Mes critiques ont presque toutes été publiées entre mars 2021 et septembre 2024
Un grand merci à Stéphane Leblanc qui m’a accepté dans son équipe de lectrices-lecteurs à 20 Minutes et qui m’a fait envoyer les livres par les éditeurs. Mes critiques étaient publiées en ligne, mais parfois dans la version papier du journal, dans toute la France. Cela m’a fait immensément plaisir.
Un grand merci aux attaché(es) de presse des maisons d’éditions pour leurs très agréables correspondances avec moi.
Un immense merci aux maisons d’éditions qui ont repris des phrases de mes critiques sur leur site internet, ou sur la couverture de leurs romans, ou en bandeaux publicitaires.
Un merci infini aux auteures et aux auteurs qui m’ont fait passer de merveilleux moments de lecture!!!
10 septembre 2024 La vie infinie, de Jennifer Richard
19 août 2024: « Le harem du roi », de Djaïli Amadou Amal, éditions Emmanuelle Collas
18 août 2024: Frapper l'épopée, de Alice Zeniter, éditions Flammarion
16 août 2024 « Jacaranda » de Gaël Faye, éditions Grasset
3 août 2024: « Cette femme qui nous regarde » d’Alain Mabanckou, éditions Robert Laffont
Le pacte de l'eau, de Abraham Verghese
La Reine aux yeux de lune, de Wilfried N'Sondé
Nos destins sont liés, de Walid Hajar Rachedi
Les femmes de Bidibidi, de Charline Effah
Le jour des caméléons, de Ananda Devi
Lettres à un jeune romancier sénégalais, de Alain Mabanckou
Veilleuse du Calvaire, de Lyonel Trouillot
Croix de cendre, de Antoine Sénanque
Portrait huaco, de Gabriela Wiener
Adieu Tanger, de Salma El Moumni
Rose nuit, de Oscar Coop-Phane
Lemon, de Kwon Yeo-sun
Comment sortir du monde, de Marouane Bakhti
Où vont les ombres quand la nuit vient, de Alain Gordon-Gentil
Mon cœur bat vite, de Nadia Chonville
Topographie de la terreur, de Régis Descott
«Harlem Shuffle», de Colson Whitehead
Morituri, de Patrick Rambaud
Neige sur Ballyglass House, de John Banville
Une somme humaine, de Makenzy Orcel
Stardust, de Léonora Miano
Open Water, de Caleb Azumah Nelson
La nièce du taxidermiste, de Khadija Delaval
Le cartographe des absences, de Mia Couto
Le grand baobab bleu, de Daniel Schick
«Jouissance», de Ali Zamir
En guerre(s) pour l’Algérie (Témoignages), de Raphaëlle Branche
«Dévorée», de Coralie Akiyama
W. ou la guerre, de Steve Sem-Sandberg
Gens du Nord, de Perrine Leblanc
Balak, de Chawki Amari
La Transmission, de Éliette Abécassis
Pour tout vous dire, de Joan Didion
Sombre éclat, de Jean-Marie Quéméner
«Vers Calais, en Temps ordinaire», de James Meek
«L’Abolition des privilèges», de Bertrand Guillot
À nous la Terre, de Collectif
Le manuscrit de Birkenau, de José Rodrigues Dos Santos
Rends-moi fière, de Nicole Dennis-Benn
La plus secrète mémoire des hommes, de Mohamed Mbougar Sarr
On l'appelait Maïco, de Yseult Williams
Batouala, de René Maran
«Un tueur sur mesure», de Sam Millar
Au moins le souvenir, de Sylvie YVERT
Madame Hayat, de Ahmet Altan
«Le Français de Roseville», de Ahmed Tiab
«Neuf ans parmi les Indiens», de Herman Lehmann
«Soleil à coudre», de Jean D'Amérique
Le magicien d'Auschwitz, de J. R. dos Santos
Combats, de Néhémy Pierre-Dahomey
«La mer Noire dans les Grands Lacs», de Annie Lulu
«J'ai tangué sur ma vie», de Maryssa Rachel
Dans le ventre du Congo, de Blaise Ndala
23 mars 2021 : Même les extincteurs rêvent de gloire, de Arthur Zingaro, Éditions du Horsain
dimanche 13 avril 2025
« Jacaranda » de Gaël Faye, éditions Grasset, ma critique pour le quotidien 20 Minutes (France)
16 août 2024: « Jacaranda » de Gaël Faye, éditions Grasset
Ma citation préférée :
« J’observais les gamins s’amuser comme on se venge de tout - des enfances gâchées, des bagarres de rue, des coups de couteau et de machette, des nuits à dormir dehors, des overdoses de colle à sniffer, des familles décimées, de la misère crasse, de l’alcool frelaté, des viols, des maladies, de l’indifférence ou de la pitié des honnêtes gens. Ce soir-là, les enfants se tressaient des lauriers, chantaient leurs propres louanges, étaient princes et princesses en leur Palais. Toute leur énergie tendue vers la simple joie d’être en vie.» »
Pourquoi ce livre?Parce que le lecteur suit la quête de Milan qui vit à Versailles. Faute de connaître l’histoire familiale de sa mère Tutsie qui refuse de raconter, il va aller au Rwanda à plusieurs reprises afin de se trouver. Les différents moments de sa vie au pays de sa mère vont se révéler de plus en plus dramatiques. Plus il découvrira les lourds secrets des gens autour de lui et plus il aura envie de comprendre. Ce roman est à la fois celui d’une quête d’identité personnelle et le constat saisissant d’une société malade d’un génocide, qui cherche des moyens pour guérir.
Parce que l’auteur évoque entre autres les audiences des tribunaux gacaca où victimes et bourreaux se faisaient face afin que justice se fasse. Des moments intenses pour que victimes et bourreaux puissent ensuite continuer à vivre dans un même pays. Cet effort de réconciliation des est le prix à payer pour arriver à une certaine paix sociale, sans pour cela éteindre complètement des désirs de vengeance, ni consoler complètement les survivants, ni effacer la culpabilité de certains. Plus le roman avance et plus le lecteur découvre la complexité de vivre dans un pays après un génocide.
Parce que l’auteur ose aller au bout des témoignages des victimes, qui sont insoutenables, mais aussi des bourreaux, dont certains révèlent l’emplacement des fosses où ont été jetés enfants, parents et grands-parents. Il faut vraiment du courage pour écrire un tel roman car les massacres de 1994, qui ont été précédés par d’autres massacres de Tutsis, ne sont pas si éloignés du présent, et ce roman aura des échos douloureux chez bons nombres de lecteurs. La fiction ici éclaire vraiment la réalité.
Parce que c’est un roman qui nous concerne toutes et tous car il montre sans équivoque les terribles conséquences de discours racistes, et l’on se souviendra que l’Europe, il n’y a pas si longtemps, a aussi vécu un génocide.
L’essentiel en 2 minutes
L’intrigue. Milan, de père français et de mère rwandaise, va séjourner plusieurs fois au Rwanda afin de découvrir la vérité sur sa famille maternelle. Mais ce qu’il va découvrir est l’histoire d’un pays traumatisé par un génocide.
Les personnages. Milan, fils de parents d’origines différentes; les parents de Milan; Claude, oncle de Milan, rescapé du génocide; Sartre, grand lecteur à Kigali; Stella, fille de Tante Eusébie.
Les lieux. Versailles; Kigali, au Rwanda.
L’époque. De 1998 à 2020.
L’auteur. Auteur compositeur interprète, Gaël Faye est l’auteur du premier roman phénomène Petit pays (Grasset 2016, prix Goncourt des lycéens) ainsi que de plusieurs albums. Il était la Révélation scène de l’année des Victoires de la musique 2018.
Ce livre a été lu avec empathie pour la quête de Milan qui désire découvrir le côté maternel tout en me doutant bien que le silence de sa mère résulte d’un traumatisme. Ensuite, c’est bouleversant. Pas d’autre mot. Bouleversant.
https://www.20minutes.fr/arts-stars/livres/4102271-20240816-lu-jacaranda-gael-faye-quete-sens-rwanda-apres-genocide
« La vie infinie » de Jennifer Richard, éditions Philippe Rey, ma critique pour le quotidien 20 Minutes (France)
10 septembre 2024: « La vie infinie » de Jennifer Richard, éditions Philippe Rey
Ma citation préférée :
« « Tu m’expliqueras comment on pourra encore se supporter, si on devient immortel, reprit-il. Tout doit disparaître, pour prendre sa pleine valeur. Tu ne t’es jamais demandé pourquoi les dieux de l’Olympe se détestaient tant, alors qu’ils sont de la même famille ? Comment peux-tu accepter un père obsédé par le sexe si tu n’as aucune chance de le voir mourir ? Un mari laid et boiteux, enchaîné à toi jusqu’à la fin des temps ? Une fille tellement sûre de sa beauté qu’elle est constamment à poil ? S’ils ne connaissaient pas l’amour, c’est parce qu’il ne connaissait pas la mort. » »
Pourquoi ce livre ?Parce qu’Adrien incarne le désir du tout technologique. Pour lui, l’avenir est dans le numérique. Toutes les sphères de la société doivent se laisser envahir pour leur bien par la réalité virtuelle. Il pousse l’idée jusqu’à espérer numériser son esprit afin de devenir immortel, d’effacer le temps. Ce désir transhumaniste est poussé à l’excès. Adrien utilise au maximum les possibilités du numérique dans sa vie quotidienne, et sa fille Zoé préfère bien sûr ses amis virtuels. Elle préfère même parler avec l’avatar de sa mère qu’avec sa mère réelle.
Parce que ce roman est une critique féroce d’un avenir possible car Adrien, même s’il incarne un personnage qui a perdu de vue des valeurs simples comme l’amitié ou l’amour nés d’une vraie rencontre, la solidarité, le bien commun, Adrien existe déjà autour de nous, et un peu en nous. Bien sûr il est excessif, mais il est capable de convaincre son épouse Céline qu’un bon programme informatique est capable d’apporter le bonheur, de nous bouleverser, de devenir indispensable.
Parce que c’est également la critique d’un capitalisme libéral à outrance. Adrien est fils de riches, et très riche lui-même grâce à ses activités d’opérateur de marchés ou de prédateur de start-up. Il ne parle qu’en termes de profit, et de profit personnel, s’entend. Malheur aux pauvres. Cependant, Céline a un ami d’enfance, Pierre, qui est l’opposé d’Adrien. Il vit sur une péniche, marche pour se déplacer à Paris, n’a pas de téléphone et privilégie les contacts humains. Céline, influencée par son époux, pense que Pierre est « improductif et sans ambition ».
Parce que le tiraillement de Céline entre ses valeurs de bourgeoise méprisante acquises auprès de son mari et celles humanistes, voire hippies de Pierre le bohème donne des dialogues savoureux. Céline passe son temps à condamner Pierre mais elle sent au fond d’elle qu’il a raison. Son tourment met en relief nos propres contradictions entre nos désirs et la réalité, virtuelle ou non. Une fable cornélienne.
L’essentiel en 2 minutes
L’intrigue. Adrien et Céline vivent heureux dans leur monde envahi par la réalité virtuelle quand un vieil ami de Madame refait surface : Pierre…
Les personnages. Adrien, époux riche de Céline ex-gauchiste et réalisatrice d’émission. Zoé, leur fille, limite hypocondriaque. Pierre, ami de Céline.
Les lieux. Paris.
L’époque. Présent, futur proche.
L’auteur. Née en 1980, d’origine guadeloupéenne et normande, Jennifer Richard est Franco-américaine et vit à Berlin. Elle a publié sept romans.
Ce livre a été lu amusé et terrifié par le monde décrit dans ce roman car je sens qu’il est fort probablement prophétique.
https://www.20minutes.fr/arts-stars/livres/4102930-20240910-lu-vie-infinie-tellement-proche-jennifer-richard
« Le harem du roi », de Djaïli Amadou Amal, éditions Emmanuelle Collas, ma critique pour le quotidien 20 Minutes (France)
19 août 2024: « Le harem du roi », de Djaïli Amadou Amal, éditions Emmanuelle Collas
Ma citation préférée :
« En réalité, notre société peut être impitoyable envers les femmes ! Peu importe ce qu’on fait, on est jugé sans cesse ! Pour la plupart, on finit par céder et vivre uniquement par rapport au regard d’autrui. Parce que je ne suis pas mariée, je suis immédiatement cataloguée au rang de mauvaise personne. Mauvaise fille, mauvaise femme, la honte de ses parents ! Je travaille mais, si je m’achète une nouvelle voiture ou que je voyage, c’est un homme qui m’a probablement tout offert ! J’ai une promotion, c’est juste parce que j’ai dû coucher avec mon patron ! Ce n’est jamais mon seul mérite, le fruit de mes efforts ! » »
Pourquoi ce livre ?Parce que ce roman nous transporte dans un lieu interdit, un lamidat ou chefferie traditionnelle musulmane. Nous découvrons à travers la vie de Seini, ancien médecin élu chef ou lamido, et à travers les yeux de son épouse, la hiérarchie implacable qui sévit en ce lieu traditionnel, où chacun doit agir en fonction de sa position sociale soumise à une très longue tradition. En effet, « le lamido est le commandeur des croyants de toute la localité, le garant des traditions et de la religion ». Et sa position impose qu’il peut ou doit avoir des épouses et concubines, et des esclaves.
Parce que nous découvrons des secrets d’alcôve, c’est-à-dire les mille et une rivalités, jalousies et bisbilles qui existent dans le harem entre les concubines, les jeux de pouvoir. Qui va être la préférée ? Qui va être appelée le plus souvent dans la chambre du lamido ? Qui va obtenir le privilège de résider au plus près des appartements du lamido ? Qui est heureuse, amoureuse, laquelle a encore des rêves ?
Parce que le personnage de Boussoura, l’épouse de Seini, incarne la modernité. Elle est éduquée et enseignante. Elle travaille donc, conduit sa propre voiture. Cependant, lorsqu’elle est invitée à vivre au palais du lamidat après l’élection de son mari, elle se heurte aux traditions séculaires et doit abandonner son ancien mode de vie. Et elle découvre scandalisée la vie terrible des femmes prisonnières un peu comme elle des traditions, et de l’autorité sans partage des hommes.
Parce que l’autrice dresse le portrait d’un monde qui semble si éloigné de nous, que l’on croyait révolu, et qui montre les femmes vraiment coincées, écrasées entre l’autorité de leur famille, leur époux, leur roi et la religion.
L’essentiel en 2 minutes
L’intrigue. La vie du médecin Seini est chamboulée quand il est élu roi du lamidat. Son épouse hésite longuement à le suivre au palais, ce qui signifierait abandonner son ancien mode de vie.
Les personnages. Seini, médecin élu roi, et Boussoura, professeure de littérature ; les différentes concubines du palais
Les lieux. Yaoundé, Cameroun.
L’époque. Aujourd’hui.
L’auteur. Djaïli Amadou Amal et née en 1975 au Cameroun. Elle est une militante féministe et romancière. Son roman intitulé « Les Impatientes », qui a connu un immense succès, fut couronné du Goncourt des lecteurs de 20 Minutes et du Goncourt des Lycéens en 2020.
Ce livre a été lu en me demandant, tout au long du roman, si ce monde existait vraiment tant il me semblait anachronique et si cruel pour les femmes.
https://www.20minutes.fr/arts-stars/livres/4103621-20240819-lu-harem-roi-nouveau-roman-cruel-femmes-djaili-amadou-amal
« Cette femme qui nous regarde » d’Alain Mabanckou, ma critique pour le quotidien 20 Minutes (France)
3 août 2024: « Cette femme qui nous regarde », d’Alain Mabanckou, éditions Robert Laffont
Ma citation préférée :
« Durant les années 1960-1970, le monde s’effondrait sous tes yeux, nous dis-tu d’emblée. Tu l’entendais bien alors, ce craquèlement quotidien. Tu te souviens aussi nettement du sentiment que tu t’éloignais chaque jour un peu plus de la sortie du tunnel. Tu empruntais même le sens contraire et, tu le savais, ta jeunesse serait perdue pour de bon si aucune action concrète ne venait remettre le train sur ses rails. Les conséquences de cet activisme, poursuis-tu, sont manifestes, elles ont changé le cours de ce que tu estimes être notre destin commun. »
Pourquoi ce livre ? Parce que l’auteur dresse un portrait sensible et personnel d’un personnage essentiel de l’histoire de la lutte pour les droits civiques aux États-Unis. Le 8 mai 2014, Angela Davis donne une conférence à UCLA, où il enseigne. Lorsqu’il était enfant au Congo, l’autobiographie de cette militante trônait fièrement dans la bibliothèque familiale. Aujourd’hui, Alain Mabanckou rencontre enfin cette figure mythique. Passé et présent se bousculent dans sa tête où défilent souvenirs personnels et histoire de la lutte contre le racisme au fil des siècles, aux États-Unis et sur d’autres continents.
Parce que le lecteur découvre des détails essentiels non seulement sur la vie extraordinairement courageuse de cette militante mais aussi sur l’histoire de la ségrégation et la discrimination. L’auteur, avec finesse et clarté évoque les différents mouvements qui se côtoyaient, s’opposaient ou se rejoignaient pour la justice et l’égalité. « Le Black Power… était le terme générique englobant la plupart des initiatives collectives du monde noir. » Les Black Panthers, les Black Muslims, Martin Luther King, Malcom X, tous avaient leur idéologie propre pour en arriver à leur fin.
Parce que comment ne pas évoquer aussi l’exode des écrivains de la Harlem Renaissance vers l’Europe, et les injustices, les meurtres non punis par l’État de tant et tant de Noirs aux cours de l’histoire ? Les immondes lois Jim Crow, le Ku Klux Klan et ses dynamitages impunis de maison de la population afro-américaine à Birmingham ? Cette note surprenante des « autorités américaines (qui) demandent à la France d’appliquer une politique ségrégationniste à l’égard des soldats noirs envoyés en Europe pour la Grande Guerre » ? Et les assassinats de Noirs par les policiers, encore aujourd’hui ?
Parce que c’est un très bel essai, très personnel, très bien écrit, qui passe par la conférence d’Angela Davis pour englober la jeunesse de l’auteur dans l’Afrique des dictatures, jusqu’aux premières manifestations du racisme. Après la merveilleuse « Lettre à Jimmy » de 2007 qui nous fait mieux comprendre la pensée et la portée essentielle de James Baldwin, cet hommage à Angela Davis est éblouissant ! Alain Mabanckou sait vraiment comment nous émouvoir en évoquant la vie des intellectuels qui ont marqué l’histoire.
L’essentiel en 2 minutes
L’intrigue. À travers la vie de militantisme d’Angela Davis, c’est un pan de l’histoire de la lutte pour les droits civiques qui se révèle.
Les personnages. Angela Davis, et autres figures marquantes de l’histoire, acteurs et victimes.
Les lieux. États-Unis ; Congo ; Europe
L’époque. 2014, le passé et l’époque actuelle
L’auteur. Alain Mabanckou est né en 1966 en République du Congo. Il est écrivain et professeur à l’Université de Californie à Los Angeles. Il remporte en 2006 le prix Renaudot pour son roman « Mémoires de porc-épic ».
Ce livre a été aussitôt reçu, aussitôt lu. Passionnant !
https://www.20minutes.fr/arts-stars/livres/4103944-20240803-lu-femme-regarde-angela-davis-vue-alain-mabanckou
Frapper l'épopée, de Alice Zeniter, éditions Flammarion, ma critique pour le quotidien 20 Minutes (France)
18 août 2024: Frapper l'épopée, de Alice Zeniter, éditions Flammarion
Ma citation préférée :
« La notion de Blanc ici est un peu compliquée, ou du moins ce n’est pas la même qu’en métropole, ce n’est pas la même qu’aux États-Unis. Tass s’en est rendu compte en essayant de l’expliquer à Thomas. Avant, elle vivait avec, elle vivait dedans, elle n’avait pas besoin de l’interroger. Historiquement, lui a-t-elle dit, ce n’est pas tant une question de couleur de peau que de style de vie, ça s’est construit un peu à tâtons au XIXe siècle. Disons que si tu vivais en tribu, tu étais kanak. Et si tu faisais partie du colonat, quel que soit ton métissage, on te comptait parmi les Blancs. Ce qui voulait dire que tu pouvais être blanc et victime de racisme, puisque, quand même, tu n’étais pas blanc à l’œil, tu étais une « souris grise », une « peau de boudin ». »
Pourquoi ce livre ?Parce que l’autrice évoque la vie à Nouméa, sur le Caillou, selon le point de vue de Tass, jeune femme qui décide revenir vivre définitivement en Nouvelle-Calédonie après une rupture amoureuse avec Thomas, d’Orléans. Lassée par ses allers-retours entre son île et la métropole, devant l’incompréhension de Thomas pour ce qui concerne son attachement viscéral à son lieu d’origine, elle rentre à Nouméa retrouver ses amis mais aussi son histoire, affronter ses propres fantômes.
Parce que Tass, enseignante remplaçante en lycée, va croiser le destin de jumeaux kanak qui ont rompu avec leur tribu, et des membres d’un mouvement indépendantistes qui pratiquent l’ « empathie violente », qui consiste à « créer chez les Blancs un sentiment de dépossession, troubler l’évidence du chez-soi, limer la confiance qu’ils ont dans leur statut de propriétaire. »
Parce que l’histoire de l’archipel de Nouvelle-Calédonie défile sous nos yeux non pas du point de vue du colonisateur assoiffé de richesses, mû par une vision purement capitaliste et raciste mais de celui du Kanak, toujours en dialogue avec ses ancêtres. C’est aussi l’histoire de la colonie pénitentiaire qui, après la Guyane, a vu défiler et mourir bien trop jeunes des milliers de bagnards.
Parce que ce roman fait parfaitement écho aux événements tragiques de ce printemps. Il en explique un peu les racines, les origines du mal-être d’une population profondément divisée entre statu quo politique et processus menant à l’indépendance.
Parce qu’une des grandes originalités de cette fiction est l’intrusion soudaine de la voix de l’auteure qui, découvrant la présence de Kabyles parmi les bagnards, se demande si son arrière-arrière-grand-père, un peu comme celui de son personnage Tass, n’a pas vécu sur cette île. Et dans cette recherche elle nomme quelques prisonniers qui auraient pu avoir connu son ancêtre. Fiction et réalité se télescopent soudain, sans rompre l’enchantement. Et c’est passionnant.
Parce que ce livre dépasse la pure fiction. Il est poème, il est Histoire, il est sociologie, il est journal, il est philosophie. Et il est surtout très beau. Par certains points, île, colonisation, mouvement révolutionnaire, omniprésence du ruisseau et cætera, ce roman m’a fait penser à « La Lézarde », d’Édouard Glissant.
L’essentiel en 2 minutes
L’intrigue. Tass revient sur son île et part à la recherche de ses élèves jumeaux qui ont mystérieusement quitté sa classe.
Les personnages. Tass, enseignante ; des membres secrets du mouvement de l’empathie violente ; arrière-arrière-grand-père de Tass, bagnard libéré.
Les lieux. Nouvelle-Calédonie
L’époque. 2022 et avant, bien avant
L’auteur. Alice Zeniter est née en 1986. Elle a publié six romans qui ont remporté de nombreux prix. Elle est aussi dramaturge et metteuse en scène.
Ce livre a été lu très intéressé par la recherche des origines du personnage principal, puis par l’Histoire de cette île que bien sûr j’ignorais presque totalement. Beaucoup aimé le saut dans la réalité quand l’auteure s’interroge sur ses propres origines.
https://www.20minutes.fr/arts-stars/livres/4105109-20240818-lu-frappe-frapper-epopee-alice-zeniter
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