vendredi 29 mai 2020

“L’incendie du Hilton”, de François Bon

Lu: “L’incendie du Hilton”, de François Bon, éd. Albin Michel. L’histoire: un écrivain, français on le devine, est invité à donner une conférence lors du Salon du livre de Montréal, Place Bonaventure, et à faire oeuvre de présence pour dédicacer ses livres. Il est logé à l’hôtel Hilton au-dessus du Salon du livre. Mais voilà, en pleine nuit, à 1h47 environ, l’alarme incendie se déclenche, on évacue. L’auteur évacue donc au milieu de la foule où il va faire quelques rencontres, et évoquer deux trois souvenirs car, une fois à l’Atrium, autour de la patinoire vide, que faire sinon attendre, et rompre la monotonie par des virées au Tim Horton. La fin, peu importe. La ville souterraine est le non-personnage principal qui brille de tous ses obscurs reflets, de ses anonymats, de sa quelconque solitude. L’action est la syntaxe saccadée au début, on évacue, puis qui se calme tout en exigeant de l’attention. Un petit bijou, ce roman, rempli d’humour.

Il se trouve que je connais un petit peu ce Salon du livre, comme beaucoup de gens vous me direz, où je passe régulièrement depuis novembre 2001. Aussi, place Bonaventure, métro Bonaventure, c’est un peu mon chemin quotidien (que je ne vois plus tellement il est quotidien) pour aller au turbin avant la pandémie. Les longs couloirs souterrains entre le Salon, l’hôtel Bonaventure (et pas Hilton…), la gare, le métro et les stationnements, je m’y suis perdu plus d’une fois. Heureusement, il y a toujours une rue qui surgit quelque part pour indiquer le nord.

Il y a toujours une raison pour se saisir d’un livre. Hier, le 22 mai, c’était l’anniversaire de François Bon et après un échange à teneur nostalgique sur ce réseau (voir plus bas), je me suis dit, tiens! Voilà l’occasion! Aussi, je venais de terminer “Les années 80 dans ma vieille Ford”, de Dany Laferrière, j’étais donc libre, en quelque sorte. Et, troisième raison, nous attendions les masques qui devaient être livrés hier. Oui, Sandra (mi amor) avait commandé des masques (comme c’est la mode, vous savez bien) au Mexique, à sa maman. Ils devaient arriver hier. Hors, on nous a déjà volé un paquet dans l’entrée de notre édifice. Cette fois-ci, nous allions surveiller de près. La surveillance a duré deux jours en fait, ce qui m’a laissé le loisir de lire ce roman qui raconte l’histoire d’un écrivain qui attend au centre-ville de Montréal, centre-ville que je peux apercevoir depuis mon balcon sur la rive sud. C’était parfait. Mais la meilleure histoire est à venir.
Le 13 août 2019, en famille, nous allons à Stanstead, pour visiter sa fameuse bibliothèque-opéra, qui est située sur la frontière canado-étasunienne. Nous nous stationnons et marchons vers la bibliothèque. On finit par arriver à la frontière, quelque part au milieu du village. Nous n’avons pas tous notre passeport en poche et d’ailleurs, on n’entre normalement pas aux États-Unis par une petite rue dérobée mais par un poste frontière. Légalement. Hors, l’entrée de la bibliothèque ici, à notre gauche, est située côté américain! C’est vraiment un sentiment étrange, cette frontière. Je me sens en totale sécurité côté canadien et nous avons peur de la franchir. Il n’y a qu’un poteau, sans barbelés ni champ de mines, non, aucun policier non plus, un grand beau temps et le village côté canadien ressemble à celui côté américain, la rue est déserte, et notre sentiment est totalement étrange. Nous hésitons une seconde, notre gorge se serre mais nous franchissons quand même le poteau. Ça y est, nous marchons illégalement aux États-Unis afin de pénétrer dans une bibliothèque. Nous marchons vite car nous ne voulons pas rencontrer de policiers (qui ont très mauvaise réputation en général). Elle est ouverte et là, sur le sol, un trait, la frontière, que nous franchissons précipitamment. Nous sommes revenus au Canada, ouf! On est sauvés. Mais pas tout à fait. Je demande à la bibliothécaire s’il y a une sortie d’urgence, par derrière, côté canadien. Elle me dit que non. Zut. Il faudra retourner aux États-Unis pour sortir. Je repère des livres à vendre côté américain, la majorité en anglais (je pense que ce village est surtout anglophone, mille excuses si je me trompe), mais il y en a quelques uns en français. Pas de prix. On donne ce qu’on veut. Je glisse une pièce de deux dollars canadiens dans une boîte transparente remplie de billets verts côté canadien. Il faut payer une fortune pour visiter la salle d’opéra à l’étage alors nous ne la visiterons pas. Et là, nous sortons. Un policier américain dans sa voiture de police est stationnée à côté du poteau, de son côté de la frontière. Nous marquons tous un temps d’arrêt sur le trottoir. Mes doigts se serrent sur mon Hilton en flammes. Et si on courrait? Nous sommes 4, il ne pourrait pas tous nous attraper! Mais il pourrait toujours nous tirer dessus. Ils aiment ça, tirer sur les immigrants illégaux (d’autant plus que Sandra et son frère qui nous accompagne sont mexicains, que pourrait-il soudainement s'imaginer, ce policier?!) , les policiers américains. Non, nous marchons plutôt d’un air détaché vers lui, en jouant les touristes heureux. Il ne sort pas de sa voiture. Il nous observe, la main sur son révolver. Ou sur son café. On voit pas bien la différence. Il nous laisse revenir au Canada, où approche justement une voiture de police canadienne amie. Nous sommes sauvés. C’était l’aventure de la journée, la visite de la bibliothèque-opéra Haskell, 1 rue Chuch à Stanstead, au Québec-Vermont. J’ai donc trouvé ce livre aux États-Unis, je l’ai payé au Canada, je l’ai ramené aux États-Unis la peur au ventre et je l’ai finalement lu tranquillement pas vite au Canada en attendant les masques du Mexique.

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