mardi 22 août 2017

dimanche 16 juillet 2017

Et tu n’es pas revenu, de Marceline Loridan-Ivens

Livre lu en juillet 2017: Et tu n’es pas revenu, de Marceline Loridan-Ivens, éd. Grasset, récit écrit avec Judith Perrignon. En ce 75e triste anniversaire de la rafle du Vél d’Hiv, ce témoignage bouleversant d’une rescapée juive de l’horreur. Prisonnière à Birkenau, la jeune Marceline Rosenberg survit par miracle, comme le lui avait prophétisé (prophétie, c’est le terme employé) son père, qui, lui, enfermé à Auschwitz, ne reviendra pas. Et l’absence du père (absence même du corps, de sa dépouille), trahi par la France où il croyait vivre en sécurité, ce père qui n’est pas revenu va marquer toute la famille. Le père aimé, celui qu’on attendait à la gare, ne reviendra jamais. Marceline, elle, est là, avec le poids de ce passé dont personne ne veut entendre parler, que personne ne veut écouter car on ne comprend pas. Son retour est dramatique, dans une famille qui a perdu ses repères, elle tente de trouver sa place. En vain. Comme si elle l’avait à jamais perdue, volée par la guerre. Sa vie, parce qu’il faut bien vivre, se déroule on dira artistiquement, et sans enfant. Très beau témoignage, très bien écrit, bouleversant.

Quatrième de couverture: « J’ai vécu puisque tu voulais que je vive. Mais vécu comme je l’ai appris là-bas, en prenant les jours les uns après les autres. Il y en eut de beaux tout de même. T’écrire m’a fait du bien. En te parlant, je ne me console pas. Je détends juste ce qui m’enserre le cœur. Je voudrais fuir l’histoire du monde, du siècle, revenir à la mienne, celle de Shloïme et sa chère petite fille. »


mercredi 12 juillet 2017

Malabourg, de Perrine Leblanc

Livre lu en juillet 2017: Malabourg, de Perrine Leblanc, éd. Gallimard. Quelque part au fin fond de la Gaspésie, c’est un trou de verdure où coule une rivière aux saumons, près d’un bois, d’un lac, de la mer et de la réserve Mowebaktabaak.  Dans le paisible village de Malabourg constitué de rares commerces, un jeune fille, Geneviève,  disparaît. Les rumeurs vont bon train parmi les villageois. Alexis et ses plantes, Mima et ses pierres fines, Liliane et ses livres et tous les habitants qui fréquentent le bar tenu par Ka ne découvriront la vérité qu’après d’autres malheurs. Ce n’est pas un roman policier, c’est un conte cruel. Tout le plaisir de la lecture tient dans la plume de l’auteure, dans ses descriptions… parfumées, dans ses personnages à la psychologie… tragique, dans l’évocation d’une ruralité frappée par un déterminisme à la… Zola, dans les rumeurs d’une ville où l’on se sent bien seul, où la beauté surgit des non-dits. Écriture subtile, fortement évocatrice, troublante, Perrine Leblanc a encore écrit un très beau roman que j’aurais dû lire depuis longtemps. J’avais adoré L’homme blanc. Rebelote! L’auteure me fait penser à une autre auteure québécoise qui m’enchante littéralement: Dominique Fortier. J’attends avec une grande impatience son troisième roman.





mercredi 5 juillet 2017

À l’ombre du Baron, de Fabienne Josaphat


Roman lu en juillet 2017: À l’ombre du Baron, de Fabienne Josaphat, éd. Calman Lévy (Traduit de l’anglais par Marie-France de Paloméra) Deux frères. Raymond est chauffeur de Taxi dans les rues de Port-au-Prince, il tire le diable par la queue pour nourrir sa famille, et son frère brillant juriste enseignant à l’université mange du homard dans sa belle résidence. Tout pourrait les opposer mais voilà. Nous sommes en Haïti en 1965, Papa Doc et ses tontons macoutes font régner la terreur sur la population et une parole, une pensée de travers et c’est la fin de l’histoire. Soudain, tout s'emballe, chacun essaie de survivre à sa façon, et qui sait ce qui va advenir au bout de l’horreur. Excellent roman sur la dictature de Duvalier père, avec ceci dit en passant un rappel du lâche assassinat de Jacques S. Alexis dont les coupables n’ont toujours pas été punis. Oui, un roman sur la dictature comme en ont si bien écrit Gabriel García Márquez, Mario Vargas Llosa, Miguel Ángel  Asturias ou Edwidge Danticat. C’est poignant, terriblement humain, triste à en pleurer. Un bien beau roman.


jeudi 29 juin 2017

Un sale hiver, de Sam Millar

Lu en juin 2017: Un sale hiver, de Sam Millar, éd. Point Seuil Policier. Traduction de Patrick Raynal, oui, le grand Patrick Raynal! Plutôt étrange de découvrir une main coupée sur votre palier en ce matin d’hiver. Du genre à vous coller des frissons sous votre petit peignoir rose bonbon. Karl Kane, détective privé tendre et honnête qui a survécu à deux autres romans où il a été bien malmené, merci, va chercher à recoller les morceaux (de l’histoire) en essayant, en vain, d’éviter les coups . Après une petite balade en enfer dans la charmante petite ville de Ballymena où même le diable ne se risque plus, vu qu’on lui a tiré dans le dos, le citoyen Kane fourre son nez dans des abattoirs un peu trop sanglants à son goût. Les femmes aux noms variables s’en tirent assez mal, il faut le dire, et on perd toute confiance en la police quand la seule justice est la vengeance. Un magnifique roman noir, violent, désespéré, solaire. Inutile de préciser que j’ai encore adoré.



jeudi 22 juin 2017

Nunavik, de Michel Hellman


Lu en juin 2017: Nunavik, de Michel Hellman, éd. Pow Pow. Michel en panne d’inspiration décide de visiter le Nunavik (grand nord québécois, à ne pas confondre avec le Nunavut, territoire canadien). Au cours de son périple, il rencontre des touristes, des Inuits, des documentaristes impatients, des moustiques en masse (le moustique est l’oiseau national du Nunavik…), des ours désoeuvrés, des caribous indécis, un territoire fascinant. Cette BD se situe entre le récit de voyage, la nouvelle, l’anthropologie, le carnet de route et le guide du routard. C’est passionnant. Ça se lit tout seul. Le personnage erre sans complaisance pour le bonheur du lecteur, le trait est clair, informatif, onirique, touchant. J’ai adoré!!! Je commence à me demander s’il n’y aurait pas un style québécois en BD. Le style Michel Rabagliati, Zviane, Jean-Paul Eid. Je salue bien bas l’artiste, Michel Hellman. Qu’on se le lise.




Salon du livre de Montréal 2018




vendredi 16 juin 2017

Tijuana mon amour, de James Ellroy


Lu en juin 2017: Tijuana mon amour, de James Ellroy (éd. Rivages/Noir) Nous voici en 1955, et les scandales vont bon train. On s’étripe joyeusement, on se trompe, de jumelle aussi, on négocie de la fourrure-bouclier, on ment, on triche, on trompe, on prend des substances, on filme en douce des ébats de groupe, on soudoie, on fait chanter, oh oui, tous les maîtres chanteurs sont à la botte du beau Frank Sinatra, ça canarde pour un oui pour un non, et si on veut se racheter une virginité en passant par Tijuana la douce, c’est peau de balles! L’apocalypse, c’est même pas la fin du monde. Parce que dans ce délire maccarthesque, l’auteur se laisse aller à toutes les conclusions bizarres dans une langue à mourir de rire. Une petite centaine de pages, comme un trip psychédélique avant l’heure. Ben l’fun! Ben ben l’fun!


Photo prise dans le métro de Montréal ce 16 juin 2017 vers 7h12

jeudi 8 juin 2017

Mood Indigo, de Mamadou Mahmoud N’Dongo


Livre lu le 7 juin 2017: Mood Indigo, de Mamadou Mahmoud N’Dongo, nouvelles, éd. Gallimard, collection Continents Noirs. Excellentes nouvelles! J’ai ouvert le livre et quand je l’ai refermé, j’avais tout lu. C’est bon signe. Où il est question entre autres de cinéma d’avant garde mexicain seulement compréhensible en traduction, du destin tragique des marionnettes (qui est de loin ma nouvelle préférée, ça ferait un film extraordinaire!!!), de stratégie guerrière d’évitement, et à la fin, un petit hommage à Kafka, Maupassant et Poe sans y toucher. Un humour que j’ai adoré. Pour conclure page 197: «Toute ma jeunesse, j’ai rêvé d’un manteau de fourrure. Maintenant que je peux m’en payer un, j’ai le sentiment que, finalement, j’aurai vécu pour quelque chose.» Elle est pas belle, la vie?


Devant la galerie BAM à Montréal

lundi 5 juin 2017

Je n’ai qu’une langue, et ce n’est pas la mienne, de Kaoutar Harchi

Livre lu le 4 juin 2017 : Je n’ai qu’une langue, et ce n’est pas la mienne. Des écrivains à l’épreuve, de Kaoutar Harchi, préface de Jean-Louis Fabiani, éd. Pauvert. Je lis des articles mais peu d’essais, et c’est un tort car celui-ci m’a littéralement enthousiasmé, je n’ai pas pu le lâcher de la journée. Il est passionnant. Tout d’abord, il explique de manière très claire comment l’institution littéraire (parisienne) octroie ou non le statut d’écrivain, de quelle manière elle décide qui est écrivain et, par exclusion, qui ne l’est pas. À ce petit jeu, les écrivains non français de langue française comme Kateb Yacine avec sa non-consécration par la Comédie française, Assia Djebar et le chahut provoqué par son discours d’entrée à l’Académie française, Rachid Boudjedra qui, déçu, finira par abandonner l’écriture de romans en français, Kamel Daoud et Boualem Sansal dont les médias commentent avant tout l’aspect politique des romans et les détournent de leur ambition première qui est la littérature, oui, à ce petit jeu, ces écrivains sont vraiment à l’épreuve. L’auteure narre leur enfance, leur trajectoire professionnelle, leur carrière littéraire en quelques lignes. C’est clair, instructif, fascinant. Elle montre pour chacun d’eux les difficultés auxquelles ils doivent faire face une fois qu’ils ont réussi à faire publier un roman en France. Et là, la réception de l’oeuvre est désarmante car elle est avant tout commentée comme étant politique, porteuse d’une idéologie à discuter, voire carrément désapprouvée. De plus, l’écrivain algérien qui publie en France dans la langue de l’ex-colonisateur devient aussitôt suspect en Algérie. Comment obtenir alors la reconnaissance du statut d’écrivain? Comment dépasser les enjeux politiques, idéologiques ?  Parce que ces écrivains sont des écrivains, et des grands! Impossible. Chaque cas est étudié avec précision, chaque stratégie, de défense je dirais, adoptée par ces écrivains est expliquée, éclairée. Cet essai est lumineux! Je citerai le début de l’épilogue page 279 pour conclure: “Nous aurions pu, à travers ces pages, décrire l’expérience des écrivains ivoiriens, marocains, libanais, mais aussi canadiens, suisses, belges et montrer selon quels procédés l’institution littéraire française leur a rappelé que la littérature était une expression nationale. Et que n’appartenant pas à la nation française, ils ne pouvaient appartenir à sa littérature.” Heureusement, si je puis dire, il y a le lecteur et lui, n’appartenant généralement à aucune institution littéraire sait reconnaître les grands écrivains. Merci, madame Harchi, pour ce très bel essai.




Assia Djebar, à Poitiers, vers 1990


 Kamel Daoud, à Montréal, vers 2015

samedi 3 juin 2017

Gabacho, de Aura Xilonen


Livre lu en juin 2017: Gabacho, de Aura Xilonen, éd. Liana Levi, traduit de l’espagnol (Mexique) par Julia Chardavoine. Titre original: Campeón gabacho. Le personnage principal est un jeune clandestin qui vivote dans une ville du sud des États-Unis. Il travaille comme homme à tout faire dans une librairie tout en évitant de se faire coincer par la migra, forcément. De bastons en fuites éperdues, il termine dans un foyer pour enfant des rues. Si le personnage principal est bien Liborio, poids plume doué pour la castagne, amoureux fou de la gisquette, l’autre personnage principal est la langue de l’auteure, sa liberté de ton, ses inventions, son percutant lyrisme, sa syntaxe nouvelle, son humour caustique (saluons au passage le travail colossal de la traductrice, chapeau, madame!). Ce livre est un perpétuel tourbillon, une fuite éperdue dans des rues sombres, une fête des morts, Babylone éclatée! J’ai adoré! Quel livre!


samedi 27 mai 2017

Leona, les dés sont jetés, de Jenny Rogneby

Lu en mai 2017 : Leona, les dés sont jetés, de Jenny Rogneby (ed. Presses de la cité). Tout commence étrangement avec une attaque de banque à la petite fille ensanglantée, puis, de fil en aiguille, l'histoire devient complexe, inquiétante, déroutante, amorale, insupportable, excellente. Le lecteur assiste aux événements avec un malaise croissant et ce roman très noir est rempli de bien mauvaises intentions! Un régal!



Pop-corn belge (texte flyé) Mai 2017

Pop-corn belge

- Combien d'heures êtes-vous capable de vous concentrer lorsque vous écrivez de la fiction?
- Moi, 2h30 par jour maximum. Après ça, j'ai des hallucinations, les légions romaines en jupettes écossaises envahissent l'Arctiques et je ne donne pas cher des Martiens vinicoles...

 La colonie martienne de clones éthylophiles vit d'un mauvais œil l'approche de la trière romaine. Bibi reconnut aussitôt Marius le tondu et ce fut le début d'imbuvables hostilités.

Pour dire la vérité, Bibi avait connu Marius le tondu (à l'époque velu comme une protovache païenne de 7e génération, c'est pour dire) avant son changement de deuxième sexe partiellement avorté. En effet, le robot-chirurgien à l'âme demi-téléchargée avait eu des remords au dernier nano-moment. Il s'était retiré du protocole pas vraiment compassionnel quand, lorsqu'il s'agit de sexe, il est de bon ton de ne pas se retirer. Vous voyez ce que je veux sous-entendre. On comprend à présent les haines séculières que portent Marius le tondu envers ces choses interminables auxquelles tout le monde télécharge sans l'avouer verbeusement quoique, quoique. Demain: des révélations inattendues sur les remords de la moustiquaire bouddhiste Otyüvgen IKEA 8e rang 3e étagère n'oubliez pas votre chariot, et pourquoi Bibi connut Marius le tondu né Maria l'iconoclaste avertie...

Maria la velue (qui, comme vous le savez, donnera plus tard Marius le tondu lors d'une infernale quête identitaire œdipienne) vint se plaindre à demi-clavier de sa moustiquaire mal montée.
- Elle est inmontable ! cria-t-elle par devers elle (expression inutile en vogue dans le futur où se déroule l'action de ce feuilleton pittoresque, genre) .
À l'époque, les objets avaient aussi leur mot à dire:
- C'est vrai! Je suis inmontable! soubresauta la moustiquaire qui revint à la plénitude soudaine du colibri zen gustatif (Cela donne toujours une impression d'intelligence au lecteur lorsque surgit un adjectif par devers lui, genre) libéré de son troisième karma shivique. Demain: Où Bibi péta un hémo-plomb lourd de conséquence, genre, tu-sais-tu...

Bibi n'en revint point. Que l'on s'adressât à lui le Saint-Pierre des cruciformes en des termes si crus activa ses gyrogènes reptiliens. Il se saisit de l'arme fatale qui te pond des arguments irréconciliables aussi vite qu'un chien sale matraque un protestataire néovierge qui la veut sa grève sociale ben qu'y se la mange paf! et asséna une injonction en ouverture d'Innotab pas piquée des gaufrettes. On suit toujours? Je résume: ça chauffe entre Bibi et Maria la velue. Ça sent le néoprène. Le cloaque évasif. La redondance émaciée. L'hypersuffrage abrasif. Les dénytrogénérisations candides post-voltairiennes. Le rutabagas émotif. L'accident de calculus. Le réseau raisiné. Ça brûle en oriflammes. Ça surdit les anthropophages. De lents vols de tortueuses mélopées grugent les faméliques errances. De l'ire en dentelles. Du Plutarque jamais... Bon. Demain: Maria s'hérisse ! Du sang et du bonheur plein la gamelle.

Maria la velue tourna visage, prit poussière d'escampette, vira grave et s'évanouit dans ce temps malcommode où tout cesse, où l'on s'hérisse d'un grade, où le sang tourne court comme un marée divaguée, où l'arc-en-ciel du psychotemps ornemente les geais bleuis à la chaux de Finlande, où tu rapailles tes Gastons à Clochemerle les bains, où des nués d'apatrides touchent l'ergonomie facile du vaisseau déjanté, où l'on s'appelle comme on le ferait d'un biobras, comme on ondulerait de la tête selon la vision tenace du deuxième reptilien, et ce serait un mythe fondateur sauf qu'on a tout écrit depuis la fin des langues harassées, alors, Maria la velue par devers elle s'en jeta un et pas piqué des électrogripes c'est moi la machine qui vous l'affirme dans ce passé où tout dire sent le humus... Demain, un numéro hors-série introuvable et pour cause.

Après la fin de l'humanité, les hédonistes machines automatiques belges de pop-corn se fixèrent huileusement dans le grand silence promu après le big plop. Elles avaient fini par dégèner l'animal parce qu'elles savaient dans leur plate sagesse que quand il y a du gène, il n'y a plus de plaisir. L'humaine espèce avait échoué à se répandre, les hédonistes machines automatiques belges de pop-corn, lassées de ploper pour des clopinettes, se redécidèrent à réinventer de l'humain, mais pas trop quand même, faut pas exagérer. Donc, elles pondirent un pop-corn graisseux, mi-femelle-mi-mâle-mi-blaireau-hermaphrodite, juste pour saboter la libido du futur être, ah ah ah, elles lui collèrent un prénom bâtard digne d'un médicament estonien, elles créèrent le parking d'Eden de la sainte-poubelle et lui lancèrent une mouette sur la trogne. Le pop-corn (c'est la partie lyrique, accrochez-vous) taxa les kilogrammes vernaculaires à toute berzingue. Il statua fort sur l'hypocrite miaulement plumé, prit ses pas-jambes à son pas-cou et se souffla tant qu'il ne put mais l'espoir fait vivre n'est-ce pas ? puis comme il fondait un mythe alors, ça le motivait, il déglutit les régénérescences, il immacula son futal d'unijambiste en devenir, farfouilla la décoction spirite, humecta ses oripeaux gagouillants, écarta ses pas-bras droits et ouvrit un champ entre deux copeaux de feu ratés sous des pestilences congestives. Toujours pas sorti de sa poubelle, le pop-corn premier se dit qu'il était plus facile de gargantuer son prochain que de mythifier un cloaque sans ordonnance...

Le pop-corn y crut et le destin lui falbala un retour de balancier. D'un arbrisseau-mouvant lui poussa la chose, fildefériste en ses heures creuses auxquelles Il crut dur comme fer, genre un mur pas rose, genre les ciboulettes électriques. On l'amalgama, il traversa des démissions factices, il engendra des plants sur le parking d'Éden et faute de James Dean pour lui tenir le volant, il se claquemura une trallée de pious-pious qui finirent génétiquement palmables. Si l'humain venait du poiscaille et de la guenon, le post-humain-regènétifié sombrait de la poubelle et du programme balbutié suffisant pour la cause. Oui, les hédonistes machines automatiques belges de pop-corn planifièrent leur maïsique Création dans le but d'écouler leurs floraisons dindiques à bas prix, business is business, l'emberlificotage gagna en sédition. On s'explosa le croupignion. On divulga les secrets de la bombe à gènes, des comètes étirèrent leur plan plus froids que prévu, on oxyda deux lilas trois zincs vinicoles quatre sous-régions lémuriennes afin d'étaler la soupe, on pianota on surtripa on bifluora l'aluminium trisomique et d'une parois venteuse on transmit le code humidifié, la chose assouvie qui tenait en son séisme le lendemain des ordures. Un pop-corn sauveur ! C'était Lui, Il apparaissait en sa nudité crasse et Napoli allait en voir des belles et des pas mûres, sauf que...

... la nuit frappa en douce, se répandit contre la pâleur ourse du mythe aztèque, ce fut dégendrement d'un utilité hollywoodienne, du peuple pop-cornique au détail et en masse, ce furent guerres claniques, l'on vit un cannibale à l’œilleton, les herméneutiques retroussèrent leur pli de robe et l'épée basse infiltrèrent le programme de base, on s'ingénia à freiner les cordes, à décoder l'amertume, l'usure des miroirs tint parole, ce fut conique mais l'on rit peu, des torrents de sel clamèrent les grottes fétides, les vaches roulèrent sur leurs ergots, on s'immola pour des navets puisque l'origine du pop-corn belge rempli de belgitude n'est-elle pas le feu? Au diable les herses, on s'extrapolita, on s'usuria, on se figua en long déluge, des abeilles firent ruche commune lors des grandes défragmentations, on s'aima en réseau puisque la guerre menaçait la bienséance sur ses arrières, le clans virèrent à l'éternel, il sortit de l'ombre la naissance de l'obscurité, une force additionnelle à l'oraison octogénaire, on mesure, on agrège, on ventile des hublots, il faut que l'espèce nouvelle prennent en mémoire son brouillon fondateur, allez, plop!, grisons-nous d'un psychodébut, que la grande ritournelle ouvre ses tranchées à terre, que l'on sache la vérité du deuxième monde pop-corn-cellulaire, amniosynthétique, rivale en supra-pensée nano-conduite vers ses objets sans fond. Voilà pour le mythe fondateur. Il y a à boire et à manger. Cela suffit pour quelques millénaires en somme.

Une fois bâclée la fondation, remués cieux et terres pour en dépouiller de savants brigantins, des héros naquirent durs comme fer de balancelle, élagués sur leur tripettes, fixes au sirocco, on hélera Djohnie dit Fabrizio l'eunuque, Gargouille Mnémonique du Grand-Souci, Pépé la Réglette, Aston Finca le Blues, et Type 8 ça s'Égoutte, tous pop-corniens de coeur jusqu'à plus soif, on s'étendra en crustacés, le club Djohnie arma une arnaque à désosser un colibri moqueur contre Pépé le programmé grandiose, on vit propre au tri-supra-ordonné tu ne vas jamais le battre même Kasparov, Djohnie convoqua les surfaces des rêves et les ensemença de logiciels viraux-monsanto-tu-crêves-illico-presto-même-pas-pardon à te faire pousser un poireau pouilleux sur ta face d'endormi chronique, il s'allia à Type 8 ça s'Égoutte qui, blanc comme neige, pilleur de charrues, kérosyste averti, pas un gène vaillant, pondit sa logique saillie qu'un prix Djebel n'atteindrait qu'en photo, c'est pour dire, genre, alors nos deux larrons défoirés, incapables d'attaquer d'éveil Pépé la Réglette dit le Branquignol tétraèdre, infestèrent ses songes car le jour nuit. Ils polluèrent les poubelles spatiales qui formaient la calotte glacée du rêve, de jour on ne percevait rien non plus, les intelligences artificielles n'avaient pas encore développé d'éco-consciences, on ne peut pas tout savoir, puis ça dérange pas, d’ailleurs, ordinateurs à supra-réglo-conducteurs descendaient de la même branche que le plastique et l’oxydation des génotypes. Tout puait mais nos hédonistes machines automatiques belges de pop-corn avaient omis l’invention du nez, ha ha ha ! 

On remit les tuxédos platinés au rencart, ça déboulait de partout, notre protovache tenta humidement de vêler mais ne sortit de son aération qu’un microcosme d’absolutistes micromégassiens peu enclins à la démerde, surtout le premier jour, on se comprend, ça déboulait comme on engloutit sa cervoise,  et du pop-corn, y en avait plus. On se rabattit sur les pieds de chaises onomastiques.


Fin de la première légende

Alain Raimbault

dimanche 23 avril 2017

Petit pays, de Gaël Faye (éd. Grasset)


Lu en avril 2017: Petit pays, de Gaël Faye (ed. Grasset). Tu lis cette enfance ordinaire au Burundi et tu penses à la tienne, ordinaire, avec ta famille par forcément unie, ta soeur, tes voisins, les grands et les expéditions dans les jardins aux manguiers. Et puis ça dérape parce qu’avec une mère tutsie, un père français, des voisins hutus, le Rwanda tout près en guerre et le Burundi en ébullition, l'innocence doit s’achever. Et la folie guette. Difficile de croire que nous avons là un premier roman tant l’écriture est limpide, forte, émouvante, poétique et maîtrisée. Un très très beau roman!!! J’ai adoré.


dimanche 16 avril 2017

Tropique de la violence, de Nathacha Appanah, éd. Gallimard


Tropique de la violence, de Nathacha Appanah, éd. Gallimard. Si vous pensez à Mayotte-son-soleil-ses-plages-ses-hibiscus-le-paradis, vous avez tout faux. Mayotte, c’est Gaza, un bidonville où Bruce l’enfant boss décide du soleil ou de la pluie. Mo le suit mais ne le craint pas, contrairement aux centaines d’enfants de la bande. Mo aux yeux de djinn, enfant d’un kwassa kwassa ne semble pas vivre sur la même planète et ça, ça énerve Bruce. Si Mo a une enfance blanche, son destin vire très vite au sombre. Les morts parlent, les vivants hurlent, les chiens jouent aux fantômes et ce roman, qui aurait pu s’intituler Triste tropique, envoûte le lecteur. Le paradis, c’est pour les autres. L’enfer est une île peuplée d’enfants sauvages. Ce livre m’a dévoré.  



Je trouve aussi qu'il fait le lien avec Anguille sous roche, d'Ali Zamir car le roman de cet auteur se termine dans un kwassa kwassa entre Ajouan et Mayotte et ce roman commence dans cette même embarcation entre ces deux îles. Ce roman commence où l'autre finit. Aussi, nous avons deux narrations complètement différentes, deux grandes voix originales et magnifiques. 


mardi 14 mars 2017

Rapatriés, de Néhémy Pierre-Dahomey (Seuil)

Lu en mars 2017: Rapatriés, de Néhémy Pierre-Dahomey (Seuil). J’ai adoré! Magnifique premier roman de ce jeune auteur. Belliqueuse Louissaint (en guerre contre son destin) tente de gagner la Floride à bord d’une frêle embarcation qui conduit au malheur. De retour sur terre, elle s’installe dans un nouveau quartier pour les rescapés de catastrophes, Rapatriés. Les relations avec les pères et les enfants ne vont pas de soi. Il sera question de morts violentes, d’adoption, de folie et d’amour, un peu. Ce roman éclate de vie, bouillonne de malheurs, pleure de rage, ploie sous la poésie. Un seul reproche: il est trop court. J’aurais bien aimé en lire deux ou trois cents pages de plus. J’attends le deuxième avec impatience. Merci Néhémy pour ce splendide roman!




vendredi 10 mars 2017

Anguille sous roche, d'Ali Zamir, éditions Le Tripode

Lu en février 2017: Anguille sous roche, d'Ali Zamir, éditions Le Tripode. Comme le dit la quatrième de couverture, ce roman est vraiment un miracle. Venu d'une île plutôt inconnue, Anjouan, dans l'archipel des Comores, ce roman d'une phrase est le cours de la pensée de la jeune Anguille qui ne se laisse pas faire non, non non, elle se bat, Anguille, elle résiste, elle s'affirme et même si en final de compte, la vie n'est qu'un grand mensonge, sous son masque anguilliforme, Anguille nous aura envoûtés par sa mélodie, sa poésie, ses registres de langues polyphoniques, sa détermination, sa beauté. J'ai dévoré ce livre!!! Un grand Merci à Ali Zamir pour la générosité de son écriture. Ce livre, c'est un vrai cadeau!


Le monde est mon langage, d'Alain Mabanckou (Grasset)

Lu en mars 2017: Le monde est mon langage, d'Alain Mabanckou (Grasset). En plus d'être un excellent romancier, Alain Mabanckou sait présenter la littérature d'un pays ou d'un auteur en quelques mots, et soudain tout s'éclaire. Glissant devient alors plus saisissable. Nous (moi, surtout) découvrons des auteures comme Suzanne Kala-Lobè ou Bessora. Ce sont des rencontres vraiment émouvantes et passionnantes avec Le Clézio, Sony Labou Tansi, Gary Victor ou Zéphirin Métellus dans une rue de La Nouvelle Orléans. Ce livre est réellement merveilleux car le lecteur apprend, découvre, s'émeut, sourit, et voyage en poésie. Un régal.


samedi 18 février 2017

Mark SaFranko : Putain d'Olivia / 13e note éditions, 2009

Mark SaFranko : Putain d'Olivia / 13e note éditions, 2009
(Hating Olivia, 2005)

On embarque avec « Putain d’Olivia » pour un voyage sans fond dans une Amérique industrieuse des années 70 où l’absence d’un billet vert en poche te conduit direct en enfer. Max, jeune musicien sans le sou mais aux rêves plus grands qu’un continent rencontre Livy dans un bar. Pas besoin de s’ébattre très longtemps pour comprendre que leurs corps élastiques jouent dans la même ligue, quelle que soit la position. L’idylle dure aussi longtemps que les factures sont plus ou moins payées. Après cela, une nouvelle musique se fait entendre. Trouver un job suffisant pour ne plus étouffer. Sauf que nos tourtereaux ne sont pas doués pour la routine. Cette faculté n’est pas donnée à tout le monde, pas vrai? C’est en pratiquant des activités parfois inattendues et toujours mal payées que Max tente de fuir la poisse dans laquelle il se débat. Un jour, il le sait, il finira par écrire un roman qui le conduira à la gloire éternelle. Oui, un jour. Livy, elle, au début solidaire en amour voit très vite son équilibre vaciller. Elle rue dans les brancards. Elle cherche une solution bien à elle, bruyante, violente, pour sortir de l’impasse. Sa vie ne mène à rien. Incapables de se quitter, Max, le narrateur, et Livy, la belle au passé mystérieux et torturé, forcément, se déchirent en technicolor dans leur minable appartement.
Le roman carbure à mille miles à l’heure, ponctué de scènes sulfureuses où le corps, cet animal de base, a ses raisons que la raison n’entend pas, vraiment pas. Une langue vive, orale, offre une proximité immédiate entre le narrateur et le lecteur. Pas de chichi. Les actes sont nommés, les lieux décrits dans leur apparente simplicité, les actions s’enchaînent chronologiquement et l’on craint que la mort ne soit la seule issue. On boit, on fume, on lit, on baise, on glande, on bâfre, on turbine et on consomme compulsivement. Roman fascinant car il décrit en détail nos angoisses d’artiste raté et les compromis aliénants dans lesquels nous nous vautrons afin d’esquiver nos propres démons. Du vécu à l’état cru.   


Alain Raimbault

Aucun texte alternatif disponible.Hating Olivia by Mark SaFranko

mercredi 20 avril 2016

Nuit debout 20 avril 2016

Nuit Debout

Aujourd'hui, mon opinion dans le journal Métro de Montréal
Nuit debout
Après une manifestation contre la «loi Travail» en France, des gens de tous les horizons se réunissent sur les places publiques afin de libérer la parole, de s’exprimer simplement en public sur des enjeux de société. Le mouvement, je pense, va se développer aussi à Montréal et dans tout le Québec. Pourquoi? Parce que le discours politique est contrôlé par les partis. Un parti politique pour lequel je vote ne véhicule pas mes idées à 100 %. Il reste une part importante de mes opinions qui n’est pas véhiculée, discutée dans les parlements. Lors du formidable printemps érable, ce fut une éclosion merveilleuse d’idées, d’expressions, de rencontres, de créations, de contestations. Nuit debout remplit une fonction essentielle de rencontre et d’échanges pour toute communauté dans un endroit matériel, physique, humain. Les médias électroniques ne peuvent remplacer la vraie rencontre. Je prédis et je souhaite un vaste mouvement pacifique d’échange d’idées sur la place publique.
Parce qu’il est important de poursuivre le dialogue entre nous.

samedi 24 octobre 2015

Poème J'invente


Poème

https://www.youtube.com/watch?v=Qo1_njDTc5E

J'invente - d' Alain Raimbault lu par Yvon Jean Radio Centre-Ville :www.radiocentreville.com/
 ce 23 octobre 2015. 
Un grand MERCI à l'ami poète Yvon Jean


J'invente mes visions
je prends le temps pour mes passions
la ville blanche se consumme
par tous les stades qui m'allument
ni vent ni inventeur ni inventaire
je vois pour ne plus taire
je prends ce qui se tait
ni la vie ni la Terre
ne m'attachent
ce temps qui colle à tout
me livre comme on lâche
prisonnier en raison
ma cavale est révision
tout vu pour la première fois
je dis comme on se voit
j'invente mes divisions
armées de dérision
j'invente
j'inventaire

Alain Raimbault 

dimanche 23 août 2015

Ulan Bator, de Richard Tabbi, éditions du Riez, 304 pages, 2015. Préface de Ludovic Lavaissière

          Ulan Bator, de Richard Tabbi, éditions du Riez, 304 pages, 2015. Préface de Ludovic Lavaissière



      Après l’alcoolique et jouissif Zombie Planète publié chez Mango et la psychédélique entourloupe havraise de Moi & ce diable de blues écrit avec son ombre éclectique j’ai nommé Ludovic Lavaissière qui est ici l’auteur de la préface, Richard Tabbi en remet une couche, toujours aux Éditions du Riez. Ulan Bator est un road movie collant, indélébile, qui vous prend au mental et qu’on ne peut lâcher sans avoir des restes de glue Uhu© séchés par endroit entre les neurones. Pas facile de se faire courser par des caïds mongols, Mastic et Bleu Pétrole, déconcentrés par des sextoys pour androïde, quand tu traînes ton bébé Tom sur le dos et qu’Asako, ton top model japonais de femme t’appelle sans cesse lors de sa tournée internationale d’artiste célèbre afin de  te faire prendre conscience de ta folie grave. Tu cours, tu flingues, tu te tires des griffes des russoïdes mafieux en visant juste, la balade du zoo de Moscou est à ce sujet un passage d’anthologie. Tu picoles juste ce qu’il faut entre deux météorites et les monastères slaves peuplés de commandos monastiques martiaux ne sont plus, mais alors plus du tout ce qu’ils auraient dû être. Un vrai régal qui, en plus du délire kérouacquesque, réside dans les descriptions. Notre halluciné héros Solo Aggrigente, renommé selon les doses intra sanguines de matières plus ou moins venimeuses en Hotchkiss Baïkonour, auteur des aventures de Roméo Tartarski et de Jéricho Tête-de-Mouche, notre héros donc rencontre de merveilleux personnages comme  (page 194)  «… deux lesbiennes enrichies par les aberrations du Marché de l’Art Contemporain, et (…) un couple stressé malgré l’affichage cool qui clignotait… » Plus loin, (pages 243-244-245) « Un type… portait des lunettes à quadruple foyer et des chaussons à l’effigie de Spiderman. » Sa femme « … arborait une permanente plastifiée auburn et une blouse bleue élimée sur des bas couleur chair. » De temps à autre, un mort, un Alien, Sigourney Weaver, Harald Kamsün et une citation du fameux Herman Klausevitz parce que la mort sans sexe manque terriblement de saveur, n’est-ce pas? (page 279): « Je branchai les fils, mais la saloperie ne voulait pas redémarrer. J’ouvris sa poitrine, cherchant la cause du faux contact, englué de sang synthétique. Ses yeux opaques reflétaient le néant, mais j’en avais rien à foutre, de ses yeux. Tandis que ma bite durcissait encore je transpirais en m’efforçant de trouver la panne qui paralysait cette pute androïde qui m’avait lâché en pleine fellation alors même que je m’apprêtais à jouir. »
            Encore une fois, ce roman épique à la liberté de ton totale est un véritable enchantement. C’est drôle, acide, grinçant, polluant, hallucinogène, prophétique, déjanté et généreux. Richard Tabbi nous en donne plein les mirettes. Ses mots vont beaucoup plus loin que le lecteur. C’est merveilleux et magistral. OK, j’arrête, mais je vais relire, c’est sûr.

http://www.editionsduriez.fr/boutique/nouveautes/ulan-bator/  


                                                                                                                      Alain Raimbault    

samedi 9 mai 2015

Journal Métro de Montréal fin avril 2015

Voici trois photos que j"ai prises publiées sur le site du journal Métro de Montréal le 24 avril 2015

http://journalmetro.com/dossiers/mon-scoop/763140/exposition-desaparecidos/#



À l’UQAM, on peut voir une exposition attirant l’attention sur les 43 étudiants disparus au Mexique en septembre dernier.

http://journalmetro.com/dossiers/mon-scoop/763135/demonstration-de-danse-de-rue-a-berri-uqam/ 



Jeudi soir, une démonstration de danse de rue a eu lieu à la station de métro Berri-UQAM.

http://journalmetro.com/dossiers/mon-scoop/763131/autobus-en-feu-sur-lechangeur-turcot/

lundi 26 janvier 2015

Dieu bénisse l'Amérique, de Mark SaFranko. critique

En janvier 2015, j'ai eu le bonheur de lire ce livre et voici ma critique, que Mark a lue, ainsi que Karine, la traductrice. Les médias sociaux, c'est extraordinaires, quand même.

http://www.aubarfly.com/tim-lobster-a-lu-dieu-benisse-lamerique-de-mark-safranko/

Dieu bénisse l'Amérique, de Mark SaFranKo


Mark SaFranko


Mark SaFranKo, Dieu bénisse l’Amérique, 13e note éditions, Paris, 2012, excellemment traduit de l’anglais (États-Unis) par Karine Lalechère

L’alter ego de l’auteur, Max Zajack nous raconte sa jeunesse dans une famille pauvre d’émigrés polonais, quelque part en Amérique, côte est. Années 50, début 60, la pauvreté ressemble à une malédiction héréditaire. Le père de Max, Jake, enchaîne les petits boulots de crève-la-faim jusqu’à devenir pompier. Si l’on espère une amélioration de la situation familiale, on a tout faux. L’espoir n’est pas de mise. La misère crasse reste la même. Dans une société de classes comme celle des États-Unis d’après-guerre, aucune élévation de quelque sorte n’est possible. Bien au contraire. Jake se sent impuissant contre le sort qui s’acharne sur lui alors comme un rat en cage, il enrage et mord tout ce qui l’approche. Il cherche des coupables car il se dit victime d’un système qui le dépasse. Des coupables? Ce sont les Noirs, les « bamboulas… responsables de tous les maux de la Terre. » En plus d’être raciste, Jake est violent. Max reçoit des raclées environ toutes les dix pages, soit par son paternel, soit par ses camarades de classes prêts à t’estourbir ou à te brûler vif pour un regard de travers, soit par ses institutrices catholique qui répandent l’amour de Dieu à coups de torgnoles et de chicotte, soit par les gangs de rue que Max a le malheur de croiser. Quand ce n’est pas sa mère qui l’assomme en public ou le coiffeur qui lui plante sa paire de ciseaux dans le cou en clamsant raide net devant lui. Max, il n’a pas de chance.
Il grandit dans un monde apocalyptique peuplé de fous (sa mère Bash, l’oncle Henry, dans la rue, les voisins, au travail, les cinglés sont partout), de criminels (ses amis, ses collègues), de pédophiles et de demeurés bouseux (voir la rencontre familiale au Canada chez des éleveurs de porcs dont tous ne sont pas doués de la parole…). Les relations de Max avec les femmes, possible source d’espoir, relèvent du fiasco. Lorsqu’il se fait passer pour un membre du FBI afin de peloter la belle Sandy, la police lui tombe sur le paletot et la Mafia menace de l’éliminer. Les femmes, c’est dangereux.
            Ce livre se dévore comme on assiste en voyeur à une série d’accidents de la route, voire à une longue séance de torture. L’unique bouée de sauvetage est l’humour, seule distance possible entre la vie et le narrateur. Par exemple, lorsque son ami Joey lui explique la mécanique du sexe : « Tu plaçais ta bite à côté de celle de la fille… vous les frottiez l’une contre l’autre et au final, on obtenait un bébé. » Peu avant cette explication, le narrateur avait précisé : « Plus tard, je devais me rendre compte que sa théorie comportait quelques faiblesses. » Faiblesses ou pas, le sexe conduit toujours à la catastrophe.
            Pas besoin d’être sorti de la cuisse de Jupiter pour comprendre que contrairement au titre, Dieu à maudit l’Amérique. Comment poursuivre le bonheur quand le destin du peuple ouvrier est joué d’avance? Le rêve américain, c’est d’éviter de mourir trop vite. Et ce n’est pas joué d’avance. Quand tu ne meurs pas de faim ou de maladies transmises par les souris, les rats, les poux et la vermine, quand tu ne te suicides pas, quand tu survis à divers accidents plus scabreux les uns que les autres, quand on ne t’assomme pas ou quand tu ne te prends pas une balle perdue, le pays a toujours la possibilité de t’envoyer te faire tuer dans le Pacifique ou au Viet-Nam. Et l’avenir, dans tout ça? Max rêve d’une gigantesque explosion nucléaire qui règlerait ses problèmes.
            Dans sa post-face, l’éditeur Zslot Alapi affirme : « Le monde littéraire devrait avoir peur de ce roman… » et il a tout à fait raison car cette fiction secoue profondément le lecteur. Mark SaFranKo fait plus que du vrai et du beau genre Baudelaire, il frappe là où ça fait mal, à l’humain de base. Il torpille à jamais le roman d’apprentissage. La prose de SaFranKo, c’est du Zola désespéré qui a lu Bukowski, Fante et Carver. J’en suis resté estourbi.  


            Alain Raimbault