jeudi 21 février 2019

Bref journal arctique (5)

Bref journal arctique (5) Jeudi 21 février 2019, Montréal

Hier matin, mercredi, j'ai pris le petit déjeuner avec Maurice à l’hôtel. C’est l’organisation (Qanirraqtit 2019) qui m’invite qui m’offre absolument tous les repas, à mon hôtel. C’est formidable. Je suis traité comme un roi. Puis je suis sorti. Très froid mais moins de vent que la veille, grand soleil. Je suis descendu jusqu’à la mer car cette glace a quelque chose de fascinant. Juste un bref aller-retour puis je suis allé donner mon atelier d’écriture à l’école Inuksuk salle C19. Impeccable. Ont participé Caroline, Simon, François et Maurice. Vers la fin, une madame est venue m’écouter aussi. Puis je suis retourné à l’hôtel, j’ai mangé avec Maurice, qui m’a raccompagné à l’aéroport. Grand soleil. J’ai finalement pu acheter mes cartes-postales, et les écrire à l’aéroport. Je les enverrai demain de Montréal. Dans l’avion, c’était féérique de survoler cette île de Baffin, montagneuse, blanche, grandiose. Et la baie d’Ungava glacée, dans le coucher de soleil. Brève escale à Kuujjuaq, où je reste dans l’avion, puis Montréal. Un enseignant de Clyde River avec qui j’ai mangé plusieurs fois, je n’allais pas manger seul au mileu de 150 enseignants tout de même, a dit que l’arrivée en avion à Arctic Bay était magnifique. Arctic Bay, donc. Faudrait y jeter un oeil...

Quel voyage, mes amis! Quel voyage!  

Je vais écrire un petit article pour le Nunavoix.
Le Nunavoix est le journal de l'association des francophones du Nunavut.
site: Nunavoix

Voici l'article original, le brouillon disons.:
J’enseigne le français langue seconde dans une école secondaire publique à Montréal. J’ai eu le privilège d’être invité à participer à Qanirraqtit 2019 organisée à Iqaluit par l’association des enseignants du Nunavut car en plus d’enseigner, j’ai la passion de l’écriture en général et de l’histoire en particulier. J’ai donc eu le plaisir de présenter les relations du Capitaine Bernier (1852-1934) avec les Inuits au début du XXe siècle et de donner un atelier d’écriture à des collègues francophones à l’école Inuksuk en février. Cela pourrait sembler ordinaire, un enseignant qui  parle à des enseignants. Hors, cela ne l’était vraiment pas car c’était ma première fois en Arctique. Je suis né en France, j’ai grandi au soleil de la Méditerranée, j’ai émigré en Nouvelle-Écosse en 1998 pour finir par m’installer rive sud de Montréal en 2011. Le plus au nord où j’étais allé dans ma vie, je crois bien que c’est Mont Tremblant, à quelques kilomètres de Montréal. L’Arctique, je l’ai vécu en rêve depuis des décennies. J’ai admiré des photos, j’ai vu quelques films, j’ai lu des livres, comme tout le monde. J’ai découvert avec fascination l’art inuit en 1998, puis j’ai fréquenté des galeries d’art, j’ai acheté les catalogues d’expositions des différentes communautés artistiques et quelques oeuvres. Aussi, les seuls Inuits que je croise régulièrement depuis 2011, c’est bien triste à dire mais c’est hélas la réalité, ce sont ceux qui vivent dans la rue à Montréal. Alors imaginez le choc lorsque j’ai survolé l’océan glacé et que je me suis posé sur cette terre de roche et de glace, sans arbre! Un dépaysement total. Une autre planète. Et ce froid! À Montréal, quand il fait -7° C, j’hésite à sortir. Je descends de l’avion à Iqaluit: -27° C! Bon, c’est froid. Le lendemain -30° C, ressentie -47° C à cause d’un vent infernal. Comment l’être humain réussit-il à survivre dans un tel froid? Il s’adapte, semble-t-il. J’ai froid mais cela ne m’empêche pas de marcher en ville. Les maisons sont sur pilotis, comme si la terre ne les voulait pas, comme si elle les repoussait. Une impression. Des tuyaux passent de-ci de-là. Des skidoos foncent en tous sens. Les taxis circulent beau temps mauvais temps. Aussi, un camion citerne tourne toujours ici ou là. Mais en-dehors de la ville, existe-t-il des routes? Il y en a même une qui ne mène officiellement nulle part! Et puis des gens marchent, face au vent, décidés. La vie suit son cours malgré la météo. Je découvre Iqaluit avec des yeux qui n’avaient jamais vu. Ce paysage blanc, tout en nuances, la baie de Frobisher solide, le soleil blanc lui aussi,  trop bas à l’horizon, un univers minéral où l’eau est transformée en roche. Grandiose! Sublime! Où suis-je? Plus sur Terre, c’est certain. Pas loin de Mars, alors. Les Inuits, lorsque je m’approche, je comprends qu’ils parlent inuktitut entre eux. Parfois ils alternent avec l’anglais. Ils ont préservé leur langue. L’affichage public est bilingue, voire trilingue, Cela me réjouit. Si je compare avec la situation du micmac en Nouvelle-Écosse, l’inuktitut est bien mieux loti. Une scène surréaliste pour moi dans l’agora de l’école Inuksuk: cinq dames, dont deux aînées nettoient la peau avec leur ulu  (couteau traditionnel) d’un ours tué deux jours plus tôt à 65 miles d’Iqaluit (j’ai posé la question). Elles frottent la peau lentement, méticuleusement tout en se parlant en inuktitut. Je n’avais jamais assisté à une telle scène de ma vie. Surtout dans une école. Cependant je le comprends car c’est un lieu de transmission de culture. Aussi, j’ai constaté une grande présence de l’art inuit, soit dans des points de ventes bien sûr, soit parce que les murs de certains édifices exposent des gravures (superbes!), soit parce que les Blancs en parlent, oui, tous les jours j’ai entendu parler d’art inuit, soit parce que les sculpteurs proposent leurs oeuvres eux-mêmes sans intermédiaire à d’éventuels acheteurs. L’art est également dans la façon de se vêtir. Ainsi les femmes portent de magnifiques manteaux avec un grand capuchon et parfois un bébé dedans. Les gants et les bottes en peau d’animaux sont superbes également. Dernière observation: la majorité des enseignants du Nunavut présents à cette réunion sont des hommes, contrairement au milieu de l’éducation plus au sud du Canada dans lequel je vis, entouré de femmes, même au niveau secondaire. Maurice Lamothe qui m’a si généreusement accueilli à Iqaluit, dans son école, m’a avoué que le Nord est un monde dur. Quoi qu’il en soit, c’est un monde fascinant où je reviendrai avec grand plaisir à la première occasion. Et j’achèterai avant un long manteau fait pour résister à -60° C. En conclusion, un seul mot: Nakurmiik !!!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire