dimanche 3 février 2019

Pluie noire, de Masuji Ibuse

Pluie noire, de Masuji Ibuse (Folio)

Shigematsu a du mal à marier sa nièce Yasuko, après la guerre, car une rumeur dit qu’elle a été atomisée. Afin de convaincre tout prétendant que c’est faux, il décide de recopier son journal intime à elle, pour prouver qu’elle était loin d’Hiroshima lorsque la bombe a éclaté. Il en profite pour recopier le sien aussi. Lui, Shigematsu, il n’a été brûlé qu’à la joue. Ce roman est donc une suite de témoignages terribles sur l’instant de l’explosion et ses horribles conséquences. Le lecteur se retrouve témoin du moment de l’explosion de cette arme nouvelle, de ce “pikadon”, de cette chose incompréhensible qui est tombée du ciel dans une grande lumière le 6 août 1945 et qui a brûlé l’extérieur mais aussi l’intérieur des victimes. Et qui contamine ceux qui s’approchent des victimes. Nous sommes sous la bombe selon plusieurs points de vue car le roman propose plusieurs journaux intimes. Nous accompagnons Shigematsu dans sa fuite loin d’Hiroshima ce 6 août. Comme la zone est une série d’îles, il faut trouver un pont au milieu de la foule des blessés, enjamber les cadavres, éviter l’incendie, survivre à la soif. Shigematsu a de la chance dans son malheur, il n’est que brûlé à la joue, mais la description des blessés et des morts est pire que l’apocalypse. Les jours qui suivent l’explosion sont d’une horreur absolue. On continue de mourir partout dans une puanteur épouvantable. Les cadavres sont brûlés comme on peut sur les bords des rivières. Les rares médecins ne savent pas quoi donner aux victimes car c’est la guerre et la pénurie sévit. De plus, les blessures sont nouvelles. Les brûlures sont compréhensibles mais pas les furoncles putrescents qui se remplissent de vers, les boutons qui apparaissent sur le crâne ni les douleurs internes. Les médecins vont également mourir irradiés. Shigematsu retrouve son travail à l’usine dans les faubourgs d’Hiroshima et tente de trouver du charbon pour la faire fonctionner pendant qu’on meurt sans cesse ou qu’on agonise tout autour de lui. Yasuko, symbole d’innocence, qui semblait indemne au début du roman, va bien sûr connaître des jours sombres.


Ce roman décrit un peu la vie quotidienne au Japon pendant la guerre, sous un régime militaire qui ne souffre aucune critique. Les gens se nourrissent de faibles rations et vivotent grâce au marché noir. Été 45, les Américains sont maîtres du ciel, le peuple se demande ce qui va advenir de pire après l’explosion d’Hiroshima, et celle de Nagasaki 3 jours plus tard. Sera-ce la fin du peuple japonais? La bataille finale sur la terre ancestrale qui entraînera des millions de morts va-t-elle commencer? Ce roman dénonce aussi le fait que les victimes furent discriminées pendant des années après les deux explosions.

Ce que le gouvernement japonais a tenté de cacher à la population, parce que les Américains qui occupaient le Japon l’ordonnaient, c’est à dire les conséquences de l’explosion des deux bombes nucléaires sur son sol, l’irradiation, Masuji Ibuse le révèle dans ce roman (publié en 1965) essentiel hurlant de vérité. Pour lecteur ayant l’estomac bien accroché.  




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