vendredi 4 janvier 2019

Dana Stabenow: La mémoire sous la glace

Dana Stabenow: La mémoire sous la glace (Une enquête de Kate Shugak) éd. Delpierre/Milady Thriller, traduction de Jean-Daniel Brèque

L’Alaska, c’est pas ça. D’abord, on y meurt par centaines à cause de la mort noire (la grippe espagnole, vous vous en souvenez?), puis passent la seconde guerre mondiale dans les Aléoutiennes, et le tremblement de terre suivi du tsunami en 1964. Il y a quand même la pêche, la ruée vers l’or, le pétrole et les immigrants. Au milieu de ces joyeux souvenirs (façon de parler), on trouve entre autres les Aléoutes, les Tinglits et les Eyaks qui tentent de sauver ce qu’il reste de leurs cultures ancestrales. Justement, lors d’un potlatch post-maudite-grippe-espagnole, le triptyque de la tribu est volé. Bon, presque un siècle plus tard décède Old Sam (né Samuel Leviticus Dementieff) qui demande par testament à sa nièce Kate, son héritière principale, de retrouver son père. Commence alors un sinistre jeu de piste pour la pauvre Kate qui, à force questionner les anciens de la tribu pour reconstituer le passé, va soulever une tempête qui va s’abattre sur sa pauvre tête, qu’elle a ford solide et bariolée. Heureusement, elle est secondée par son fidèle loup-chien Mutt qui mord plus vite qu’il ne respire. Ça peut toujours aider quand tu traînes (presque) seule au fond du Parc en plein hiver. Depuis que Old Sam est mort, tout le monde veut faire la peau à notre énergique enquêteuse. Mais pourquoi? Qu’est-ce que Old Sam du fond de ses ténèbres veut qu’elle retrouve? Son père à lui? Parce que Quinto Dementieff ne serait pas son vrai père? Le triptyque volé en 1918? Un livre? Quoi? Plus l’enquête avance et plus Kate rencontre d’opposition. Mais qui dérange-t-elle? Et pourquoi? Pas facile, non. Pas facile.

C’est un polar lent plutôt ethnologique et passionnant, dans la veine de ceux de Tony Hillerman, que j’adore. Kate est une femme décidée, robuste, à l’épreuve du froid. Elle est capable de faire 80 km par moins 25 degrés en motoneige sans sourciller. L’Alaska, c’est pas pour les demi portions. Les détails sur la vie quotidiennes sont si nombreux et si précis qu’on s’y croit. En plus d’être pris par l’enquête, je découvre une histoire de l’Alaska d’une immense richesse. Je découvre surtout l’histoire des Aléoutes qui ont vraiment très mal traversé la guerre. Je ne connaissais rien de la catastrophe de 1964. Et je comprends mieux le développement de ce territoire devenu État en 1959. Enfin, la présence de Dashiell Hammett avec les troupes en Alaska pendant la seconde guerre mondiale (comme Gore Vidal) est une révélation. Comme quoi, on apprend plein de vérités dans les romans. J’en lirai d’autres. Cette formidable Dana Stabenow en a écrit une vingtaine.





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