala, des décennies plus tard, va résoudre le mystère pesant sur les derniers jours de sa tante. Au-delà de l’Histoire, au-delà du honteux, du scandaleux “village congolais” de l’Exposition universelle de Bruxelles en 1958 (ce n’était hélas pas le premier), il y a ces personnages d’une complexité infinie qui font de ce roman une œuvre passionnante. Blaise Ndala sait montrer les drames familiaux et leurs conséquences sur les générations suivantes. Sous le prétexte du roman, il nous livre des confidences qui ne peuvent que nous émouvoir. De la très belle littérature.