jeudi 10 janvier 2019

Boréal, de Sonja Delzongle

Affamé de lectures, j’ai dévoré Boréal, de Sonja Delzongle (éd. Denoël) dans mon glacial et nocturne hiver québécois. Sur la base ARCTICA, dans la région de Thulé, au Groenland, quelques scientifiques internationaux étudient ce qu’on étudie de nuit au Groenland: La glace, les roches. Dès le départ, le groupe fait une bien étrange découverte. Afin d’être éclairé, Fergusson, le chef danois du groupe  fait appel à LA spécialiste de ce genre de mystère, la norvégienne Luv Svendsen qui se cache parce qu’on a déjà essayé de l’assassiner alors qu’elle était enceinte (de sa deuxième fille). Mais non, raté pour l’instant. Elle décide, après un détour par Londres où sa fille qu’elle a abandonnée (sa première) vient de se faire méchamment renverser dans la rue, d’y aller. Elle n’aurait vraiment pas dû. Vraiment pas. Quand elle se pointe, ça se passe plutôt mal, et bien sûr les choses empirent, et pas qu’un peu!

J’ai adoré ce quatrième livre (que je lis) de Sonja. J’ai retrouvé un peu l’univers apocalyptique (dans la poudreuse) de son premier (Dust). C’était magique. C’est plus noir que la nuit, c’est effrayant à chaque seconde, je n’ai pas arrêté de trembler. Là aussi, si on cherche des renseignements sur la beauté, le charme, l’exotisme de la culture inuit, faut aller voir ailleurs. En mode survie, la nature ne donne pas dans la poésie. L’adorable leçon que je retire de ce conte philosophique est: on va tous crever!

Enfin, j’ai été un peu triste de ne pas retrouver ma profileuse préférée Hannah Baxter. J’espère que Sonja songera à me la tirer de sa natale Bretagne pour lui faire vivre un nouvel enfer. Parce que les auteur(e)s de polars n’ont que cela en tête: (c’est Thierry Jonquet qui m’a avoué cela un jour, à Poitiers) comment tuer ses personnages, et pourquoi les tuer? La bonne nouvelle, c’est que j’ai appris hier sur le réseau visagelivre que notre chère Sonja Delzongle va sortir un nouveau polar! Ouiii ! Ô joie! Il s’intitule Cataractes!!! (Je suis sûr qu’il va encore m’en mettre plein la vue!)



vendredi 4 janvier 2019

Dana Stabenow: La mémoire sous la glace

Dana Stabenow: La mémoire sous la glace (Une enquête de Kate Shugak) éd. Delpierre/Milady Thriller, traduction de Jean-Daniel Brèque

L’Alaska, c’est pas ça. D’abord, on y meurt par centaines à cause de la mort noire (la grippe espagnole, vous vous en souvenez?), puis passent la seconde guerre mondiale dans les Aléoutiennes, et le tremblement de terre suivi du tsunami en 1964. Il y a quand même la pêche, la ruée vers l’or, le pétrole et les immigrants. Au milieu de ces joyeux souvenirs (façon de parler), on trouve entre autres les Aléoutes, les Tinglits et les Eyaks qui tentent de sauver ce qu’il reste de leurs cultures ancestrales. Justement, lors d’un potlatch post-maudite-grippe-espagnole, le triptyque de la tribu est volé. Bon, presque un siècle plus tard décède Old Sam (né Samuel Leviticus Dementieff) qui demande par testament à sa nièce Kate, son héritière principale, de retrouver son père. Commence alors un sinistre jeu de piste pour la pauvre Kate qui, à force questionner les anciens de la tribu pour reconstituer le passé, va soulever une tempête qui va s’abattre sur sa pauvre tête, qu’elle a ford solide et bariolée. Heureusement, elle est secondée par son fidèle loup-chien Mutt qui mord plus vite qu’il ne respire. Ça peut toujours aider quand tu traînes (presque) seule au fond du Parc en plein hiver. Depuis que Old Sam est mort, tout le monde veut faire la peau à notre énergique enquêteuse. Mais pourquoi? Qu’est-ce que Old Sam du fond de ses ténèbres veut qu’elle retrouve? Son père à lui? Parce que Quinto Dementieff ne serait pas son vrai père? Le triptyque volé en 1918? Un livre? Quoi? Plus l’enquête avance et plus Kate rencontre d’opposition. Mais qui dérange-t-elle? Et pourquoi? Pas facile, non. Pas facile.

C’est un polar lent plutôt ethnologique et passionnant, dans la veine de ceux de Tony Hillerman, que j’adore. Kate est une femme décidée, robuste, à l’épreuve du froid. Elle est capable de faire 80 km par moins 25 degrés en motoneige sans sourciller. L’Alaska, c’est pas pour les demi portions. Les détails sur la vie quotidiennes sont si nombreux et si précis qu’on s’y croit. En plus d’être pris par l’enquête, je découvre une histoire de l’Alaska d’une immense richesse. Je découvre surtout l’histoire des Aléoutes qui ont vraiment très mal traversé la guerre. Je ne connaissais rien de la catastrophe de 1964. Et je comprends mieux le développement de ce territoire devenu État en 1959. Enfin, la présence de Dashiell Hammett avec les troupes en Alaska pendant la seconde guerre mondiale (comme Gore Vidal) est une révélation. Comme quoi, on apprend plein de vérités dans les romans. J’en lirai d’autres. Cette formidable Dana Stabenow en a écrit une vingtaine.





samedi 22 décembre 2018

Récidive, de Sonja Delzongle

Méfiez-vous des pères! Ils vous veulent du mal! Dans Récidive, le roman vivifiant de Sonja Delzongle (Folio policier), les pères, c’est vraiment pas ça. On commence par couler par dizaines au large de Saint-Malo, puis on refroidit un assassin de la pire espèce, ensuite on découvre que le charmant papa breton de la profileuse new-yorkaise Hanah Baxter (au profil bien bas), vient de terminer sa peine de prison. Ce doux papa avait tordu le cou à son épouse, la maman d’Hanah. Comme il est libre à présent et qu’à Saint-Malo en hiver, on meurt d’ennui, il reprendre goût à ses démons de jeunesse. Hanah sait que son père veut lui faire la peau puisque c’est elle qui l’a dénoncé à la police quand elle était petite. C’est à cause d’elle s’il vient de tirer 25 ans au trou. Elle va le payer! Hanah le sait. Elle imagine des choses terribles, qui se révèleront cauchemardesques. Son paternel va-t-il la trucider dans une ruelle sombre? Est-ce bien lui le monstre de Saint-Malo? Et si Hanah rencontrait un autre os sur son chemin?

J’ai beaucoup aimé la première histoire du roman, à New York, dans laquelle s’enfonce la pauvre Hanah pendant qu’à Saint-Malo, l’affreux papa rentre dans ses sanglantes pénates et perd la boule. Ce roman limpide, ultra-marin, tempétueux, est construit tout en finesse et efficacité. Le compte à rebours est lancé dès les premières pages. On tremble. On sait que ça va mal se passer. Et c’est pire, en somme. Les histoires de morts finissent mal, en général.

(Bon sang, c’est dimanche. Fait que je lise d’urgence Boréal!!! Je suis accro!!!)  



Quand la neige danse, de Sonja Delzongle

Rousseau s’est fourré le doigt dans l’oeil jusqu’à l’os: l’être humain est foncièrement mauvais, et la société le transforme en monstre! La preuve, cet excellent roman hivernal décidément frigorifiant de Sonja Delzongle intitulé: Quand la neige danse (Folio policier). Ça commence mal, bien sûr. La fille toute jeune du brave médecin Joe Lasko est enlevée. Pas de chance. Dans un trou perdu de l’Illinois, normalement, il ne devrait rien se passer, sauf qu’en plus des enlèvements de petites filles (ah, oui, Joe n’est plus seul dans le malheur) des cadavres remplis d’os apparaissent en veux-tu en voilà. C’est l’hiver, les personnages ont souvent un passé horrible, et le présent neigeux ressemble à un sac de noeuds. Al, le policier mitomane à ses heures (il voit des mites partout) rame dans la semoule. Il va faire appel à notre profileuse préférée Hanah Baxter pour allumer ses lanternes. Hanah, pas folle, va chercher des indices grâce à son Invictus préféré (un pendule hyper efficace) et puis de meurtres horrifiants en horrifiques assassinats, on est sûrs que pour les pauvres petites enlevées au début du roman, ça s’est mal passé. Joe, Gabe (son grand frère assassin libéré de prison), Hanah, Éva, Al et son équipe vont-ils réussir à retrouver les petites? Et si c’était Gabe, le coupable? Ou Joe?

Puisqu’il s’agit d’enlèvements d’enfants au début, forcément, le lecteur que je suis se sent mal à l’aise. C’est l’horreur absolue. Je lis pour savoir. Je vis la progression de l’enquête comme si elle était réelle (imaginez, une petite a été enlevée le jour de mon anniversaire, le 28 janvier! Je me sens concerné, pardi.) Je tremble, je suis horrifié, atterré, j’ai froid (en plus, décembre à Montréal où je lis, ça caille en tabarnak) aux pieds, je veux savoir! Non, la musique country n’adoucit pas les morts. Un vrai roman de tarés, comme je les aime. Quand les poupées font NON non non-non-non NOOON!



mardi 11 décembre 2018

Dust, de Sonja Delzongle

Si vous voulez changer votre manière de voir les supraconducteurs, voici un polar
glaçant pour vous: Dust, de Sonja Delzongle (Folio policier), qui se déroule à  
cent miles à l’heure sous l’écrasant soleil du Kenya. Hanah Baxter est une
charmante profileuse qui traque les tueurs en série grâce notamment à un
objet… vibratoire. Elle vit à New York mais soudain, un vieux pote du CID,
qui a du coeur, (Le CID est la police criminelle du Kenya) l’appelle pour lui
dire: Baxter, we have a problem. Ni une ni deux, elle ramasse ses clics et
son Glock et fonce au doux soleil nairobien. Il se trouve que là-bas, un tueur
original à ses heures te réduit en poussière en deux temps trois mouvements
pour te faire gagner du temps sur la mort, toujours trop lente à venir, on le sait.
Pas très gentil de sa part. Il te laisse en souvenir une belle flaque de sang
délicieusement décorée d’une croix. De fil en aiguille, on en arrive au massacre
des Albinos, aux trafics en tous genres pour terminer en une fin apocalyptique!

Ce roman est passionnant par l’intrigue qui ne te laisse pas une seconde de répit.
Il est passionnant par sa couleur noire car tout va de mal en pis et quand on
aime les histoires sombres, on est délicieusement servi. L’héroïne Hanah Baxter
tient son rang dans un monde de machos finis, les méchants sont pires que
l’enfer, et tout le monde perd sans arrêt. Une véritable tragédie abismale.


J’ai beaucoup aimé. Il m’a un peu fait pensé à Zulu, de C. Férey
(grand compliment!!!) Le genre est noir alors si on cherche une
Afrique triomphante, faut lire autre chose. C’est à désespérer du genre
humain, comme un conte où le méchant ogre boulotte tout cru des
enfants hurlant de douleur. Un régal!


lundi 10 décembre 2018

Effacé, d'Alain Raimbault, critique de Dominique Mavilla

Il m'aura fallu deux mois avant de pouvoir parler de ce livre tant il m'a fracassé le cœur. Je n'ai guère d'appétence pour ce genre de sujet,qui me met mal à l'aise, mais quand un livre est aussi intelligemment et bien écrit, les appétences on s'en balance !
Histoire banale d'une fille de vingt ans qui passe une nuit d'amour avec un inconnu et découvre ensuite qu'elle est enceinte. Bannissement des parents. On croirait l'histoire de Fantine dans "les Misérables" sauf qu'on est dans la Creuse en 1965.
Petits boulots à Paris dans des milieux glauques...
Le bébé naît et va grandir dans une violence inouïe: les coups, les manques de soins et d'amour sont son pain quotidien et à six ans il n'a qu'un but : mourir.
On ne l'appelle jamais par son prénom: on l'ignore sauf pour le frapper. Faut bien que quelqu'un paye la "faute" de la mère... Pas un jouet à la maison. Si sa mère remarque qu'il aime bien un verre à moutarde décoré utilisé lors des repas, elle le jette. Faire mal, tout le temps, par tous les moyens : terrible récit.
Mais l'enfant est intelligent.Très. Il observe ce monde de folie pour comprendre le fonctionnement de sa tortionnaire et anticiper d'éventuels coups. Et c'est pathétique à lire. De voir comment ce petit bonhomme, si tôt, si vite, étudie les caractères, et trouve des parades de fortune.
Et puis un jour, il découvre sa planche de salut : l'Ecriture ! Sa liberté est dans l'écriture. Il va noircir des pages et des pages, être heureux et grandir. Et atteindre l'âge de se rebeller.
Quand j'ai réalisé à la fin de cette narration hallucinante que cet enfant ,devenu homme, était mon copain, mon pote et mon ami Alain Raimbault et que ce récit était celui de son enfance....
Je ne dis plus rien sinon : Lisez absolument ce livre où le narrateur s'adresse à l'enfant qu'il a été sans jamais tomber dans le piège du voyeurisme.C'est au contraire un exemple de pudeur et de très belle littérature.
Livre édité aux éditions " L'instant même" ( éditeur québécois) facilement trouvable chez n'importe quel bon libraire ainsi que sur Amazon. Et pour les amis belges et suisses : en librairie également.


samedi 10 novembre 2018

Camille Gaudin



Cher grand-grand-papi Camille,


Tu es mort à 26 ans lors de la grande boucherie de la Somme, le 4 septembre 1916. Tu es tellement mort qu’on n’a même pas retrouvé ton corps. Une vie, une mort, brèves. C’était la guerre et tu avais l’âge. Comme hélas des millions de jeunes gens. Aujourd’hui on célèbre, on commémore l’armistice de 1918 que tu n’as pas connu. Ta guerre ne s’est jamais terminée, elle te fut éternelle. Du reste, penser à toi, c’est penser à la guerre. Tu es la Grande Guerre, sa victime. Tu étais agriculteur. La terre, ça te connaît. La voir labourée par des bombes, ça a dû te chambouler une escousse, dis-moi. On dit reposer en paix, mais toi, tu cauchemardes en guerre. En tenue de soldat. Tant et tant de morts. Si souvent. C’est quoi, ce monde, hein? Un siècle aujourd’hui que cette guerre est terminée. 11 novembre 2018. Des survivants, il y en eut, comme Charles Raimbault, mon autre grand-grand-papi. Comme lui, ils sont rentrés dans leurs pénates et ont poursuivi leur vie, ont fait des ribambelles d’enfants, sont morts vieux dans leur lit, pour les pas trop amochés s’entend. Ta fille, ma grand-mère, disait toujours qu’elle ne t’avait pas connu, que tu étais un bel officier et qu’elle était pupille de la Nation. Elle est née en 15, tu es mort en 16. Tu n’as pas dû rentrer souvent à la ferme. Ton seul bébé. Et tu es mort, comme tout le monde ou presque. Ta fille a eu des enfants, elles est restée dans le coin, vers Braye-sous-Faye, dans l’Indre-et-Loire. Sa grande guerre à elle fut la seconde, l’Occupation allemande. Puis ce fut l’Algérie dont sont revenus vivants ses fils qui ont tué des gens, des Algériens. Mais ça, ils ne le disent pas. C’était la guerre et ils avaient l’âge. Quand j’ai eu l’âge, moi, il n’y avait plus de guerre. Malgré celle d’Irak où je ne suis pas allé faute de conscription. Sinon, j’étais apte. Je suis de la première génération à ne pas avoir eu à me battre pour la Patrie. J’ai pile le double de ton âge, 52 balais, je connais une vie ordinaire, celle que tu n’as pas eue, avec des enfants, une carrière, des voyages. Grand-grand-papi Camille, la vie est courte, mais les guerres sont hélas éternelles.






Sergent Camille Gaudin, 6e régiment d'infanterie coloniale, tué à l’ennemi,


mort pour la France entre Barleux et Belloy-en-Santerre, 


Bataille de la Somme, le 4 septembre 1916.




Je signale que cette page ci-dessus a été oubliée lors de la numérisation de ce journal du régiment sur le site : Mémoire des hommes.  J'ai écrit aux archives de l'armée française qui me l'ont photocopiée et envoyée. En ce 3 mai 2019, ils n'ont toujours pas rectifié, cette page manque, et c'est bien dommage car le 4 septembre 1916, il y a eu vraiment beaucoup de morts. Cette page concerne directement de nombreuses familles.  
C'est situé entre la page 115 et 116 du document pdf, et 227 et 230 de la pagination du document original. 
6e régiment d'infanterie coloniale. J.M.O.26 N 864/6  









Mémoire des hommes:


Sergent Yves Hascoet, tué le 5 septembre 1916