mardi 24 juillet 2018

Luke McCallin : L'homme de Berlin

Lu en juillet 2018: Luke McCallin : L'homme de Berlin, éd. Folio policier

En mai 1943, Sarajevo est occupée par les Allemands depuis deux ans. La situation politique est un vrai sac de noeuds car en plus des rivalités habituelles entres Serbes, Croates, chrétiens orthodoxes et musulmans, la guerre est arrivée, comportant son lot supplémentaire d'atrocités. En Croatie, avec la bénédiction des Allemands, les oustachis fascistes massacrent Serbes,  Juifs et Tziganes sans retenue. Une autre force politique est celle des tchetniks, formée par des nationalistes Serbes, mais qui manque d’unité. Certains membres combattront contre les Allemands et les Italiens leurs alliés, d’autres aideront les nazis. Tout en commettant également des atrocités contre des Croates et des musulmans. Ce n’est pas tout. Souvenons nous de Tito. La dernières force politique, et non des moindres est celle des Partisans, multiethnique, d’obédience communiste, LA résistance contre l’occupation allemande et italienne. Au milieu de cette situation complexe excellemment rendue par l’auteur, un meurtre est commis. Disons, deux. Au même endroit. Pourquoi enquêter pour deux morts supplémentaires en pleine saisons de massacres? Parce que l’un est officier de renseignement militaire (de l’Abwehr), le lieutenant Hendel. L’autre est la célèbre journaliste oustachi Marija Vukic. Gregor Reinhardt, un ancien de la Kripo (police de Berlin) revenu sous les drapeaux dans le renseignement lui aussi afin d’éviter de travailler directement pour les nazis mène l’enquête. Mais là aussi sa position est très délicate car il ne doit pas gêner la Wehrmacht (armée) en pleine préparation d’une opération contre les Partisans. En effet, comme il a découvert les attirances sexuelles de Marija Vukic pour les hauts gradés, il soupçonne l’un d’eux d’avoir commis ces deux meurtres. Afin d'étouffer l’affaire, sa hiérarchie lui cache des informations et la police militaire ( la Feldgendarmerie) lui met des bâtons dans les roues. De plus, la police civile de Sarajevo désire inventer un coupable parfait, partisan communiste par exemple, pour expédier l’enquête sur la mort de la journaliste. Mais Reinhart ne va pas se laisser faire. Que nenni! Lui, l’ancien de 14-18, l’ex-policier de la Kripo a des principes: la vérité doit éclater. Quitte à y laisser des plumes.
Ce roman limpide, intelligent, didactique est une plongée dans un autre monde. Un dépaysement total dû à la complexité de la situation dans des Balkans désespérément en guerre. Gregor Reinhardt tente de rester le plus professionnel possible, sans montrer d’émotion, en s’en tenant à la logique, aux observations, à l’intuition, mais cela ne suffit pas. L’ex-policier ne doit pas renier ses propres convictions. Il est, en fin de compte, à la recherche de lui-même, de sa propre vérité.

Forcément, en lisant ce formidable roman, j’ai souvent pensé à la guerre en ex-Yougoslavie des années 90 où d’anciennes divisions ethniques menèrent au siège de Sarajevo et à un génocide. Je regardais impuissant ces événements à la télévision, quand j’habitais en France, et je ne comprenais pas pourquoi de tels événements se produisaient, et pourquoi personne (l’ONU, l’OTAN ou une alliance de pays européens par exemple) n’y mettait fin au plus vite. Ce roman m’aide un peu à comprendre que les événements des années 90 ont leurs racines dans les années 30 et 40.

Enfin, sur une note plus légère, j’ai lu ce livre qui se situe en Croatie en pleine Coupe du Monde de Football que la France a gagné contre… une formidable équipe de Croatie qui m’a ébloui depuis son premier match.



(J'ai envoyé cette critique à l'auteur et en juillet ou août 2018, il m'a répondu:


Cher Alain. Merci pour cette critique détaillée et généreuse. J’espère que vous trouverez autant de plaisir a continuer à côté de Reinhardt dans les romans qui suivent. Tenez moi au courant de vos voyages dans le temps! Très amicalement. Luke McCallin


N'est-il pas formidable, cet auteur?!

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