vendredi 27 mars 2020

La facilité du lâche

Je suis auteur et j'ai choisi la facilité en décidant de trouver un travail régulier à côté de l'écriture. C'est lâche de ma part, je n'ai pas le courage des auteurs à plein temps qui osent tenter de survivre uniquement grâce à leur art. Toute mon admiration pour vous! Je n'ai ni votre force, ni votre détermination, sachez que je vous admire sincèrement. J'ai eu le bonheur de côtoyer le poète Yves Boisvert qui essayait de vivre de son art et ce qu'il me racontait de sa vie quotidienne n'était vraiment pas enviable. Yves représente pour moi le Van Gogh de la poésie au Québec.

jeudi 19 mars 2020

De pierre et d'os, Bérengère Cournut

De pierre et d’os, de Bérengère Cournut, éd. Le Tripode, 2019. Excellent roman, très beau, très poétique. La jeune Uqsuralik se retrouve soudain seule au monde après sa séparation d’avec sa famille sur la banquise capricieuse, qui a cédé. Va-t-elle réussir à survivre dans un monde aussi hostile que celui de l'Arctique? Va-t-elle rencontrer un groupe qui l’aidera plus ou moins? Sa vie est une épopée intime où cohabitent les esprits du monde marin et ceux de la terre, les vivants et les morts dans une nature qui dicte ses lois depuis la longue nuit des temps. Un très beau roman. Bon, j’ai déjà un peu lu sur le sujet et le ton très poétique de ce roman est unique. Les récits, les contes inuit sont remplis d’une violence et d’une poésie qui d’habitude me laissent sans voix, car je ne les comprends pas même si j’ai lu Saladin d’Anglure, Rasmussen, Boas ou Malaurie, et même si je suis moi-même allé brièvement en Arctique en février 2019. J’aime le roman de Bérengère Cournut parce qu’il me parle dans une langue familière et qu’il est rempli d’une poésie bienveillante. Oui, un très beau roman. La presse en général ne s’est pas trompée.



Cher virus (18 mars 2020)

Cher virus
tu nous tues
8732 morts à l’instant
pour presque 8 milliards de vivants
mars 2020 coincés comme des tortues
sous notre carapace d’immobilité
on t’attend on se cache
on se méfie on ne sait pas trop de quoi
ça a un nom mais ça se voit pas
alors on tremble mais
on crèvera pas à cause de toi
pas tous
pas cette année
on t’aura
que les jours sont bizarres
j’ai du mal à les croire
pandémie
pandémie mondiale
tous unis
pour une fois
tous menacés par la même menace
comme quoi on est bien tous pareils
les racistes peuvent aller se rhabiller
et pendant ce temps
les Italiens chantent sur leur balcon
ils ont eu 475 morts aujourd’hui
475!!!
les Italiens chantent ensemble
ils opposent l’art à la mort
l’image qu’on retiendra
et au combat les travailleurs de la santé
la première ligne
la mort en face meurent parfois
moi je suis coincé chez moi
je respecte les consignes d’isolement
payé quand même aucun souci
je me lève tard
je lis des romans
je regarde les informations
comme tout le monde
j’embête le chat
les magasins sont ouverts alors si j’ai faim
je fais les courses et je reviens
je prends un café
j’attends
tout va bien
je suis privilégié
mais c’est bizarre
y a comme un détail qui m’échappe dans cette affaire
un truc que je n’arrive pas à comprendre
y a quelque chose
quelque chose
peut-être parce que c’est la première fois
je sais pas
mais j’accepte
j’accepte
c’est comme ça
quand le vaccin sera prêt
je me ferai vacciner et on n’en parlera plus
à moins que cette catastrophe digne d’un film apocalyptique
ne nous rapproche enfin
nous les presque 8 milliards d’humains
ça serait bien
voilà

Alain Raimbault