samedi 30 octobre 2021

«Les villages de Dieu» d’Emmelie Prophète

Lu: «Les villages de Dieu» d’Emmelie Prophète, éd. Mémoire d’encrier

Célia est une adolescente qui vit avec sa grand-mère et son oncle alcoolique dans un bidonville de Port-au-Prince, la Cité de la Puissance Divine. Elle raconte les événements qui se déroulent autour d’elle, comment survivent les gens dans un environnement abandonné par l’État (pas d’eau courante, ni électricité, ni service public)et où les gangs font leur loi. Le seul rêve autorisé est de survivre au présent. Quant à l’Amérique, cette possibilité d’évasion, plusieurs y ont laissé des plumes.

J’ai beaucoup aimé la description de la vie dans cette cité où Dieu trouve d’excellentes conditions d'épanouissement, les missionnaires américains blancs l’ont très bien compris. La vie suit son cours, interrompue bien souvent par un tir vengeur. Si les personnages ne se font pas assassiner, ils survivent en vendant ce qu’ils peuvent, en échangeant ce qu’ils peuvent aussi, ou en exerçant le métier de la violence. Il existe enfin soit des haines incurables, soit une magnifique solidarité de voisinage.

Cette vie dans un tel endroit est absolument incompréhensible pour moi qui ai toujours vécu dans un endroit tranquille, en France ou au Canada. Je ne sais rien de rien sur cette vie-là, mais je sais que ce roman touche à l’humanité entière, par son ton vrai, ses personnages extraordinairement vivants, et ses thèmes. Lorsque hier soir j’ai écouté une entrevue entre l’auteure et le sociologue Frédéric Boisrond, j’ai tout de suite pensé, lorsqu'ils ont évoqué le bruit excessif dans de telles cités, au recueil de nouvelles de Dany intitulé «La Chair du maître» qui évoque aussi ce bruit incessant, excessif à Port-au-Prince. Et j’ai pensé au superbe roman très poétique qui se déroule lui aussi dans un tel endroit: «Soleil à coudre», de Jean d’Amérique.

J’avais beaucoup aimé «Impasse Dignité», j’ai beaucoup beaucoup aimé «Les Villages de Dieu» dans lesquels, justement, Dieu semble exactement absent.

La (superbe) citation, page 111. Cécé dit: «C’était mon anniversaire. Je n’avais pas de rapport avec le temps, de toute façon. Il ne passait pas vraiment le temps à Bethléem et à la Cité de la Puissance Divine. Probablement partout où les gens n’attendaient rien. On oubliait d’être, on n’essayait pas de comprendre. J’avais eu envie de parler de ma fête à Tonton Frédo. Savait-il seulement ce que signifiait un anniversaire? Quelle était la date du sien? Il n’avait aucun papier d’identité d’ailleurs, il était revenu de son Amérique avec une feuille de route, comme un colis.»





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