vendredi 15 mars 2019

Dérangé que je suis, d’Ali Zamir



Livre lu en mars 2019: Dérangé que je suis, d’Ali Zamir, éd. Le Tripode

Dérangé, un pauvre docker parmi les pauvres dockers sur le port international Ahmed-Abdallah-Abderamane de Mutsamudu (sur Anjouan, dans l’archipel des Comores), gagne sa vie en tirant son chariot à bras rempli des marchandises que les navires déversent chaque matin. La lutte est féroce pour obtenir un chargement, le salaire misérable. Un jour, Dérangé est remarqué par une femme sublime. Pas fou pour deux sous, il tente de l’éviter car il a bien conscience que le mélange des classes sociales risque de provoquer des étincelles. Il y a des choses qui ne se font pas. Entretemps, les 3 dockers PiPiPi, Pirate, Pistolet et Pitié qui s’entendent comme larrons en foire le provoquent en un duel inattendu…

L’histoire est enlevante. On suit Dérangé jusqu’à l’essoufflement, il nous tient, le bougre. On l’aime dès le début car il est le plus honnête, le plus sympathique et le plus noble de l’histoire. C’est le chevalier au chariot à bras. Chrétien de Troyes n’aurait pu mieux dire, Cervantès non plus, d’ailleurs. La langue surtout est magnifique. C’est du Rabelais qui aurait croisé Diderot un soir de grande ribote. Un pur plaisir. Une élégance folle. Enfin, il y a du Jack London dans l’affaire car le message social est clair. Un pauvre docker écrasé par la machine capitaliste, on n’aime pas ça, non. Le lecteur crie à l’injustice. Dérangé est tellement pauvre qu’il n’a ni nom, ni prénom. 

Pour rester dans les références, j’ai tout de suite pensé aux djobeurs du marché de Fort-de-France dans la Chronique des sept misères du grand Patrick Chamoiseau. Même ambiance, même peuple ouvrier, et cette langue unique, magique. Je souhaite à Ali Zamir le même destin littéraire que celui que connaît l’admirable auteur martiniquais. J’ai également pensé à Don Quijote de la Mancha car en matière de dérangement, il en tient une couche. Et je pense encore que la juste comparaison pour notre jeune auteur n’est pas Pagnol comme le claironne la publicité mais García Marquez. Il révolutionne la littérature. Attention, Ali Zamir, c’est un artiste. 

Enfin, j’ai adoré Dérangé, comme j’ai adoré Anguille sous roche, et Mon étincelle, tous trois chez 
Le Tripode. Je les recommande vivement, on l’aura compris. Merci, cher Ali! Merci!!! 

Alain Raimbault, 15 mars 2019

L’image contient peut-être : arbre, ciel, plein air et nature







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