lundi 27 septembre 2021

«J'ai tangué sur ma vie», de Maryssa Rachel

Lu: «J'ai tangué sur ma vie», de Maryssa Rachel JDH éditions

Citation:

«J'ai envie de partir, loin. Pour aller où? Je ne sais pas. Si mon cerveau écoutait mon corps, il se lèverait et partirait en courant, comme ça, sans rien dire, sans se confondre en excuses.»

J'ai adoré ce roman parce que le destin de Dédé est fascinant. Oui les événements extérieurs de sa vie sont ordinaires, mais ils sont vécus de l'intérieur. Le lecteur assiste à la lutte incessante entre le désir de réussir d'André, employé sans histoire dans une usine, il va même connaître une promotion, et le démon qui le dévore, l'alcool, ce poison qui le pousse à mentir, à traîner dans les bars, à imaginer les choses les plus laides, à détruire sa vie de famille, à ne semer que de la peine. Deux personnages se livrent à une lutte à mort: André, amoureux de sa femme et qui voudrait réussir, et Dédé l'alcoolo.

Aussi, parce que ce roman est profondément humaniste. Il montre un homme qui pourrait nous ressembler, qui fait face à un quotidien identifiable, qui essaie des choses simples, André, c'est moi. Mais face aux difficultés normales de la vie, Dédé cherche une réponse, un soulagement, une solution d'évitement dans l'alcool. Ce roman ne porte aucun jugement sur les actions des personnages. Il donne à voir. Et le lecteur comprend que la lutte est perdue d'avance. André souffre d'alcoolisme. Il est malade. Il ne peut que perdre. Il est victime de son alcoolisme.

La fin du roman est également extraordinaire. Le lecteur se dit qu'il est impossible pour le personnage de sombrer davantage. Hors, Dédé continue à penser, à parler, à écrire, et sa perception du monde, déformée par la maladie et la folie, est lumineuse. Jusqu'au bout, dans sa souffrance extrême, il reste un Homme. Sa douleur infinie, contre laquelle il ne sait pas lutter, fait de lui un être extraordinaire. Attachant. Profondément humain. Quelque part, il y a du Dédé en nous, qu'on le veuille ou non.

Enfin, les références à la musique et aux films populaires apportent une touche sentimentale à un roman qui ne l'est pas du tout. L'auteure inclut même des paroles de chansons dans le corps du texte. J'ai aussi beaucoup aimé les allusions à la vie et à l'œuvre de Bukowski, et je n'ai pu m'empêcher de penser aux personnages de Zola, prisonniers de leur milieu social comme André (fidèle parmi les fidèles de l'Assommoir-PMU) qui a deux frères pour lesquels rien de bon n'arrive.



Maryssa Rachel écrit des romans dans la veine du «Dirty Realism» avec une écriture limpide, descriptive, directe. Elle aborde de front la société au risque de choquer. Elle participe à des lectures-performances, à des ateliers, à des débats. Elle réalise également des courts métrages.

https://www.maryssarachel.fr/ 

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