jeudi 8 juin 2017

Mood Indigo, de Mamadou Mahmoud N’Dongo


Livre lu le 7 juin 2017: Mood Indigo, de Mamadou Mahmoud N’Dongo, nouvelles, éd. Gallimard, collection Continents Noirs. Excellentes nouvelles! J’ai ouvert le livre et quand je l’ai refermé, j’avais tout lu. C’est bon signe. Où il est question entre autres de cinéma d’avant garde mexicain seulement compréhensible en traduction, du destin tragique des marionnettes (qui est de loin ma nouvelle préférée, ça ferait un film extraordinaire!!!), de stratégie guerrière d’évitement, et à la fin, un petit hommage à Kafka, Maupassant et Poe sans y toucher. Un humour que j’ai adoré. Pour conclure page 197: «Toute ma jeunesse, j’ai rêvé d’un manteau de fourrure. Maintenant que je peux m’en payer un, j’ai le sentiment que, finalement, j’aurai vécu pour quelque chose.» Elle est pas belle, la vie?


Devant la galerie BAM à Montréal

lundi 5 juin 2017

Je n’ai qu’une langue, et ce n’est pas la mienne, de Kaoutar Harchi

Livre lu le 4 juin 2017 : Je n’ai qu’une langue, et ce n’est pas la mienne. Des écrivains à l’épreuve, de Kaoutar Harchi, préface de Jean-Louis Fabiani, éd. Pauvert. Je lis des articles mais peu d’essais, et c’est un tort car celui-ci m’a littéralement enthousiasmé, je n’ai pas pu le lâcher de la journée. Il est passionnant. Tout d’abord, il explique de manière très claire comment l’institution littéraire (parisienne) octroie ou non le statut d’écrivain, de quelle manière elle décide qui est écrivain et, par exclusion, qui ne l’est pas. À ce petit jeu, les écrivains non français de langue française comme Kateb Yacine avec sa non-consécration par la Comédie française, Assia Djebar et le chahut provoqué par son discours d’entrée à l’Académie française, Rachid Boudjedra qui, déçu, finira par abandonner l’écriture de romans en français, Kamel Daoud et Boualem Sansal dont les médias commentent avant tout l’aspect politique des romans et les détournent de leur ambition première qui est la littérature, oui, à ce petit jeu, ces écrivains sont vraiment à l’épreuve. L’auteure narre leur enfance, leur trajectoire professionnelle, leur carrière littéraire en quelques lignes. C’est clair, instructif, fascinant. Elle montre pour chacun d’eux les difficultés auxquelles ils doivent faire face une fois qu’ils ont réussi à faire publier un roman en France. Et là, la réception de l’oeuvre est désarmante car elle est avant tout commentée comme étant politique, porteuse d’une idéologie à discuter, voire carrément désapprouvée. De plus, l’écrivain algérien qui publie en France dans la langue de l’ex-colonisateur devient aussitôt suspect en Algérie. Comment obtenir alors la reconnaissance du statut d’écrivain? Comment dépasser les enjeux politiques, idéologiques ?  Parce que ces écrivains sont des écrivains, et des grands! Impossible. Chaque cas est étudié avec précision, chaque stratégie, de défense je dirais, adoptée par ces écrivains est expliquée, éclairée. Cet essai est lumineux! Je citerai le début de l’épilogue page 279 pour conclure: “Nous aurions pu, à travers ces pages, décrire l’expérience des écrivains ivoiriens, marocains, libanais, mais aussi canadiens, suisses, belges et montrer selon quels procédés l’institution littéraire française leur a rappelé que la littérature était une expression nationale. Et que n’appartenant pas à la nation française, ils ne pouvaient appartenir à sa littérature.” Heureusement, si je puis dire, il y a le lecteur et lui, n’appartenant généralement à aucune institution littéraire sait reconnaître les grands écrivains. Merci, madame Harchi, pour ce très bel essai.




Assia Djebar, à Poitiers, vers 1990


 Kamel Daoud, à Montréal, vers 2015

samedi 3 juin 2017

Gabacho, de Aura Xilonen


Livre lu en juin 2017: Gabacho, de Aura Xilonen, éd. Liana Levi, traduit de l’espagnol (Mexique) par Julia Chardavoine. Titre original: Campeón gabacho. Le personnage principal est un jeune clandestin qui vivote dans une ville du sud des États-Unis. Il travaille comme homme à tout faire dans une librairie tout en évitant de se faire coincer par la migra, forcément. De bastons en fuites éperdues, il termine dans un foyer pour enfant des rues. Si le personnage principal est bien Liborio, poids plume doué pour la castagne, amoureux fou de la gisquette, l’autre personnage principal est la langue de l’auteure, sa liberté de ton, ses inventions, son percutant lyrisme, sa syntaxe nouvelle, son humour caustique (saluons au passage le travail colossal de la traductrice, chapeau, madame!). Ce livre est un perpétuel tourbillon, une fuite éperdue dans des rues sombres, une fête des morts, Babylone éclatée! J’ai adoré! Quel livre!


samedi 27 mai 2017

Leona, les dés sont jetés, de Jenny Rogneby

Lu en mai 2017 : Leona, les dés sont jetés, de Jenny Rogneby (ed. Presses de la cité). Tout commence étrangement avec une attaque de banque à la petite fille ensanglantée, puis, de fil en aiguille, l'histoire devient complexe, inquiétante, déroutante, amorale, insupportable, excellente. Le lecteur assiste aux événements avec un malaise croissant et ce roman très noir est rempli de bien mauvaises intentions! Un régal!



Pop-corn belge (texte flyé) Mai 2017

Pop-corn belge

- Combien d'heures êtes-vous capable de vous concentrer lorsque vous écrivez de la fiction?
- Moi, 2h30 par jour maximum. Après ça, j'ai des hallucinations, les légions romaines en jupettes écossaises envahissent l'Arctiques et je ne donne pas cher des Martiens vinicoles...

 La colonie martienne de clones éthylophiles vit d'un mauvais œil l'approche de la trière romaine. Bibi reconnut aussitôt Marius le tondu et ce fut le début d'imbuvables hostilités.

Pour dire la vérité, Bibi avait connu Marius le tondu (à l'époque velu comme une protovache païenne de 7e génération, c'est pour dire) avant son changement de deuxième sexe partiellement avorté. En effet, le robot-chirurgien à l'âme demi-téléchargée avait eu des remords au dernier nano-moment. Il s'était retiré du protocole pas vraiment compassionnel quand, lorsqu'il s'agit de sexe, il est de bon ton de ne pas se retirer. Vous voyez ce que je veux sous-entendre. On comprend à présent les haines séculières que portent Marius le tondu envers ces choses interminables auxquelles tout le monde télécharge sans l'avouer verbeusement quoique, quoique. Demain: des révélations inattendues sur les remords de la moustiquaire bouddhiste Otyüvgen IKEA 8e rang 3e étagère n'oubliez pas votre chariot, et pourquoi Bibi connut Marius le tondu né Maria l'iconoclaste avertie...

Maria la velue (qui, comme vous le savez, donnera plus tard Marius le tondu lors d'une infernale quête identitaire œdipienne) vint se plaindre à demi-clavier de sa moustiquaire mal montée.
- Elle est inmontable ! cria-t-elle par devers elle (expression inutile en vogue dans le futur où se déroule l'action de ce feuilleton pittoresque, genre) .
À l'époque, les objets avaient aussi leur mot à dire:
- C'est vrai! Je suis inmontable! soubresauta la moustiquaire qui revint à la plénitude soudaine du colibri zen gustatif (Cela donne toujours une impression d'intelligence au lecteur lorsque surgit un adjectif par devers lui, genre) libéré de son troisième karma shivique. Demain: Où Bibi péta un hémo-plomb lourd de conséquence, genre, tu-sais-tu...

Bibi n'en revint point. Que l'on s'adressât à lui le Saint-Pierre des cruciformes en des termes si crus activa ses gyrogènes reptiliens. Il se saisit de l'arme fatale qui te pond des arguments irréconciliables aussi vite qu'un chien sale matraque un protestataire néovierge qui la veut sa grève sociale ben qu'y se la mange paf! et asséna une injonction en ouverture d'Innotab pas piquée des gaufrettes. On suit toujours? Je résume: ça chauffe entre Bibi et Maria la velue. Ça sent le néoprène. Le cloaque évasif. La redondance émaciée. L'hypersuffrage abrasif. Les dénytrogénérisations candides post-voltairiennes. Le rutabagas émotif. L'accident de calculus. Le réseau raisiné. Ça brûle en oriflammes. Ça surdit les anthropophages. De lents vols de tortueuses mélopées grugent les faméliques errances. De l'ire en dentelles. Du Plutarque jamais... Bon. Demain: Maria s'hérisse ! Du sang et du bonheur plein la gamelle.

Maria la velue tourna visage, prit poussière d'escampette, vira grave et s'évanouit dans ce temps malcommode où tout cesse, où l'on s'hérisse d'un grade, où le sang tourne court comme un marée divaguée, où l'arc-en-ciel du psychotemps ornemente les geais bleuis à la chaux de Finlande, où tu rapailles tes Gastons à Clochemerle les bains, où des nués d'apatrides touchent l'ergonomie facile du vaisseau déjanté, où l'on s'appelle comme on le ferait d'un biobras, comme on ondulerait de la tête selon la vision tenace du deuxième reptilien, et ce serait un mythe fondateur sauf qu'on a tout écrit depuis la fin des langues harassées, alors, Maria la velue par devers elle s'en jeta un et pas piqué des électrogripes c'est moi la machine qui vous l'affirme dans ce passé où tout dire sent le humus... Demain, un numéro hors-série introuvable et pour cause.

Après la fin de l'humanité, les hédonistes machines automatiques belges de pop-corn se fixèrent huileusement dans le grand silence promu après le big plop. Elles avaient fini par dégèner l'animal parce qu'elles savaient dans leur plate sagesse que quand il y a du gène, il n'y a plus de plaisir. L'humaine espèce avait échoué à se répandre, les hédonistes machines automatiques belges de pop-corn, lassées de ploper pour des clopinettes, se redécidèrent à réinventer de l'humain, mais pas trop quand même, faut pas exagérer. Donc, elles pondirent un pop-corn graisseux, mi-femelle-mi-mâle-mi-blaireau-hermaphrodite, juste pour saboter la libido du futur être, ah ah ah, elles lui collèrent un prénom bâtard digne d'un médicament estonien, elles créèrent le parking d'Eden de la sainte-poubelle et lui lancèrent une mouette sur la trogne. Le pop-corn (c'est la partie lyrique, accrochez-vous) taxa les kilogrammes vernaculaires à toute berzingue. Il statua fort sur l'hypocrite miaulement plumé, prit ses pas-jambes à son pas-cou et se souffla tant qu'il ne put mais l'espoir fait vivre n'est-ce pas ? puis comme il fondait un mythe alors, ça le motivait, il déglutit les régénérescences, il immacula son futal d'unijambiste en devenir, farfouilla la décoction spirite, humecta ses oripeaux gagouillants, écarta ses pas-bras droits et ouvrit un champ entre deux copeaux de feu ratés sous des pestilences congestives. Toujours pas sorti de sa poubelle, le pop-corn premier se dit qu'il était plus facile de gargantuer son prochain que de mythifier un cloaque sans ordonnance...

Le pop-corn y crut et le destin lui falbala un retour de balancier. D'un arbrisseau-mouvant lui poussa la chose, fildefériste en ses heures creuses auxquelles Il crut dur comme fer, genre un mur pas rose, genre les ciboulettes électriques. On l'amalgama, il traversa des démissions factices, il engendra des plants sur le parking d'Éden et faute de James Dean pour lui tenir le volant, il se claquemura une trallée de pious-pious qui finirent génétiquement palmables. Si l'humain venait du poiscaille et de la guenon, le post-humain-regènétifié sombrait de la poubelle et du programme balbutié suffisant pour la cause. Oui, les hédonistes machines automatiques belges de pop-corn planifièrent leur maïsique Création dans le but d'écouler leurs floraisons dindiques à bas prix, business is business, l'emberlificotage gagna en sédition. On s'explosa le croupignion. On divulga les secrets de la bombe à gènes, des comètes étirèrent leur plan plus froids que prévu, on oxyda deux lilas trois zincs vinicoles quatre sous-régions lémuriennes afin d'étaler la soupe, on pianota on surtripa on bifluora l'aluminium trisomique et d'une parois venteuse on transmit le code humidifié, la chose assouvie qui tenait en son séisme le lendemain des ordures. Un pop-corn sauveur ! C'était Lui, Il apparaissait en sa nudité crasse et Napoli allait en voir des belles et des pas mûres, sauf que...

... la nuit frappa en douce, se répandit contre la pâleur ourse du mythe aztèque, ce fut dégendrement d'un utilité hollywoodienne, du peuple pop-cornique au détail et en masse, ce furent guerres claniques, l'on vit un cannibale à l’œilleton, les herméneutiques retroussèrent leur pli de robe et l'épée basse infiltrèrent le programme de base, on s'ingénia à freiner les cordes, à décoder l'amertume, l'usure des miroirs tint parole, ce fut conique mais l'on rit peu, des torrents de sel clamèrent les grottes fétides, les vaches roulèrent sur leurs ergots, on s'immola pour des navets puisque l'origine du pop-corn belge rempli de belgitude n'est-elle pas le feu? Au diable les herses, on s'extrapolita, on s'usuria, on se figua en long déluge, des abeilles firent ruche commune lors des grandes défragmentations, on s'aima en réseau puisque la guerre menaçait la bienséance sur ses arrières, le clans virèrent à l'éternel, il sortit de l'ombre la naissance de l'obscurité, une force additionnelle à l'oraison octogénaire, on mesure, on agrège, on ventile des hublots, il faut que l'espèce nouvelle prennent en mémoire son brouillon fondateur, allez, plop!, grisons-nous d'un psychodébut, que la grande ritournelle ouvre ses tranchées à terre, que l'on sache la vérité du deuxième monde pop-corn-cellulaire, amniosynthétique, rivale en supra-pensée nano-conduite vers ses objets sans fond. Voilà pour le mythe fondateur. Il y a à boire et à manger. Cela suffit pour quelques millénaires en somme.

Une fois bâclée la fondation, remués cieux et terres pour en dépouiller de savants brigantins, des héros naquirent durs comme fer de balancelle, élagués sur leur tripettes, fixes au sirocco, on hélera Djohnie dit Fabrizio l'eunuque, Gargouille Mnémonique du Grand-Souci, Pépé la Réglette, Aston Finca le Blues, et Type 8 ça s'Égoutte, tous pop-corniens de coeur jusqu'à plus soif, on s'étendra en crustacés, le club Djohnie arma une arnaque à désosser un colibri moqueur contre Pépé le programmé grandiose, on vit propre au tri-supra-ordonné tu ne vas jamais le battre même Kasparov, Djohnie convoqua les surfaces des rêves et les ensemença de logiciels viraux-monsanto-tu-crêves-illico-presto-même-pas-pardon à te faire pousser un poireau pouilleux sur ta face d'endormi chronique, il s'allia à Type 8 ça s'Égoutte qui, blanc comme neige, pilleur de charrues, kérosyste averti, pas un gène vaillant, pondit sa logique saillie qu'un prix Djebel n'atteindrait qu'en photo, c'est pour dire, genre, alors nos deux larrons défoirés, incapables d'attaquer d'éveil Pépé la Réglette dit le Branquignol tétraèdre, infestèrent ses songes car le jour nuit. Ils polluèrent les poubelles spatiales qui formaient la calotte glacée du rêve, de jour on ne percevait rien non plus, les intelligences artificielles n'avaient pas encore développé d'éco-consciences, on ne peut pas tout savoir, puis ça dérange pas, d’ailleurs, ordinateurs à supra-réglo-conducteurs descendaient de la même branche que le plastique et l’oxydation des génotypes. Tout puait mais nos hédonistes machines automatiques belges de pop-corn avaient omis l’invention du nez, ha ha ha ! 

On remit les tuxédos platinés au rencart, ça déboulait de partout, notre protovache tenta humidement de vêler mais ne sortit de son aération qu’un microcosme d’absolutistes micromégassiens peu enclins à la démerde, surtout le premier jour, on se comprend, ça déboulait comme on engloutit sa cervoise,  et du pop-corn, y en avait plus. On se rabattit sur les pieds de chaises onomastiques.


Fin de la première légende

Alain Raimbault

dimanche 23 avril 2017

Petit pays, de Gaël Faye (éd. Grasset)


Lu en avril 2017: Petit pays, de Gaël Faye (ed. Grasset). Tu lis cette enfance ordinaire au Burundi et tu penses à la tienne, ordinaire, avec ta famille par forcément unie, ta soeur, tes voisins, les grands et les expéditions dans les jardins aux manguiers. Et puis ça dérape parce qu’avec une mère tutsie, un père français, des voisins hutus, le Rwanda tout près en guerre et le Burundi en ébullition, l'innocence doit s’achever. Et la folie guette. Difficile de croire que nous avons là un premier roman tant l’écriture est limpide, forte, émouvante, poétique et maîtrisée. Un très très beau roman!!! J’ai adoré.


dimanche 16 avril 2017

Tropique de la violence, de Nathacha Appanah, éd. Gallimard


Tropique de la violence, de Nathacha Appanah, éd. Gallimard. Si vous pensez à Mayotte-son-soleil-ses-plages-ses-hibiscus-le-paradis, vous avez tout faux. Mayotte, c’est Gaza, un bidonville où Bruce l’enfant boss décide du soleil ou de la pluie. Mo le suit mais ne le craint pas, contrairement aux centaines d’enfants de la bande. Mo aux yeux de djinn, enfant d’un kwassa kwassa ne semble pas vivre sur la même planète et ça, ça énerve Bruce. Si Mo a une enfance blanche, son destin vire très vite au sombre. Les morts parlent, les vivants hurlent, les chiens jouent aux fantômes et ce roman, qui aurait pu s’intituler Triste tropique, envoûte le lecteur. Le paradis, c’est pour les autres. L’enfer est une île peuplée d’enfants sauvages. Ce livre m’a dévoré.  



Je trouve aussi qu'il fait le lien avec Anguille sous roche, d'Ali Zamir car le roman de cet auteur se termine dans un kwassa kwassa entre Ajouan et Mayotte et ce roman commence dans cette même embarcation entre ces deux îles. Ce roman commence où l'autre finit. Aussi, nous avons deux narrations complètement différentes, deux grandes voix originales et magnifiques.