Mark SaFranko : Putain d'Olivia / 13e note éditions,
2009
(Hating Olivia, 2005)
On embarque avec
« Putain d’Olivia » pour un voyage sans fond dans une Amérique
industrieuse des années 70 où l’absence d’un billet vert en poche te conduit
direct en enfer. Max, jeune musicien sans le sou mais aux rêves plus grands qu’un
continent rencontre Livy dans un bar. Pas besoin de s’ébattre très longtemps
pour comprendre que leurs corps élastiques jouent dans la même ligue, quelle
que soit la position. L’idylle dure aussi longtemps que les factures sont plus
ou moins payées. Après cela, une nouvelle musique se fait entendre. Trouver un
job suffisant pour ne plus étouffer. Sauf que nos tourtereaux ne sont pas doués
pour la routine. Cette faculté n’est pas donnée à tout le monde, pas vrai? C’est
en pratiquant des activités parfois inattendues et toujours mal payées que Max
tente de fuir la poisse dans laquelle il se débat. Un jour, il le sait, il
finira par écrire un roman qui le conduira à la gloire éternelle. Oui, un jour.
Livy, elle, au début solidaire en amour voit très vite son équilibre vaciller.
Elle rue dans les brancards. Elle cherche une solution bien à elle, bruyante,
violente, pour sortir de l’impasse. Sa vie ne mène à rien. Incapables de se
quitter, Max, le narrateur, et Livy, la belle au passé mystérieux et torturé,
forcément, se déchirent en technicolor dans leur minable appartement.
Le roman carbure à
mille miles à l’heure, ponctué de scènes sulfureuses où le corps, cet animal de
base, a ses raisons que la raison n’entend pas, vraiment pas. Une langue vive,
orale, offre une proximité immédiate entre le narrateur et le lecteur. Pas de
chichi. Les actes sont nommés, les lieux décrits dans leur apparente
simplicité, les actions s’enchaînent chronologiquement et l’on craint que la
mort ne soit la seule issue. On boit, on fume, on lit, on baise, on glande, on bâfre,
on turbine et on consomme compulsivement. Roman fascinant car il décrit en
détail nos angoisses d’artiste raté et les compromis aliénants dans lesquels
nous nous vautrons afin d’esquiver nos propres démons. Du vécu à l’état cru.
Alain Raimbault