lundi 18 septembre 2017

Une disparition inquiétante, de Dror Mishani

Lu en septembre 2017: Une disparition inquiétante, de Dror Mishani (ed. Points Seuil policier)

Ofer Sharabi est un adolescent taciturne, secret. Un jour, sa mère vient déclarer sa disparition au commandant Avraham Avraham dans un poste de police perdu dans un quartier quelconque de Tel-Aviv. Sur le coup, le policier pense à une banale fugue. Cependant, comme Ofer ne revient pas, une enquête est ouverte. Mais voilà: la mère reste évasive, le père, marin au long cours tarde à rentrer en Israël et aucune information pertinente n’atterrit sur le bureau du pauvre commandant, de plus en plus désemparé au fil des jours. Entretemps, un voisin plutôt singulier qui a donné des cours d’anglais à Ofer essaie de faire avancer l’enquête à sa façon car lui, il connaît bien Ofer. Il sait quoi faire!
Plus l’enquête stagne, et c’est là le génie du roman, plus elle est passionnante. Mon personnage préféré, bien sûr, est Zeev, l’enseignant d’anglais qui suit des ateliers d’écriture dans un but franchement original. Si vous ne savez pas pourquoi écrire, demandez à ce personnage. Sa réponse va vous époustoufler. Comme l’enquêteur est d’une banalité attachante, forcément, on s’attache à lui, à ses doutes, à ses errements, on veut absolument savoir ce qu’il va devenir dans sa prochaine enquête. Selon moi, l’intérêt tient davantage dans la perception que le lecteur a des personnages plutôt que dans l’enquête elle-même. Finalement, ce roman est autant policier que peuvent l’être L’Étranger, de Camus, ou Les Misérables, de Hugo. Une phrase que j’adore et qui résume de nombreux polars: “Sa perception de la réalité était quelque peu tordue.” (p.304) Et quand la réalité chez Dror Mishani n’est pas tordue, elle est torturée.

Je vais de ce pas me précipiter sur la deuxième enquête du pauvre Avraham Avraham pas rapide rapide pour trouver les coupables coupables.





mardi 5 septembre 2017

Au scalpel, de Sam Millar

Livre lu en septembre 2017: Au scalpel, de Sam Millar (éd. du Seuil, collection Cadre noir) Après un sale hiver auquel notre détective privé favori Karl Kane a survécu plutôt mal que bien, voilà que les problèmes lui tombent à nouveau sur le dos dans une Irlande du Nord de plus en plus humide. Un fantôme du passé vient jouer les troubles fête dans la vie plutôt cauchemardesque de Karl Kane. Un monstre enlève des petites filles et laisse des cadavres mutilés derrière lui. Ce même monstre qui avait assassiné sa mère et qui l’avait laissé pour mort dans la maison familiale. Difficile de faire face à ce cauchemar. Bien sûr, les événements sont encore plus horribles que dans l’imagination. Au scalpel, et je suis d’accord avec les lecteurs qui en arrivent à cette conclusion, est le meilleur roman de la série des Karl Kane. Nous sommes au coeur des cauchemars de notre détective vraiment solitaire. L’action est noire. Les douleurs sont infinies. La mort triomphe. Et il pleut sans arrêt. Ambiance réussie. Le plus grand livre de la série. Un petit chef d’oeuvre! J’ai encore adoré!

Je pense que Sam Millar qui a connu les prisons anglaises dans sa jeunesse exprime dans ce livre une vérité sur la douleur de l’enfermement, de la mutilation, de l’injustice. Le polar raconte aux adultes des histoires de monstres, comme les contes racontent aux enfants des histoires d’ogres. Au scalpel devient métaphysique car il s’agit aussi de notre propre mort, la première étape étant la présence insupportable, injuste, absurde de la souffrance et non la vieillesse ou la maladie. Un livre très fort.

mardi 22 août 2017

dimanche 16 juillet 2017

Et tu n’es pas revenu, de Marceline Loridan-Ivens

Livre lu en juillet 2017: Et tu n’es pas revenu, de Marceline Loridan-Ivens, éd. Grasset, récit écrit avec Judith Perrignon. En ce 75e triste anniversaire de la rafle du Vél d’Hiv, ce témoignage bouleversant d’une rescapée juive de l’horreur. Prisonnière à Birkenau, la jeune Marceline Rosenberg survit par miracle, comme le lui avait prophétisé (prophétie, c’est le terme employé) son père, qui, lui, enfermé à Auschwitz, ne reviendra pas. Et l’absence du père (absence même du corps, de sa dépouille), trahi par la France où il croyait vivre en sécurité, ce père qui n’est pas revenu va marquer toute la famille. Le père aimé, celui qu’on attendait à la gare, ne reviendra jamais. Marceline, elle, est là, avec le poids de ce passé dont personne ne veut entendre parler, que personne ne veut écouter car on ne comprend pas. Son retour est dramatique, dans une famille qui a perdu ses repères, elle tente de trouver sa place. En vain. Comme si elle l’avait à jamais perdue, volée par la guerre. Sa vie, parce qu’il faut bien vivre, se déroule on dira artistiquement, et sans enfant. Très beau témoignage, très bien écrit, bouleversant.

Quatrième de couverture: « J’ai vécu puisque tu voulais que je vive. Mais vécu comme je l’ai appris là-bas, en prenant les jours les uns après les autres. Il y en eut de beaux tout de même. T’écrire m’a fait du bien. En te parlant, je ne me console pas. Je détends juste ce qui m’enserre le cœur. Je voudrais fuir l’histoire du monde, du siècle, revenir à la mienne, celle de Shloïme et sa chère petite fille. »