vendredi 1 mai 2020

“Lumières de Pointe-Noire”, d’Alain Mabanckou



“Lumières de Pointe-Noire”, d’Alain Mabanckou, éd. Seuil. 

L’auteur revient à Pointe-Noire (République du Congo ou Congo-Brazzaville) où il a grandi. Vingt-trois ans qu’il n’y est pas retourné. Alors, ça vous remue un peu l’écrivain, ça. Pointe-Noire, je dirais, c’est sa ville, où sa famille s’est peu à peu installée au fil des ans. L’auteur est invité à donner des conférences à l’Institut français qu’il connaît bien car “jadis (c’était) l’unique bibliothèque de la ville… que nous fréquentions régulièrement.” Il écrit aussi: ”Chaque fois que je monte les escaliers de l’Institut, je me rappelle que je les gravissais déjà à douze ans lorsqu’il n’y avait là-haut que des livres…” Ce livre est composé de souvenirs, de rencontres plutôt percutantes, mais aussi de portrait des membres de la vaste famille qui a vieilli, vingt-trois ans d’absence. Sa maman Pauline est morte lorsqu’il était loin de Pointe-Noire, et son papa Roger aussi. Mais les souvenirs demeurent et les gens qui durent malgré tout sont bien là, bien réels, avec leurs nécessités du moment ou la vieillesse, la maladie, Le plus beau portrait selon moi, le plus émouvant, est celui (bien sûr, celui de sa maman Pauline est très touchant, bien sûr) de grand-mère Hélène, sa tante, en réalité. Elle est très vieille, sans date de naissance précise, et qui passait son temps à coincer dans la rue les enfants de la famille pour leur donner de force à manger. L’auteur (j’écris “l’auteur” parce que si j’écris Alain, j’ai l’impression que c’est un peu moi hors, ce n’est vraiment pas moi, alors j’évite, l’auteur, c’est parfait, c’est beaucoup moins moi, quoique j’écrive aussi, c’est pas facile, les noms, c’est pas facile) l’auteur découvre grand-mère Hélène alitée, à l’article de la mort. Contre toute attente, elle reconnaît l’auteur et surtout l’ombre Blanche qui l’accompagne, et qui la sauve un peu. Un portrait magnifique! L’auteur reste une dizaine de jours à Pointe-Noire, il tient son journal, il nous l’avoue, dans le but d’écrire ce livre. C’est comme d’habitude un petit bijou. 

Il y a quelque chose que j’aime beaucoup chez cet auteur. Le ton, je crois. La sincérité, le style impeccable, ses phrases coulent, tu le lis et tu es emporté, pas de montagne à franchir, pas d’expédition himalayenne, non, tu ouvres un de ses livres et tu es emporté, c’est tout. C’est intéressant, instructif, terriblement émouvant, toujours, lui, il écrit avec son coeur, et souvent amusant. Un peu comme quand on discute avec lui. Il se trouve qu’il est né 27 jours après moi, alors cela me donne l’avantage de comprendre son temps à lui. Il a par exemple 29 ans en 1995, et moi aussi. Il était au lycée entre 1981 et 1984, et moi aussi, en série A, lettres et philosophie, comme moi. Et il est parti. Il n’y a cependant aucun rapport entre lui et moi, c’est un grand, lui, attention, il travaille fort, nous n’avons pas la même vie, et je l’aime bien, Alain, je l’aime bien.

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire