dimanche 17 mai 2020

“Le terroriste noir”, de Tierno Monénembo

Lu: “Le terroriste noir”, de Tierno Monénembo, éd. Points (Seuil). 
Un très beau livre. L’histoire est terrible. Seconde guerre mondiale, un tirailleur sénégalais, (comme on appelait jadis tout soldat noir des colonies venu se battre et souvent mourir pour la mère patrie colonisatrice et vraiment pas reconnaissante par la suite, oh non) est retrouvé blessé dans une forêt des Vosges sous l’Occupation. L’homme mystérieux est ramené au village, soigné, et petit à petit, accepté par tous. Ensuite, il sillonne la campagne en vélo et le mystère grandit. Mais où va-t-il? C’est la guerre, avec ses héros et ses traîtres ordinaires. L’histoire est racontée du point de vue de Germaine, adolescente à l’époque des événements et très vieille aujourd’hui. Elle reconstitue petit à petit ce qui a été, ou ce qui a probablement été la vie de ce héros. Car ce soldat noir fut un personnage exceptionnel. 

J’ai beaucoup aimé ce roman. D’abord, il rend hommage aux soldats des colonies à l’époque qui se sont courageusement battus pour la France et par milliers, ils ont été des milliers à se battre, à être blessés, à mourir si loin de chez eux. Ensuite, le portrait du héros est magnifique, d’une grande humanité, tu ne peux qu’être ému par son destin. Et les personnages autour de lui vivent des tourments impossibles, à cause de la guerre, mondiale, et intime. Je me souviens de ce que me racontaient mes grands-parents à propos de cette époque difficile, la plus grande de leur vie, l’Occupation. Ils vivaient dans une ferme, dans un petit village de touraine occupé par les Boches. Et puis il y avait la Milice (ma grand-mère disait que c’était les pires!), les collabos, les dénonciateurs, et les gens ordinaires qui survivaient comme ils pouvaient. Ce roman me parle directement, j’ai l’impression de lire ce que mes grands-parents auraient pu me raconter. De plus, il y a un mystère au début: qui est ce soldat noir? Il se trouve qu’il y a un mystère dans ma famille, sur lequel je n’ai jamais écrit, il faut donc une première fois: mon grand-père est parti à la guerre, dans l’armée du Train (transport, logistique). Il conduisait un camion. Puis à la naissance de son quatrième enfant, l’armée l’a démobilisé. Bref. Lui, il a raconté sa guerre. Mais pas son petit frère Eugène Raimbault. Il est parti à la guerre, il est revenu en 45 à la maison et il n’a jamais parlé. Jamais. On ne sait pas ce qu’il a fait, ce qu’il a vécu, ce qu’il a enduré. Un mystère dans la famille, cet oncle Eugène. Voilà, j’ai lu ce roman sans m’arrêter, et je viens d’en sortir tout chamboulé. (J’avais eu le plaisir de rencontrer son auteur à Poitiers en 1993. Ma photo.)




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