dimanche 25 octobre 2020

“Une guillotine dans un train de nuit”, de Jean-François Samlong



Lu: “Une guillotine dans un train de nuit”, de Jean-François Samlong, éd. Gallimard coll. Continents noirs

Je viens de lire un excellent roman policier. L’éditeur s’est seulement trompé de collection. Il aurait dû le publier en Série Noire. Humble avis. Le titre annonce la fin. Le lecteur comprend que le coupable va être coupé. Pourquoi ? Qui est-il? Réponse page 19: “... on voyait qu’il était un homme à fasciner la foule qui se berçait de l’espérance de vivre plus dignement demain.” Il s’appelle Sitarane, un surnom. Nous sommes sur l’île de la Réunion en 1909, ancienne colonie française où l’esclavage n’a pas été aboli depuis tant de d’années que ça. Les traîne la misère se cachent dans l’arrière pays. Sitarane se terre dans une grotte. Pourquoi va-t-il sombrer dans la violence, assassiner ? La raison est annoncée dès le début: pour recouvrer un semblant de dignité, et pour se venger personnellement des humiliations réelles et symboliques vécues depuis toujours. En faisant trembler de peur les bonnes gens qui ont du bien, il incarne la revanche des humiliés. Sitarane est un peu le chef d’une troupe de guérilleros a-politiques et sanguinaires, une sorte de nègre marron satanique. Il fait le mal la nuit, il assassine, il pille, il brûle les chaumières. Bien sûr, l’ordre colonial… pardon, la justice française ne peut tolérer cette rébellion, ce désordre. Elle envoie la gendarmerie et… Bon, j’ai menti. Ce n’est pas un simple roman policier. C’est l’origine d’une légende. Sitarane, né au Mozambique, devient après sa mort un esprit du mal, bien présent aujourd’hui. Il a perdu la tête mais pas l’esprit qui continue de rôder, la nuit, autour des chaumières, sur les chemins de campagne. L’histoire est passionnante. L’auteur prend le temps de nous éclairer sur les tourments viscéraux qu'endurent les protagonistes. En fait, la plus grande coupable dans l’affaire n’est-elle pas l’Histoire elle-même? Sitarane n’est-il pas un héros de roman naturaliste, à la Zola? C’est presque la même époque. Il serait devenu criminel par la force des choses, malgré lui, à cause de son mauvais génie le sorcier Saint-Ange qui le pousse à tuer, à cause de la pauvreté dont il a hérité dès sa naissance et dans laquelle il est maintenu par la société, enfin à cause de son tempérament incontrôlable. Face à la justice, il n’a aucune chance. Il est condamné d’avance, par les préjugés et le racisme ambiant.
Jean-François Samlong écrit rudement bien. J’ai été ébloui par sa verve, bien souvent j’ai vogué entre les tout-mondes de Patrick Chamoiseau et le réalisme merveilleux de Gabriel Garcia Marquez. Je suis à la Réunion en 1909 et je sens la nature si bellement nommée, je vous laisse découvrir, bruisser. Très beau.





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