mercredi 18 décembre 2019

Charles Bukowski: Sur l'écriture

Charles Bukowski: sur l'écriture éd. Au diable vauvert, 2017




Quel livre!!! On en sort le souffle coupé, si on en sort. Une vie de correspondances avec divers éditeurs, quelques auteurs. Buk n’a aucune demi-mesure dans ses prises de position. Il écrit, il boit, il joue aux courses, il travaille à la Poste, un peu, il baise, il se bat, puis il écrit. Il dessine aussi, et il peint. Une vie, dévorée par l’écriture. Uniquement l’écriture. À tirer le diable par la queue presque toute son existence. Il écrit. Et il dénonce les charlatans comme Hemingway ou Céline incapables de préserver leur flamme. Ce recueil de lettres est terriblement touchant parce que Buk va droit au but, toujours, et il annonce le prix quotidien à payer. Pauvreté crasse, beuverie sans nom, tension de l’émotion. La lettre la plus belle pour moi est celle qu’il envoie à David Evanier, fin 1972, page 208-209. Il lit quand il est jeune, mais il ne retrouve pas dans la rue ce que racontent les livres. Les livres mentent, en quelque sorte. Alors il va écrire pour raconter sa vision de la vraie vie, et aussi parce que ce qu’écrivent les autres (Shakespeare, Keats, Gide, Faulkner, les philosophes...) est “maigre et prétentieux.” “Je ne trouvais rien de semblable à ce que j’éprouvais” (dans les livres des autres) écrit-il.

Toute sa vie il écrit des poèmes, beaucoup de poèmes, des milliers! Il commence par les envoyer à des revues, qui systématiquement ne les lui renvoient pas quand elles les refusent. Bien sûr, il n’a pas pris la peine d’en faire une copie. Pas le temps. Quand par miracle il en publie un ou deux, il est payé et peut espérer manger et boire encore un peu. Ou jouer aux courses. Il ne sait qu’écrire. S’il n’écrit pas, il tombe malade. Taper, taper, et encore taper. Il se moque de ces poètes qui vivent en groupe pour se montrer (La “Beat Generation”), davantage préoccupés à paraître qu’à écrire Il se demande aussi pourquoi les écrivains perdent leur temps à lire en public sur scène. S’il avait voulu être sur scène, il serait devenu comédien, non? Quand aux universitaires, il n’en pense que du mal. L’écriture ne peut s’enseigner. Si on est écrivain, on écrit. On ne demande rien aux autres.

Le succès finit par lui tomber dessus sur ses vieux jours. Il en est heureux parce qu’il gagne de l’argent avec ses livres (recueils de poésie, nouvelles, romans), mais il continue à vouloir vivre en solitaire et à préférer la compagnie des ouvriers à celle des intellectuels peureux, paresseux, mous du gland.


Une vie coup de poing que celle de Bukowski De grandes leçons à en tirer. Éblouissant!