samedi 27 novembre 2021

«Un monstre est là, derrière la porte», de Gaëlle Bélem

Lu: «Un monstre est là, derrière la porte», de Gaëlle Bélem, éd. Gallimard/ CONTINENTS NOIRS

Quel est ce monstre sinon l’enfance, avec ses terreurs nourries par des parents vaincus trop tôt, inadaptés, dysfonctionnels, incultes et violents. Le monstre est l’imagination alimentée à la peur et qui vous dévore. Le monstre est une hérédité sociale à la Zola, mais en pire. Le monstre est l’écriture qui montre, car monstre et montrer ont la même racine latine. Le lecteur entend, apprend, découvre, et aussi écoute la langue parce que si l’auteure, comme elle le dit si bien dans le glossaire final, a du vocabulaire, elle a aussi de la musique, celle du vent qui transporte les déserts et leurs mirages, qui déplace les montagne, qui soulève les volcans. Gaëlle Bélem a écrit un roman volcanique, une véritable éruption littéraire.

Citation, page 94:

«Dans ma tête, à ce moment-là, quelque chose se brise et je sens que mon corps, mon énergie, mon être tout entier est une feuille de papier que l’on déchire lentement. Je vis une tragédie absolue qui me bouscule, qui dépasse mon entendement d’enfant. On m’aurait menti?(...) Est-ce possible qu’il existe autre chose que la vérité? (...) Est-ce seulement possible, permis et finalement fréquent que les adultes mentent? De mes yeux tombe alors quelque chose comme un sanglot de papillon. Regardant autour de moi, je cherche le sens de cette gigantesque trahison.»




vendredi 19 novembre 2021

«Les Lumières d’Oujda», de Marc Alexandre Oho Bambe

Lu: «Les Lumières d’Oujda», de Marc Alexandre Oho Bambe (dit Capitaine Alexandre), éditions Calmann Lévy

Quand un poète écrit un roman, l'œuvre reste de la poésie. L’auteur est poète, et c’est par la poésie qu’il aborde le sujet des réfugiés, mais pas des réfugiés anonymes, non, ils ont un nom, une histoire tragique à conter, à chanter, à jouer, à raper (Le Rap signifiant «Réapprendre à parler»), une douleur qui se porte et qui reste, une leçon à tirer, mille leçons à donner. Nous suivons quelques personnages dans leurs parcours sans devenir. Et nous assistons aussi à leur mort, à leur assassinat après mille violences. Comment, mais comment évoquer ce drame quotidien ? L’auteur conte la vie, si courte, de Céline, d’Aladji, d’Imane et Leila, de Yaguine et Fodé. Il dit tout simplement pourquoi écrire: «Écrire, cela peut être prendre parti./ Prendre partie pour la beauté. Pour la dignité. Pour la justice.» Lire le très beau poème page 259 intitulé Fugees

...

Trop.

C’est trop.

Pourtant

Le naufrage poursuit son naufrage.

Le naufrage de l’humanité elle-même.

Qui se noie

S’est noyée

Tant de fois

Se noiera

Encore.

Dans l'indifférence

Générale…


Je ne sais pas pourquoi mais j’ai souvent pensé à Jean-Claude Charles en lisant ce roman. Son lyrisme. Son histoire d’amour new yorkaise peut-être. L’amour. Un très très beau roman engagé.