Mon dernier livre intitulé « À la racine », journal-poèmes, publié aux édtions L'instant même, le 16 septembre 2025
Je suis allé le chercher chez l'éditeur, ici mon éditrice Geneviève Pigeon. D'habitude je fais le travail de correction avec Jean-Marie Lanlo, mais cette fois ce fut avec lui pour la sélection des textes et avec Geneviève pour la correction.
Voici ce qu'en dit mon éditeur:
Avec À la racine, la poésie devient l’écho du quotidien, saisissant ces moments fugaces qui, une fois couchés sur le papier, se révèlent être d’une profondeur insoupçonnée. Ce recueil prend la forme d’un journal-poèmes où chaque texte participe à une exploration plus vaste : celle du temps qui passe.
Sans suivre une ligne thématique rigide, À la racine propose une lecture en mouvement, où chaque poème trace une impression, esquisse une pensée, invite à une attention renouvelée au réel. Entre observations du quotidien et réflexions plus introspectives, le recueil d’Alain Raimbault laisse place à la sincérité d’une écriture qui privilégie l’instant plutôt que la démonstration.
Voici le texte du podcast ou balado que mon éditeur devrait publier fin août ou début septembre 2025:
1. Ton recueil s’ouvre sur une déclaration forte : “seule la poésie compte”. Qu’est-ce que représente la poésie pour toi aujourd’hui ? Et pourquoi était-ce la forme juste pour ce livre?
La poésie aujourd’hui n’est lue que par les poètes, à la limite par les romanciers, par quelques enseignants et par deux ou trois lectrices extraordinaires. C’est un genre très peu populaire, profondément personnel mais il compte parce qu’il dit ce qui est impossible à formuler, l’indicible. Si la philosophie essaye d’expliquer ou de questionner notre existence, d’arriver à des questions essentielles, la poésie, elle apporte des réponses. Elle est la seule forme littéraire capable de nous envoyer dans les étoiles l’espace d’un cillement. Là où la philosophie cherche et dit, la poésie trouve et montre. Du grand art. Elle nous offre plus que des réponses, elle nous montre la voie du bonheur. Elle est une respiration. Cette forme s’est imposée naturellement pour ce livre. J’ai simplement eu envie d’écrire de la poésie. Je suis aussi nouvelliste et romancier, entre guillemet parce que je suis en réalité un poète qui écrit des nouvelles et des romans. J’écris en fait uniquement de la poésie. Poète un jour, poète toujours. Formule facile mais vraie, je ne vais pas porter de masque.
2. Tu as choisi de construire ce livre comme un journal-poèmes, entre fragments du quotidien et réflexions intimes. Comment cette forme s’est-elle imposée à toi?
Pourquoi un journal? Je me suis dit qu’il serait intéressant de traduire en poésie des événements du quotidien, sans garder ce matériel littéraire, le journal, en vue d’écrire plus tard une fiction, comme cela m’arrive souvent. J’ai décidé d’exprimer sans recul l’explosion du monde, la brutalité du réel, le silence du moment. Tout prendre sans filtre et le traduire en poème. Aussi, je me suis tourné vers mes souvenirs car il est impossible de vivre à 100% dans le présent. Dans le flux de conscience, cette petite voix fatigante qui n’arrête pas de nous parler, j’ai extrait des images, je parle beaucoup en image dans ma tête, mais j’écris avec des mots. Ce qui est intéressant pour moi, c’est aussi l’abandon du surréalisme qui était mon genre d’expression favorite. J’écrivais de manière surréaliste, mais je constatais que j’étais très peu compris. Alors, après bien des années d'incompréhension, j’ai changé mon fusil d’épaule et j’ai décidé d’écrire dans une forme sous-réaliste, à six pieds en dessous du réel, et dans cet espace, j’ai la certitude d’être beaucoup mieux compris car il semblerait que vivrions sur Terre.
3. On croise dans ces pages des figures tutélaires : Charles Bukowski, John et Dan Fante, Raymond Carver... Que partages-tu avec ces écrivains du brut, de la marge, du quotidien et du désenchantement?.
Je vis au Canada anglais et français depuis 27 ans. Je suis toujours l’actualité littéraire de mon pays d’origine, la France, avec grand intérêt. J’ai découvert la littérature acadienne et québécoise parce que j’en fais partie, cette littérature est devenue mienne, intime. Le temps passant, et mon anglais s’améliorant aussi, je me suis peu à peu tourné vers des auteurs nord-américains. D'abord vers les romans de John Fante, dont “Ask the dust”, “Demande à la poussière”, qui m’a impressionné, ensuite vers les nouvelles de Raymond Carver, et de fil en aiguille j’en suis arrivé à la poésie de Bukowski. On classe ces écrivains dans le mouvement ou genre littéraire du Dirty realism, ou réalisme sale, ce qui pour moi est une insulte à leur art. Il n’y a rien de sale à leur littérature. Est-ce que Beaudelaire était un sale écrivain à cause des thèmes qu’il abordait? Non, ces écrivains m’ont appris l’abandon de toute flagornerie, de toute préciosité. Surtout, écrire vrai sans vouloir épater la galerie. Aller à l’essentiel, ne pas jouer à l’écrivain qui se regarde écrire ou au poète qui se regarde poéter. Non, pas du tout. Faire simple et direct, évoquer une expérience commune avec celle de la lectrice ou du lecteur. En tirer quelques images. Je ne pense partager ni l’alcoolisme suicidaire, ni le désenchantement de ces auteurs. Certes le monde est désespérant mais il est possible d’en tirer une phrase ou deux pour continuer à espérer. Je tente de voler à Bukowski la forme de ses poèmes mais je suis un piètre plagiaire car comment écrire en dehors de moi, hein? Comment m’oublier? Si Arthur Rimbaud à affirmé: Je est un autre, moi, je n’y parviens pas. N’est pas Rimbaud qui veut.
4. Tu dis que tu t’es “obligé à écrire trois poèmes par jour”, comme une discipline vitale. As-tu besoin de cette contrainte pour écrire ? Et comment sais-tu qu’un poème mérite d’être gardé?
Non, je n’ai besoin d’aucune contrainte pour écrire, au contraire. L’écriture me vient d’instinct, sans préparation. Je m’assois face à mon carnet ou à l’écran de l’ordinateur et je laisse venir. L’expression “trois poèmes par jour” me vient d’un documentaire mexicain sur un étudiant-ingénieur qui, pour réussir ses études, disait: je peux sortir danser, faire la fête mais quand je reviens à la maison, j’étudie “trois heures tous les soirs”. À la fin du documentaire, il reçoit fièrement son diplôme et travaille dans une station d’épuration des eaux usées de la ville de Mexico. Il vient de nulle part, il a travaillé fort et il est fier d’être le responsable des travaux d’une station d’épuration. J’ai juste changé les soirs en jours et les heures en poèmes. Je me compare beaucoup à cet ingénieur qui a réussi et qui répare. Moi aussi, quand j’écris, j’ai l’impression d’avoir réussi, et la publication de mes poèmes en livre est une forme de reconnaissance académique, de diplôme. Moi, qui ne viens de nulle part, je suis admis dans le vaste monde littéraire. Je répare aussi quelque chose, ou quelqu’un. Moi, peut-être. Pour ce qui est de savoir comment savoir si un poème mérite d’être gardé, il suffit d’attendre. Si le lendemain ou un mois plus tard je sens qu’il est bon, je le garde. Si je sens qu’il a perdu ses ailes, je le supprime. De toute manière, j’en écrirai un de bien meilleur demain.
5. Tu écris souvent en gardant à l’esprit ta fille, tes proches, ou même des lecteurs imaginaires. Est-ce que tu écris en pensant à qui te lira ? Quelle relation entretiens-tu avec le lecteur, dans un livre aussi personnel que celui-ci?
Je m’adresse effectivement à la personne qui me lit. Elle me lit toujours dans le présent, c’est la magie du texte écrit. Un livre est intemporel. Il parle toujours au présent, quel que soit ce présent. Oui, j’entretiens une relation serrée avec le lecteur parce que je lui parle de lui et il le sait. Il sait que ma poésie le concerne directement, comme une fable, une parabole, un accident. Je pense qu’il faut toujours tenir compte de la personne qui va nous lire pour la première fois, qui ne nous connaît pas et qui doit comprendre sans hésitation chaque mot, chaque sous-entendu. Une fois les vers compris, la magie opère peut-être et là, je n’y suis pour rien. J’offre le scénario, le lecteur l'interprète. À la fin, c’est toujours le lecteur le grand inventeur. Si la question est: pour qui j’écris? Ma réponse est: j’écris. Je ne peux savoir pour qui en particulier car le destin des livres est impénétrable. Dans le présent il y a mes proches, mes lectrices et mes lecteurs, mais dans le futur, ce présent de demain, il y a aussi un lectorat qui attend. Je les vois. Je ne les connaîtrais jamais. Je n’écris pas pour, j’écris avec. Avec la personne qui me lit. Nous écrivons ensemble, toujours, partout.
6. Que voudrais-tu que ce livre laisse au lecteur ou à la lectrice quand il ou elle le refermera? Une émotion, une lucidité, une voix?
Oui, une voix, une petite voix, une voix off sans mot, une voix de sous-titres. Et j’aimerais laisser des impressions. Des images utiles. Si ce livre ne laisse rien, il ne laisse rien dans la conscience, mais chaque texte lu nous transforme, chaque phrase entendue fait de nous une nouvelle personne, nous changeons presque d’identité. Quoi qu’il se passe, je sais que j’aurai semé une graine. J’aimerais que ce livre rapproche, qu’il laisse une sensation de proximité, de béatitude. Kerouac aimait bien le terme Beat Generation car beat se dit béat en français, synonyme de sérénité.
7. Pour finir, peux-tu nous lire un extrait de ton choix?
ces années à chercher le poème
à lire le livre
à croire au Père Noël
à vivre ici et là
feuille poussée par le vent
parmi les gens qui cherchent
l’argent
la paix
un travail raisonnable
une médaille
et ce que j’ai trouvé ne pourra jamais s’écrire
https://soundcloud.com/user-379196699/alain-raimbault-nous-parle-de-son-journal-poeme-a-la-racine

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Voici l'avant-critique que Christian Dorsan a écrite pour le site ActuaLitté.com publiée le 19 août 2025
https://actualitte.com/article/125618/avant-critiques/a-la-racine-journal-intime-d-un-poete-entre-deux-rives
À la racine : journal intime d’un poète entre deux rives
La poésie puise son inspiration dans le quotidien… à condition de savoir la reconnaître. Depuis son Québec d’adoption, Alain Raimbault nous livre sous forme de journal intime, des bribes de sa vie, ses impressions, ses pensées, ses interrogations pour affronter le temps de la réalité.
Publié le : 19/08/2025 à 10:10

Cette réalité faite de conflit, de violence ou d’injustice s’oppose à son confort, à sa vie de famille, bien au chaud dans sa maison. La réalité est un inventaire à la Prévert dans lequel se mélangent futilités, tracas ou tragédies de l’actualité comme si l’horreur était mise sur le même plan que les autres, comme si le tragique faisait partie du quotidien.
De son origine, il garde une certaine nostalgie d’une enfance heureuse et innocente, une vie simple « mon village/mes pierres/mes lézards mes têtards mes couleuvres » qui contraste avec sa vie citadine « REM du matin/je remarque les chaussures/à la place des yeux/des passagers/des chaussures bien propres/bien cirées/bien lacées ».
Ses réflexions portent sur son identité de nomade car pour lui : « c’est rester qui m’angoisse », bientôt, il aura passé plus de temps au Québec qu’en France, ce qui le rend sensible aux questions des communautés autochtones dans lesquelles sa fille aînée aujourd’hui vit et travaille. Alors que reste-t-il de lui entre ces cultures ?
Un poète, un homme qui écrit, qui se penche sur ses contemporains, qui regarde les autres : « on recherche chez l’autre/des similitudes/des angles connus/un lumineux réconfort/une habitude/qui finiront par nous faire/pleurer de désespoir » et feuillette sa vie on comme on lit distraitement un magazine, s’attardant sur certaines photos, passant sur des articles.
Lire Alain Raimbault, c’est visiter un ami qu’on aurait perdu de vue, et qui nous explique son travail : « je tente de saisir l’instant/sans exagérer la description/ne pas tout donner/ne pas tout voler non plus », parle de ses passions : « quand je lis romans et poésie/le temps suspend son vol/seul le temps s’arrête/face à la beauté/l’unique promesse d’éternité ».
Heureux de le retrouver, il nous confie qu’il ne reviendra plus en France, et qu’il est sage de contempler le temps qui passe avec la mort au bout de la route : « pourquoi désirer l’éternité ? /vivre n’est pas assez difficile ? ».
Lire À la racine, c’est partager un peu la vie de cet exilé entre Québec et enfance, entre réalité et impressions, trouver ce qui nous révèle ou trahi dans le quotidien.
Par Christian Dorsan
Contact : contact@actualitte.com
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Je vous découvre, et vous lirai avec plaisir et curiosité!
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